Les Relations de la France et de la Prusse de 1867 à 1870/07
L’Italie, perfidement encouragée, se lançait à corps perdu, à la suite de la révolution, dans une entreprise hasardeuse, téméraire. Elle s’attaquait à un état faible, qu’elle s’était solennellement engagée à respecter et à couvrir de sa protection, sans que les populations qu’elle prétendait émanciper eussent réclamé son intervention. Au lieu de laisser au temps et à la diplomatie le soin de résoudre le problème romain, qui troublait les consciences catholiques, elle croyait être en état de le trancher par la force, de sa seule autorité. Elle donnait à l’Europe l’affligeant spectacle d’une invasion, recrutée, armée, subventionnée par des députés, sous les yeux du gouvernement, au mépris du droit des gens ; elle jetait la France, qui n’avait cessé de lui donner des marques effectives de son amitié, dans les plus cruels embarras ; elle la mettait dans la nécessité ou d’intervenir ou d’abdiquer. L’empereur avait abrégé son séjour à Biarritz ; il était venu à Saint-Cloud pour se rapprocher de son gouvernement. Les résolutions à prendre étaient trop graves pour n’être pas pesées et discutées en conseil, d’autant plus que ses ministres étaient partagés sur l’urgence d’une intervention ; le maréchal Niel et le marquis de Moustier trouvaient, à l’encontre de leurs adversaires, que l’intérêt français devait passer avant l’intérêt italien. La convention du 15 septembre était violée, l’Italie avait méconnu ses devoirs, le pape était en danger, l’opinion en France s’indignait, elle demandait où s’arrêterait la condescendance de l’empereur ; il n’était plus possible, après toutes les défaillances de notre politique depuis le mois de juillet 1866, de se prêter à un nouvel acte de faiblesse. Les dépêches de Rome et de Florence devenaient pressantes, elles disaient qu’il n’était que temps d’aviser ; elles annonçaient aussi que le gouvernement italien renforçait son armée sur les frontières des états pontificaux, que le général Ricotti partait pour Terni et que l’amiral Ribotti prenait le commandement de l’escadre. Ces graves mesures montraient que l’Italie était résolue, malgré nos protestations, à passer outre et à pénétrer sur le territoire du saint-siège. Les résolutions viriles s’imposaient à la cour des Tuileries.
M. Nigra, depuis le retour de l’empereur, avait repris courage ; il ne désespérait pas d’ébranler ses résolutions. L’Italie était la corde sensible de Napoléon III et l’envoyé de Victor-Emmanuel savait la faire vibrer. La camarilla italienne s’attaquait à nos ministres de la guerre et des affaires étrangères ; sourdement elle minait leur crédit ; ses journaux réclamaient le remplacement « de funestes conseillers qui perdaient la France. » On évoquait la Prusse menaçante ; on persistait à prêter au comte de Bismarck de perfides desseins ; il n’attendait, disait-on, que le départ de notre escadre pour jeter le masque, prendre sa revanche de l’affaire du Luxembourg, et proclamer l’empire d’Allemagne. On prêtait au ministre prussien, suivant les besoins de la cause, les sentimens les plus opposés ; il était l’ami de la France, son allié naturel, il nous assurait la Belgique et nous cédait Mayence et le Palatinat tant que l’Italie n’était pas faite, mais depuis que l’Italie réclamait Rome, il ne songeait plus qu’à revendiquer l’Alsace, qu’à consommer notre ruine. Les adversaires de M. de Moustier et du maréchal Niel faisaient appel aux souvenirs de 1859 ; ils se constituaient les défenseurs de M. Rattazzi ; ils démontraient que notre intérêt nous commandait de ne pas le pousser à bout, qu’il fallait lui tendre la perche et lui faciliter les moyens de se soustraire à ses attaches révolutionnaires ; ils s’attendrissaient sur le sort du roi, ils le montraient atteint dans son prestige ; il importait de le sauver et de nous assurer par d’habiles concessions son alliance, en vue d’une guerre avec l’Allemagne, qu’ils prévoyaient prochaine. « Ce n’est pas tout, disaient-ils, d’aller à Rome, le difficile sera d’en sortir. N’est-il pas préférable, dès lors, de nous débarrasser de la question romaine et de la résoudre une fois pour toutes, à l’amiable, avec l’Italie qui, mal engagée, se montre accommodante et nous propose un congrès ? » De toutes les objections qu’ils soulevaient, c’était la plus sérieuse. Il était sage, assurément de ne pas froisser notre alliée de 1859 et de faciliter à son gouvernement les moyens de se tirer du mauvais pas où, de gaité de cœur, elle s’était engagée à la suite de la révolution. Il eût été habile de profiter de la crise dans laquelle l’Italie se débattait pour sortir des équivoques d’une convention mal conçue, mal libellée, fournissant matière à d’irritantes controverses, et d’assurer au saint-siège, fût-ce au prix de sacrifices, de solides garanties, solennellement consacrées par toutes les puissances catholiques. Mais qui pouvait répondre de la bonne foi de l’Italie ? Ne venait-elle pas de prouver qu’elle méconnaissait ses promesses, qu’elle sacrifiait tout, les amitiés et les traités, à ses intérêts, à ses passions ? N’avait-elle pas, au mépris de la confraternité récente de nos armes, scellée sur les champs de batailles de la Lombardie, cherché à nous mettre aux prises avec la Prusse ? N’avait-elle pas spéculé sur nos défaites ? La France devait-elle manquera sa parole, renoncer à sa politique traditionnelle, parce qu’il plaisait à l’Italie d’affirmer qu’il lui fallait Rome ?
Tels étaient les argumens qui se croisaient autour d’un souverain hésitant, partagé entre le désir de ne pas s’aliéner un pays qui lui était cher, dont il avait fait le pivot de sa politique et la nécessité de ne pas méconnaître ses devoirs envers la France.
Le maréchal Niel et le marquis de Moustier étaient d’accord ; ils étaient décidés à ne consentir à aucune transaction. Lorsqu’ils virent l’empereur, si résolu à Biarritz, ébranlé depuis son retour à Paris par les agissemens de la diplomatie italienne, et prêt à céder à ses instances, ils offrirent leur démission. « Si l’Italie, disaient-ils, viole la convention du 15 septembre et permet à la révolution de pénétrer dans les états du saint-siège par des frontières volontairement mal gardées, le devoir de la France est de ne pas laisser protester sa signature à la honte de l’Europe. »
A Rome, tout le monde avait les yeux fixés sur Paris ; à Florence, on se préoccupait moins de Paris que de Berlin ; on croyait que le sort de l’Italie était entre les mains de la Prusse, c’est de M. de Bismarck que M. Rattazzi attendait le salut ; il s’imaginait qu’il suffirait au ministre prussien de dire un mot, de manifester hautement son assentiment aux revendications italiennes, pour donner à réfléchir à la France et la faire reculer. Mais le chancelier ne sortait pas d’une froide réserve ; il restait impénétrable. Il laissait à ses journaux le soin d’attiser le feu et d’entretenir des espérances qu’il était bien décidé à ne pas satisfaire. Il n’avait aucun intérêt à intervenir ; ce qu’il voulait, c’était laisser se développer et s’envenimer l’antagonisme entre la France et l’Italie et nous aliéner à jamais notre alliée éventuelle. Le langage qu’il nous tenait n’avait rien qui pût nous inquiéter ni altérer nos résolutions. Il parlait de Garibaldi et de ses auxiliaires avec dédain ; il ne ménageait pas le cabinet de Florence ; il faisait justice de ses assertions au sujet de la défense de ses frontières. « La Russie, disait-il, trouve bien le moyen de surveiller ses frontières occidentales de façon à ne pas y laisser passer un seul homme sans sa permission ; il n’est pas admissible que 50,000 Italiens fussent impuissans à accomplir la même tâche sur une frontière, infiniment moins étendue. »
Les inquiétudes croissaient à Rome, on se demandait si l’on pourrait soutenir longtemps une lutte qui devenait de plus en plus inégale. Les moyens de défense étaient limités, tandis que les rangs des agresseurs grossissaient d’heure en heure. Le proministre des armes et le cardinal Antonelli, sur qui pesait l’organisation de la défense, se montraient soucieux ; ils disaient qu’ils n’avaient, dans chacune des provinces, que de faibles contingens à mettre en ligne. Ils prévoyaient le moment où ils seraient débordés si la France n’intervenait pas. Ce qui les consolait, c’était la fidélité des populations, qu’aucune excitation ne détournait de leurs devoirs. Pas une ville, pas une bourgade ne pactisait avec la révolution. Dès que les bandes s’éloignaient, l’autorité légitime était spontanément rétablie ; la bourgeoisie demandait des armes pour soutenir la cause du saint-siège, et les squadriglie, — des paysans enrôlés, — rivalisaient de courage et de fermeté avec les troupes régulières. C’était le démenti le plus éclatant aux journaux italiens, qui s’efforçaient de donner le change à l’Europe en parlant de l’insurrection des populations romaines, tandis qu’il ne s’agissait, en réalité, que d’une invasion combinée de longue main par le parti révolutionnaire. Il n’en coûtait pas à la presse de dénaturer les faits pour monter les esprits ; elle prétendait que l’armée, les zouaves pontificaux eux-mêmes, pactisaient secrètement avec les bandes garibaldiennes ; elle transformait les défaites en victoires ; elle disait que le pape était découragé et préparait son départ. Rien n’était moins exact. Pie IX ne cédait point au découragement, les difficultés de la lutte fortifiaient son énergie, mais il prévoyait, et ne le cachait pas à notre diplomatie, que si l’assistance devait tarder, il succomberait sous le nombre.
Le péril était imminent ; le salut de Rome dépendait de la promptitude et, de la fermeté de nos résolutions. L’empereur n’hésita plus. Le dernier mot restait à M. de Moustier et au maréchal Niel. « Que le gouvernement pontifical continue à se défendre énergiquement, l’assistance de la France ne lui fera pas défaut, télégraphiait, le 17 au soir, du palais de Saint-Cloud, le ministre des affaires étrangères à notre chargé d’affaires à Rome. » Les amis de M. Nigra étaient battus, la politique de l’intervention l’emportait sur la politique des compromissions.
M. de Moustier adressait en même temps un ultimatum au cabinet de Florence. Le gouvernement de l’empereur déplorait l’insuffisance des moyens employés par M. Rattazzi pour garder les frontières romaines ; il constatait, avec un vif regret, les facilités que rencontraient, sur le territoire italien et jusque dans la capitale, l’enrôlement et le départ des volontaires ; il n’admettait pas que le ministre du roi alléguât son impuissance à réprimer un mouvement qu’il avait laissé grandir et qu’il songeât à tirer parti de sa prétendue impuissance pour s’approprier les bénéfices d’une agression dont il avait désavoué les principes. Le gouvernement impérial mettait en conséquence le ministère du roi en demeure de donner la preuve de sa bonne foi et de son désir de conserver ses relations amicales avec la France par des actes d’une nature telle qu’il n’y eût plus d’équivoque possible sur ses intentions ; faute de quoi le cabinet des Tuileries se verrait contraint de faire respecter sa signature apposée au bas de la convention du 15 septembre. On laissait vingt-quatre heures au cabinet de Florence pour faire connaître ses résolutions. C’était presque un casus belli.
M. Rattazzi ne s’était jamais arrêté sérieusement à l’éventualité d’une intervention française, et elle lui apparaissait soudainement sous la forme d’un ultimatum. Sa diplomatie, trop confiante en elle-même, avait spéculé sur la faiblesse de l’empereur ; elle n’avait pas tenu compte des impérieuses exigences de sa politique intérieure. L’échec qu’elle subissait renversait les combinaisons du ministre italien ; il ne lui restait d’autre ressource que de marcher avec Garibaldi sur Rome et de rompre avec la France. Ne pouvant plus se détacher de la gauche dont il était le prisonnier, il se décida pour une retraite humiliante sans franchise. Sa démission était forcée ; Victor-Emmanuel ne pouvait sauver sa couronne qu’en le sacrifiant. Il est des ministres que la fortune comble de ses prodigalités, tout leur réussit, les fautes mêmes tournent à leur avantage. Il en est d’autres que poursuit la malechance et qui laissent un fâcheux renom. M. Rattazzi était de ce nombre, il passait comme Pie IX pour être un jettatore : il était le ministre de Charles-Albert lors du désastre de Novare et, dès qu’il rentrait au pouvoir, Garibaldi se jetait à la traverse de sa politique et le condamnait à des répressions impopulaires, à d’humiliantes capitulations. Il est vrai que chacun des échecs sanglans que son passage aux affaires attirait à l’Italie était comme un germe fécondant et tournait au profit de son unité. Sans Novare, sans Aspromonte et sans Mentana, Rome ne serait pas aujourd’hui la capitale de l’Italie. « L’Italie, disait Gioberti, se fera par les souffrances et les larmes de ses patriotes. »
Le roi parut se séparer de son ministre à contre-cœur : « C’est un véritable patriote, c’est mon ami, » disait-il, à une députation qui, au lendemain de la chute de M. Rattazzi, lui demandait de marcher sur Rome. Il est vrai que, quelques semaines plus tard, Victor-Emmanuel l’immolait en passant en revue avec M. de Malaret, au retour de son long congé, les événemens des derniers mois. Il parlait en termes sévères de sa conduite ; il l’accusait d’avoir été d’abord l’adversaire de la révolution, puis son complice. C’est aux menaces qui l’avaient assailli au lendemain de l’arrestation de Garibaldi et à l’émotion qu’il en avait ressentie, que le roi attribuait sa conversion. Il lui reprochait d’avoir fourni de l’argent et des munitions à la révolution et, pour se soustraire aux charges d’une complicité manifeste, il se donnait le mérite d’avoir provoqué sa démission par la vivacité de ses remontrances. « En 1804, disait M. Thiers dans son Histoire du consulat et de l’empire, la Prusse avait un roi qui mettait du prix à passer pour honnête et qui aimait les acquisitions de territoire. On possédait un singulier moyen de tout expliquer d’une manière honorable : les actes équivoques étaient attribués à M. d’Haugwitz, qui se laissait immoler de bonne grâce à la réputation de son roi. »
En 1867, l’Italie était loin d’être ce qu’elle est devenue depuis, un grand royaume, uni, prospère, centralisé ; ses fondemens étaient peu solides, elle manquait de cohésion ; son crédit était discuté, son organisation militaire laissait à désirer, son administration manquait d’expérience et d’autorité. Les affirmations patriotiques de la presse et de la tribune ne suffisaient pas pour cacher ses faiblesses et ses divisions. Il y avait, en réalité, en Italie, deux armées et deux gouvernemens : Victor Emmanuel était le chef de l’armée régulière et du gouvernement officiel, et Garibaldi, tour à tour député, dictateur, tribun ou ermite, commandait une armée irrégulière qui avait ses officiers, ses généraux et qui tenait la couronne et les ministères en échec. Il eût suffi alors que la France témoignât au gouvernement du roi du mauvais vouloir et encourageât sous main les princes dépossédés pour remettre en question l’œuvre hâtive, artificielle de 1859. Déjà les partisans du prince Murat s’agitaient dans le royaume de Naples, tandis que, dans les provinces septentrionales, la propagande de Mazzini faisait d’inquiétans progrès. Il fallait que M. Rattazzi fût un homme d’état bien téméraire, ou qu’il eût de la volonté de Napoléon III la plus affligeante idée pour se permettre, dans des pareilles conditions, de braver la France dans sa conscience et de déchirer un traité qui portait sa signature. Il n’était que temps de s’arrêter ; un pas de plus et il n’était pas dit que le traité de Zurich, si audacieusement violé, ne devînt une réalité.
Du reste, les illusions étaient tombées brusquement, la raison était revenue dès qu’on s’était aperçu qu’on allait se trouver seul en tête-à-tête avec la France, prête à faire respecter la convention de septembre, l’épée à la main. Le roi, en face du péril, s’était hâté d’écrire à l’empereur ; il avait fait appel aux souvenirs de Solférino ; il savait qu’en les évoquant, il était toujours écouté. Il réclamait des délais pour lui permettre de former un cabinet et de ressaisir les rênes du gouvernement. Il annonçait que le général Cialdini acceptait la présidence du conseil ; le nom du général Cialdini était un gage, on était certain que, sous ses ordres, l’armée royale ne se glisserait pas à la suite ou dans les rangs des bandes révolutionnaires sur le territoire du saint-siège défendu par la France. Le lendemain, le Moniteur contenait la note suivante : « En présence des troubles produits dans les états pontificaux par les bandes révolutionnaires qui en ont franchi la frontière, le gouvernement français avait pris la résolution d’envoyer un corps expéditionnaire à Civita-Vecchia. Cette mesure était l’accomplissement d’un devoir de dignité et d’honneur. Le gouvernement ne pouvait s’exposer à voir la signature de la France, apposée sur la convention du 15 septembre 1804, violée ou méconnue. Mais le gouvernement italien a fait au gouvernement de l’empereur les assurances et les déclarations les plus catégoriques. Toutes les mesures nécessaires sont prises pour empêcher l’envahissement des états pontificaux et rendre à la convention sa complète efficacité.
« Par suite de ces communications, l’empereur a donné l’ordre d’arrêter l’embarquement des troupes. Une dépêche télégraphique annonce que le roi d’Italie a accepté la démission de M. Rattazzi et chargé le général Cialdini de former un cabinet. »
Victor-Emmanuel par son énergie, et Napoléon III par sa modération, espéraient apaiser les passions et faire rentrer la péninsule dans l’ordre et la légalité. Ils oubliaient le captif de Caprera ; son évasion, conséquence forcée de la chute de M. Rattazzi, allait tout remettre en question en rendant son chef à la révolution déchaînée. Le 22 octobre, Garibaldi, qu’on disait surveillé par sept bâtimens de guerre et gardé à vue par un bataillon d’infanterie, arrivait inopinément à Florence, au siège même du gouvernement ; il haranguait la foule, il lançait par-dessus les Alpes d’injurieuses provocations à la France, il conférait avec les députés de la gauche et partait pour Pérouse, par un train spécial, à la barbe des autorités ; il allait se mettre à la tête de l’invasion qui menaçait Rome et la papauté ; il s’emparait de Monte-Rotondo et faisait trois cents prisonniers. Il était réellement le maître de l’Italie.
Le général Cialdini, qui devait affirmer l’énergie et se mettre à la tête du gouvernement, reculait devant sa tâche ; il annonçait à notre chargé d’affaires qu’il n’avait pu constituer un ministère. Il n’avait trouvé, disait-il, dans le parlement, aucun homme qui voulût assumer la responsabilité de la répression ; tous craignaient que l’arrivée d’une escadre française ne provoquât en Italie un immense soulèvement. Le général Cialdini cédait au découragement, la situation lui paraissait inextricable ; il ne voyait que deux issues : rappeler Rattazzi, marcher avec la révolution et accepter une guerre avec la France, ou s’adresser au général Menabrea et lui confier le soin de la répression, au risque de provoquer la guerre civile. De ces deux partis il préférait le premier : « Mieux vaut, disait-il, être écrasé par l’étranger que de périr par ses propres armes. » Il espérait toutefois, qu’avant d’en arriver à d’aussi douloureuses extrémités, l’empereur trouverait un moyen de concilier les intérêts des deux pays. Mais il fallait se hâter, les esprits se montaient et s’aigrissaient de plus en plus ; il ne voyait de salut que dans une intervention simultanée. Il comptait sur le marquis Pepoli, envoyé en mission à Paris, pour faire comprendre à l’empereur la situation et le ramener à des sentimens concilians. Le général Cialdini reconnaissait d’ailleurs les fautes de M. Rattazzi ; il blâmait sa politique ambiguë, tortueuse, mais il se dérobait, il ne se souciait pas de compromettre son épée. Son refus de présider à la répression que nous promettait le roi, autant que ses explications, causèrent à Paris une pénible impression.
« Nous sommes étonnés, télégraphiait M. de Moustier au baron de La Villestreux, des paroles du général Cialdini. Il n’y a qu’une question : l’Italie a pris envers nous des engagemens solennels ; veut-elle les tenir ? Son honneur et ses intérêts y sont engagés. Ce n’est pas par des hésitations et des ménagemens envers la révolution, mais par des mesures énergiques immédiates, que le gouvernement italien assurera ses bons rapports avec la France et reprendra son prestige. L’empereur écrit dans ce sens au roi. »
Le comte Armand avait communiqué en audience au saint-père la dépêche du 17, datée de Saint-Cloud, laissant espérer à la cour de Rome l’intervention de la France. Le pape avait accueilli la communication de notre chargé d’affaires avec satisfaction, mais sans manifester de joie ni d’étonnement, comme un fait sur lequel il avait plus d’une raison de compter. Il semblait qu’il existât entre le pape et l’empereur quelque lien mystérieux qui remontait loin dans leurs souvenirs. Ils avaient, en effet, dans leurs jeunes années, poursuivi la même pensée ; ils avaient rêvé tous deux d’affranchir l’Italie de la domination autrichienne : l’un, dans le mystère et le recueillement des cathédrales, l’autre, dans les sombres retraites des carbonari. L’Italie leur avait porté bonheur : le prêtre avait ceint la tiare, et le carbonaro la couronne impériale. Pie IX était évêque de Spoletto, en 1831, lors de l’insurrection des états romains et dans de dramatiques circonstances, il s’était dévoué au salut de Louis-Napoléon. Peut-être Pie IX se rappelait-il cet épisode de ses jeunes années et trouvait-il naturel qu’en le voyant en péril, Napoléon III n’oubliât pas l’évêque de Spoletto. Unis jadis dans les mêmes espérances, ils se voyaient à la fin de leurs règnes, si glorieusement commencés, divisés, déçus dans leurs illusions, atteints dans leur puissance :
« Je suis entre les mains de Dieu, disait le pape, prêt à accepter tous les décrets de la Providence. Ma soumission n’est pas du fatalisme musulman, comme on l’a prétendu un jour ; la résignation chrétienne n’exclut pas l’initiative. Je me préoccupe des moyens de prolonger l’héroïque défense de mon armée ; je songe même à l’équilibre de mes finances si lourdement grevées par les dépenses militaires. Les prisonniers que nous avons faits ajoutent encore aux charges du trésor public. Nous les traitons avec bonté et libéralité, et, en attendant que nous prenions un parti, je leur lais suivre une retraite spirituelle. Ne faut-il pas que le souverain-pontife s’occupe du salut des âmes ? Je les ai fait trier en deux catégories, les incrédules et les égarés. J’espère en ramener quelques-uns à la religion, ce sera autant de conquis sur l’armée du mal[2]. »
La quiétude de la cour pontificale fut de courte durée ; le 22 octobre, elle apprenait que l’escadre, au moment d’appareiller pour Civita-Vecchia, avait reçu contre-ordre. En même temps, un mouvement éclatait à Rome. Des insurgés tentaient de s’emparer du Capitole et faisaient sauter la caserne des zouaves pontificaux, tandis que des bandes commandées par Cairoli, un frère du député, descendaient le Tibre et arrivaient jusqu’à la Porta-del-Popolo. L’armée pontificale, tenue sans cesse en haleine, était exténuée de fatigues ; le proministre des armes prévoyait le moment où, assaillie de tous côtés, elle serait à bout de forces. La situation devenait de plus en plus périlleuse : « Si le gouvernement de l’empereur a réellement à cœur de sauver le saint-siège, il n’y a pas un moment à perdre, » disait le cardinal Antonelli à notre chargé d’affaires.
Le comte Armand sollicitait des instructions qu’il n’obtenait pas. Les fils télégraphiques étaient coupés, il en était réduit à envoyer ses dépêches et celles du baron de Hübner, ministre d’Autriche, par des avisos à Bastia. Il n’en persistait pas moins à affirmer l’intervention de la France.
Toutes les rancunes que nos services avaient accumulées dans les âmes italiennes éclataient avec fracas : les passions débordaient dans toutes les villes. La révolution s’en donnait à cœur-joie. L’Italie était sans gouvernement ; le ministère de l’intérieur était devenu le foyer de l’insurrection, les préfets ne recevaient plus d’ordres ; des soldats de l’armée régulière passaient dans les rangs des volontaires, on le constatait à Rome par les livrets trouvés sur les prisonniers. Le colonel Schmitz et le commandant Parmentier, notre attaché militaire auprès du saint-siège, adressaient des dépêches alarmantes à Paris. Le général Prudon télégraphiait au maréchal Niel : « L’armée romaine pourra résister pendant quelque temps à Civita-Vecchia à une attaque avec artillerie, mais non dans Rome, sur la rive gauche. Depuis les nouvelles de non-intervention, les bandes augmentent aux frontières, beaucoup sont munies d’artillerie. Des tentatives d’insurrection, organisées par des étrangers, provoquent de l’agitation dans la ville. La petite armée pontificale est épuisée ; le gouvernement bientôt n’aura plus de forces suffisantes pour se défendre. Cette situation ne saurait se prolonger, il y a urgence d’y pourvoir. »
Le tableau que traçait le comte Armand n’était pas moins sombre. Chaque soir, des bombes Orsini éclataient à Rome ; la police était sur les dents, elle saisissait des armes et des munitions, elle arrêtait des bandits prêts à tous les forfaits, cachés au Trastevere. Le corps de Nicotera campait à 8 kilomètres de Rome ; les garibaldiens venaient de s’emparer de Monte-Rotondo, ils s’avançaient à marche précipitée au nombre de 6,000, et l’on n’avait que des forces insignifiantes à leur opposer : « J’encourage la résistance, télégraphiait notre chargé d’affaires, je m’efforce de faire accepter l’idée d’un siège, mais, en dépit de mes exhortations, l’inquiétude devient galopante. Tout le monde s’attend à voir l’armée royale passer la frontière. »
Le gouvernement impérial avait tout fait pour prévenir la crise, pour éclairer le gouvernement italien sur ses intérêts, pour, assurer à une convention qu’il avait provoquée et librement signée sa force et son efficacité. En face des démarches, des conseils, des avertissemens de notre diplomatie, il était impossible de ne pas rendre hommage à la prévoyance et à la loyauté de notre politique. Si on avait un reproche à lui faire, c’était de n’avoir pas formulé dès le début, avec une netteté et une énergie suffisantes, notre résolution bien arrêtée de faire respecter la convention de septembre, même au prix d’une intervention armée. Il est vrai que nos relations avec l’Italie nous commandaient de ménager ses susceptibilités ; en raison même des services que nous lui avions rendus, elle n’écoutait nos observations qu’avec déplaisir ; toute pression de notre part était pour elle une gêne, une atteinte à sa dignité. C’était un sentiment naturel au cœur humain, l’Italie n’y pouvait échapper.
Le gouvernement français, à moins d’une abdication invraisemblable, et sous peine de perdre tout prestige et toute considération en Europe, ne pouvait rester spectateur impassible d’une odieuse agression. Déjà l’on se demandait si c’était la France qui dirigeait l’Italie, ou l’Italie qui entraînait la France, au gré de sa volonté, dans de criminelles aventures. La fatalité nous poussait à nous mettre en antagonisme avec tout un peuple dont l’amitié nous était précieuse, elle nous condamnait à faire violence à nos sentimens et à nos principes, elle nous forçait de rompre avec la seule alliance sur laquelle nous étions en droit de compter ; c’était comme si, pour la seconde fois, nous jetions l’alliée de nos rêves dans les bras de la Prusse.
Et cependant comment détourner le calice ? Rome ne pouvait plus se défendre ; elle nous adressait des appels désespérés. Quelle responsabilité l’empereur eût encourue, quels ressentimens il eût soulevés en France si, ayant une flotte et une armée concentrées à Toulon, il avait permis à Garibaldi de mettre la main sur le pape ! Encore, si spontanément les Romains s’étaient soulevés contre leur gouvernement et prononcés pour l’Italie, la question eût changé de face, notre politique aurait pu invoquer le principe des nationalités et se borner au rôle de conciliateur. Mais, loin d’appeler l’Italie, les populations résistaient à la pression, à la propagande des comités ; elles manifestaient en toute rencontre de la répugnance pour leurs libérateurs. Il ne pouvait donc y avoir ni équivoque ni incertitude : du moment que le gouvernement italien se déclarait impuissant à défendre les frontières des états de l’église, c’était à la France de faire respecter la convention de septembre. Les délais réclamés par le roi étaient expirés, aucun cabinet n’était formé et la révolution frappait aux portes de Rome avec la crosse de ses fusils ; l’empereur, malgré sa tendresse invétérée pour l’Italie, ne pouvait plus se soustraire aux exigences impérieuses de l’opinion.
Le 26 octobre, le Moniteur annonçait « qu’en présence des tentatives nouvelles faites par les bandes révolutionnaires pour envahir le territoire pontifical, l’empereur avait révoqué les ordres donnés de suspendre l’embarquement des troupes réunies à Toulon. »
A l’heure où notre flotte appareillait, le général Menabrea[3] se chargeait, sur les instances du roi, de la formation d’un cabinet ; Victor-Emmanuel ne pouvait faire de meilleur choix. Le comte Menabrea nous offrait, par la loyauté et la fermeté de son caractère, toutes les sécurités. Vingt-quatre heures plus tôt, son avènement au pouvoir nous eût permis d’échapper à une détermination blessante pour l’Italie, contraire à nos principes et à nos intérêts. La jettatura s’en mêlait !
Le départ précipité de notre corps expéditionnaire causa en Europe une vive sensation. Les chancelleries n’étaient pas préparées, après toutes les défaillances de notre politique depuis Sadowa, à cet acte de vigueur. Rome fut dans la joie, Florence dans la consternation. Pour le saint-siège, c’était la délivrance ; pour l’Italie, la ruine de ses espérances.
On s’attendait, le 27 octobre, à voir apparaître d’un instant à l’autre, sous les murs de Rome, les bandes garibaldiennes. Le général Kanzler avait à peine trois mille hommes à leur opposer ; il prenait ses dispositions avec le général Prudon pour soutenir un siège. On ne pouvait défendre la rive gauche du Tibre, elle n’était protégée que par un mur d’enceinte. Si les garibaldiens avaient payé d’audace, ils auraient pu de ce côté, sans coup férir, pénétrer dans la ville. Tous les efforts de la défense étaient portés sur la rive droite, où les fortifications de la cité Léonine permettaient la résistance. On se demandait avec anxiété si notre corps expéditionnaire arriverait à temps, on supputait les heures de la traversée, on craignait une nouvelle déception après les contre-ordres qui, à deux reprises déjà, avaient arrêté l’embarquement de nos troupes. Le 27 au soir, toutes les craintes tombaient subitement : on venait de signaler une frégate en vue de Civita-Vecchia ; l’état de la mer et l’obscurité l’empêchaient d’entrer dans le port. Le lendemain, le corps expéditionnaire était débarqué, et le 30 son avant-garde entrait dans Rome. Il n’était que temps ! C’était pour la seconde fois que l’armée française accourait au secours de la papauté. En 1849, elle chassait la révolution du Vatican, en 1867, elle l’empêchait d’y entrer. Mais, en 1849, elle défendait du même coup l’Italie en conjurant une occupation des états romains par l’Autriche, tandis qu’en 1867 elle défendait les états du saint-siège contre l’Italie, l’alliée de la révolution.
La cour de Rome échappait à un grand péril, et elle le devait à notre intervention ; notre chargé d’affaires s’attendait aux manifestations chaleureuses de sa reconnaissance, c’est à peine s’il recueillit quelques mots de remercîmens. Le cardinal Antonelli était trop avisé pour se faire illusion sur la portée de notre assistance ; il savait qu’elle n’avait rien de spontané, qu’elle nous était commandée par d’impérieuses nécessités, et qu’elle était un suprême et dernier effort de notre bon vouloir. M. de Moustier d’ailleurs, dans une circulaire adressée à ses agens, déterminait le caractère et la durée de notre intervention. Il annonçait que nos troupes se réembarqueraient dès que l’ordre serait rétabli dans les états du saint-siège et que le gouvernement de l’empereur s’en remettrait à l’entente et à l’action collective des puissances catholiques pour assurer dorénavant au souverain pontife son indépendance temporelle. Ce n’était pas ce qu’on rêvait au Vatican.
Il est aisé de trouver des ministres dans les temps prospères, mais, aux heures de crise, lorsque le pouvoir est un danger, les ambitieux se dérobent. Victor-Emmanuel depuis huit jours cherchait en vain des conseillers ; il n’essuyait que des refus. « M’abandonnerez-vous comme tout le monde, disait-il au général Menabrea ? » Son appel s’adressait à un homme de devoir. Le général Menabrea n’hésita pas : le salut de la couronne et de l’Italie étaient en jeu, il accepta la tâche ingrate, périlleuse, de former un ministère. Son avènement était le retour certain aux principes d’ordre et au respect des traités. A peine installé, il prenait les mesures les plus énergiques pour arrêter le mouvement. Les bureaux d’enrôlement étaient fermés, les souscriptions saisies, les volontaires arrêtés, et le roi adressait au pays une proclamation qui ne laissait aucun doute sur l’intention du gouvernement de combattre résolument la révolution. « Le caractère du président du conseil, écrivait M. de La Villestreux, ses antécédens politiques, ses sentimens pour la France, sont, je le crois, un sûr garant des actes qui marqueront son administration. De nombreuses mesures d’ordre et de sécurité publique sont déjà en voie d’exécution. Les bureaux d’enrôlement ont été fermés, le comité central de secours a été supprimé, une instruction judiciaire est ouverte, et les prescriptions les plus sévères ont été adressées aux préfets. »
Ce n’était pas tout de réprimer l’anarchie, il fallait maîtriser le sentiment public et lui faire accepter notre intervention. Les passions étaient excitées, ne se déchaîneraient-elles pas contre le gouvernement à l’apparition des soldats français sur le sol italien ? M. Menabrea appréhendait des manifestations ; il ne voyait de salut, au risque de mécontenter l’empereur, que dans une occupation des points extrêmes des états pontificaux. Ce n’est qu’en donnant une satisfaction à l’amour-propre de l’Italie qu’il espérait rester maître de la situation. Ses prétentions étaient en somme modestes ; il n’aspirait pas à une occupation simultanée des états du saint-siège, il entendait moins encore entraver nos opérations ; il voulait uniquement, en concourant à la répression dans la mesure la plus étroite, ménager l’amour-propre du pays et sauvegarder la dignité du gouvernement[4]. Le roi était à cet égard en parfaite communion de sentiment avec son cabinet ; il n’avait pas caché au colonel Schmitz, dès le lendemain de la chute de M. Rattazzi, que si nous entrions dans les états romains, il y entrerait avec nous.
Le 30 octobre, la Gazette officielle annonçait inopinément que les troupes royales avaient reçu l’ordre de pénétrer dans les états du saint-siège. « Le Moniteur, disait-elle, ayant annoncé que le drapeau français flottait sur les murs de Civita-Vecchia, le gouvernement du roi, suivant les déclarations qu’antérieurement il a faites aux puissances, en vue de cette éventualité, a donné l’ordre à ses troupes de passer les frontières pour occuper quelques points du territoire pontifical[5]. » La presse officieuse annonçait en même temps que le général de La Marmora, qui venait d’être nommé commandant de l’armée d’occupation, serait envoyé en mission à Paris. Il devait fournir des explications à l’empereur.
M. Rattazzi avait refusé d’exécuter la convention de septembre et le général Menabrea la violait ouvertement, sous le prétexte de céder aux exigences de sa politique intérieure. C’était un acte d’audace. La mission du général de La Marmora prouvait qu’on en comprenait la portée. Le cabinet de Florence adressait en même temps une circulaire à ses agens pour justifier sa détermination. Il ne pouvait se faire d’illusion sur l’accueil que ses explications trouveraient à Paris. Jamais la France n’avait entendu partager avec l’Italie le droit de protéger le saint-siège.
Après le divorce éclatant du nouveau ministère avec le parti d’action, la cour des Tuileries ne devait pas s’attendre à une démonstration qui pouvait à la rigueur être interprétée comme un défi[6]. L’irritation ne fit qu’augmenter lorsqu’on apprit que les autorités militaires italiennes provoquaient dans les provinces romaines des plébiscites d’annexion[7].
Les protestations du gouvernement impérial ne se firent pas attendre. M. de Moustier repoussait l’occupation mixte des états de l’église ; il mettait le gouvernement italien en demeure de retirer ses troupes. Si le saint-siège avait voulu se prêter à une intervention italienne, la France aurait en mauvaise grâce de s’y opposer ; une entente entre Rome et Florence lui eût rendu sa liberté d’action. Mais Pie IX était intraitable ; il repoussait toutes les avances de l’Italie ; par son obstination il paralysait notre politique et nous suscitait de cruels embarras ; l’influence fatale que la superstition italienne attribuait à Pie IX semblait peser Napoléon III. La cour de Rome protestait dans de véhémentes circulaires contre la violation de son territoire. Le cardinal Antonelli ne se bornait pas à s’adresser aux puissances catholiques, il mettait l’Angleterre en cause. Il lui reprochait de fournir de l’argent et des armes à la révolution ; il faisait allusion en termes prophétiques aux agissemens des fenians. Il demandait au cabinet de Londres ce qu’il dirait si, tandis qu’il conspirait contre le pape, le saint-siège demandait à l’Irlande catholique de secouer le joug de la domination anglaise. « Puisse l’Angleterre, ajoutait-il, à titre d’avertissement, ouvrir les yeux à la lumière, agir désormais avec plus de justice à l’égard d’une puissance non-seulement inoffensive, mais encore amicale ! »
Tandis que des notes et des télégrammes s’échangeaient entre Paris et Florence, Garibaldi était aux prises avec l’armée romaine. Le 3 novembre, à deux heures du matin, par une pluie battante, un corps de cinq mille hommes, moitié Français, moitié Romains, commandé par le général Kanzler et le général Polhès, sortait de Rome et se dirigeait vers Monte-Rotondo. Monte-Rotondo était une petite place forte dont Garibaldi s’était emparé peu de jours auparavant. Il s’agissait de l’en déloger. L’armée garibaldienne, renforcée par des soldats sortis des rangs de l’armée régulière, campait à un kilomètre en avant de la forteresse. On en vint aux mains aussitôt ; c’était le combat de Mentana qui s’engageait. La lutte se prolongea, acharnée, indécise jusqu’à la fin de la journée. Le général Polhès n’intervint que vers quatre heures du soir, au moment où les soldats du pape, fatigués, accablés par le nombre, perdaient du terrain. Nos troupes couchèrent sur le champ de bataille, sans connaître le résultat de la lutte ; elles pensaient que l’action reprendrait le lendemain. Mais, après avoir tenu bravement depuis le matin, les garibaldiens s’étaient rejetés dans la place à la nuit tombante, terrifiés par la rapidité et la précision meurtrière de nos chassepots, laissant derrière eux beaucoup de blessés et plus de six cents morts[8]. Les pertes qu’ils avaient éprouvées témoignaient de leur bravoure. Dès l’aube, ils arborèrent le drapeau parlementaire et mirent bas les armes. Ils étaient démoralisés et depuis la veille sans chefs. Garibaldi, à quatre heures du soir, au plus fort de l’engagement, avait, au dire des prisonniers, déserté le combat avec ses fils et son état-major[9]. Au lieu de monter au Golgotha, comme il l’annonçait dans ses proclamations, il avait repris le chemin de fer à la station la plus voisine. La mort cependant ne l’effrayait pas ; il l’avait affrontée maintes fois ; mais les héros ont des nerfs comme de simples mortels, ils sont parfois sujets à de mystérieuses défaillances.
Le général de Failly était resté à Civita-Vecchia, tandis que le général Polhès décidait de la journée de Mentana ; le lendemain il transportait son quartier-général à Rome. Son rapport, qui n’était pas destiné à la publicité, parut dans le Moniteur sans être revu ni corrigé ; il eut le plus fâcheux retentissement. Il imprima à notre intervention un caractère odieux qu’elle n’avait certes pas. Il est des mots irréfléchis dont le souvenir ne s’efface pas. « Surveillez votre parole, dit un proverbe florentin, correctif piquant du Verba volant, car elle porte et peut se retourner contre vous : les actes, au contraire, se discutent et s’interprètent. »
Les premières dépêches de Mentana avaient laissé l’Italie assez indifférente ; on’ avait cru qu’il ne s’agissait que d’une passe d’armes entre les volontaires et les soldats du pape. Mais l’indignation éclata, les passions firent explosion lorsqu’on apprit que des bataillons français étaient intervenus dans la lutte et que les Italiens avaient été littéralement fauchés par le feu meurtrier de notre tir. « Les soldats de la France, disaient les journaux, autrefois portés par le souffle de la révolution, renversaient au pas de course les gouvernemens monarchiques de la vieille Europe. Ils heurtaient quelquefois les nations en passant, mais des plis de leur drapeau tombaient partout sur les peuples appelés à une vie nouvelle, les idées divines du droit, de la justice et de la liberté. Comme leur rôle est changé aujourd’hui ! Les voilà qui marchent à la suite d’une armée de mercenaires recrutés par l’absolutisme. Ils ne se jettent pas dans les batailles, ils s’y glissent subrepticement. Ils ont pour adversaires des soldats mal armés, mal vêtus, épuisés par les privations et les fatigues, l’ombre malheureuse d’une armée que la passion seule de la liberté tient encore debout. Est-ce donc là une page que l’on prétend coudre au livre radieux des victoires de la France ? Qu’en diraient les vieux soldats de la république et de l’empire s’ils pouvaient assister à un pareil spectacle ? »
L’Italie se sentait blessée au cœur ; ses plaintes ne pouvaient nous surprendre, malgré leur injustice. Elle se méprenait sur le but et le caractère de notre intervention. Ce n’était pas pour mesurer la puissance de leur armement sur les alliés de Solferino, ni pour restaurer l’absolutisme, que nos soldats avaient reparu sur le territoire romain. Ils étaient venus pour faire respecter un traité que le gouvernement italien nous avait spontanément offert et que la révolution avait outrageusement foulé aux pieds. Le commandant de notre expédition avait l’ordre d’ailleurs de n’intervenir qu’à la dernière extrémité ; ses bataillons n’étaient entrés en ligne qu’à la fin de la journée, pour soutenir les soldats romains, qui, depuis quatre heures du matin luttaient contre des forces écrasantes. Il y avait péril en la demeure ; devions-nous assister l’arme au bras à la déroute de nos alliés que l’Italie, par ses fautes, nous imposait ?
L’impression laissée par cette douloureuse et sanglante répression n’en fut pas moins salutaire ; elle permit au roi et à son ministère de mettre un terme aux saturnales révolutionnaires, de faire prévaloir les principes d’ordre. La révolution déconcertée était écrasée ; les bandes se dérobaient dans toutes les directions ; l’autorité était rétablie dans les états de l’église. Partout les troupes pontificales étaient accueillies avec sympathie et souvent avec enthousiasme. C’était la conséquence des exactions commises par les bandits qui s’étaient mêlés aux volontaires. Ils avaient dépouillé les églises, profané les vases sacrés, ils avaient frappé d’énormes contributions, fait de scandaleuses réquisitions : Viterbe avait dû payer 200,000 fr. Les journaux italiens confessaient qu’il se trouvait dans les rangs des volontaires « des hommes indignes de porter la chemise rouge, » et M. de Gualterio, le ministre de l’intérieur, disait à M. de La Villestreux que Garibaldi lui-même était épouvanté de la quantité de scélérats qui l’entouraient.
L’Italie échappait à un grand danger ; prise d’un accès de fièvre chaude, elle s’était engagée dans une folle et périlleuse aventure, elle s’était laissé déborder par la révolution. Mentana la rappelait brusquement à la raison et lui rendait le sang-froid. À ce titre, les chassepots avaient réellement a fait merveille ! » Ils avaient sauvé le roi et l’unité[10] en frappant les bandes de Mazzini et de Garibaldi qui, sous prétexte de l’installer à Rome, conspiraient contre la monarchie. Le général Menabrea tenait en main tous les fils de la conspiration. Il avait découvert, à Palerme, un complot qui avait ses ramifications dans toutes les villes d’Italie, à Gênes, Pavie, Padoue, Naples et Ancône. Le programme des conspirateurs n’était pas compliqué : il se bornait à commander l’assassinat des souverains et la proclamation de la république.
Garibaldi, dont le désintéressement et l’abnégation patriotique ont passé à l’état de légende, ne se préoccupait guère alors de la grandeur de l’Italie et du salut de sa dynastie ; tout en paraissant menacer Rome, il avait les yeux tournés vers la province de Naples ; il songeait à s’y tailler une dictature : n’avait-il pas conquis le royaume en 1860 avec ses mille ? Le ministère était renseigné ; il savait qu’il projetait un mouvement du côté des Abruzzes, qu’il comptait provoquer un soulèvement en opérant sa jonction avec Nicotera, et c’était pour s’opposer à ses desseins que le gouvernement avait concentré des forces entre Arezzano et Nola. Déjà les bandes se portaient sur Tivoli, lorsqu’elles furent inopinément attaquées et défaites par le général Kanzler et le général Polhès[11]. « La postérité serait trompée, disait Bernis, si elle jugeait par la grandeur des événemens la grandeur des hommes qui y ont participé. »
Le temps n’était plus où la maison de Savoie, comme le disait M. Thiers, chassait au faucon avec Garibaldi. Le faucon chassait pour son propre compte. On se trouvait en face d’un rebelle qui conspirait contre son souverain et compromettait les destinées de son pays. Son arrestation était une des conditions sine qua non que le général de Menabrea avait posées au roi avant d’accepter le pouvoir ; elle ne pouvait plus être différée. Le 5 novembre, la Gazette officielle annonçait que Garibaldi, arrêté à Figline, était interné dans la forteresse de Varignano, dans le golfe de la Spezzia. Souvent Garibaldi avait été arrêté et jamais il n’avait opposé de résistance ; il savait que les sévérités dont il était l’objet permettaient au gouvernement de masquer le jeu de sa politique, et qu’aussitôt appréhendé il serait relaxé. Le héros de Marsala devait donner cette fois à l’Italie un affligeant spectacle[12]. Surexcité par ses défaites, il invectiva les autorités ; comme un enfant mutin, il se roulait par terre, distribuait des ruades et poussait des rugissemens d’épileptique, il piétinait sur sa gloire, il se précipitait de son piédestal en reniant sa nationalité, en revendiquant sa qualité de sujet américain[13]. Lorsque les défenseurs de Ney, pour sauver sa tête, soutinrent que, par la cession de Sarrelouis à la Prusse, il avait perdu sa nationalité, le maréchal les interrompit en s’écriant : « Je suis Français et je mourrai Français ! »
Le 6 novembre, nos soldats rentraient à Rome, silencieux, insensibles aux acclamations qui éclataient sur leur passage. Soumis à leur devoir, ils avaient combattu pour une cause qui ne les passionnait pas. M. Jules Favre, toujours prêt à dénigrer l’empire et son armée, n’en disait pas moins à la tribune qu’ils avaient ramassé les morceaux de l’encyclique pour en faire des bourres à leurs chassepots.
Le pape prescrivait le lendemain la tenue d’une chapelle pontificale au Vatican en mémoire des morts. Quand, à la fin de la cérémonie, Pie IX voulut prononcer les dernières prières, l’émotion le saisit, les larmes brisèrent sa voix. Pleurait-il les quelques soldats qui étaient restés sur le champ de bataille en défendant son pouvoir temporel, ou songeait-il aux milliers de patriotes qui, depuis 1867, avaient versé leur sang pour réaliser les espérances ravivées en Italie par son avènement au trône pontifical ?
L’attitude résolue du gouvernement de l’empereur en face de la révolution italienne impressionna vivement l’Europe ; on fut frappé par l’énergie et la promptitude de la répression. On admira notre armement, l’organisation et le rapide embarquement du corps expéditionnaire. « Les balles de nos chassepots, écrivait un de nos agens, ont fait ricochet en Allemagne. » Notre prestige, si profondément atteint depuis Sadowa, se releva subitement. On comprit que la France n’était pas encore descendue au rang de seconde puissance, qu’elle était résolue à faire respecter ses droits et sa dignité. La Prusse s’émut, l’Autriche, la Bavière et le Wurtemberg reprirent confiance dans l’avenir, et l’Italie, qui si souvent avait abusé de nos sympathies, apprit à compter avec nous. Les crainte d’une intervention éventuelle de la Prusse ne s’étaient pas justifiées. M. de Bismarck, dans ses entretiens avec M. Lefebvre de Béhaine, notre chargé d’affaires à Berlin[14], persistait à parler avec désinvolture de l’Italie et des Italiens. Les propos que sa diplomatie tenait à Florence et même à Paris au moment où l’empereur manifestait l’intention de faire respecter la convention de septembre n’avaient pas la portée que M. Nigra et ses amis se plaisaient à leur donner. Le comte de Goltz et le comte d’Usedom cédaient à leurs penchans personnels qui les portaient vers l’Italie. Ils étaient, du reste, promptement rappelés à une attitude plus circonspecte. Leurs instructions, reflétées par la Correspondance provinciale, leur enjoignaient de ne pas nous inquiéter par des propos énigmatiques. Le chancelier n’avait aucune envie de sortir de sa réserve ; l’Italie, à ce moment, n’entrait qu’indirectement dans son échiquier diplomatique, il ne se souciait pas de s’aliéner les consciences catholiques allemandes ; il semblait pressentir ce qu’il en coûte de rompre ouvertement avec l’église. Le pétitionnement en faveur du saint-siège se généralisait ; les manifestations prenaient, à Cologne et en Westphalie, un caractère inquiétant. Des pétitions étaient adressées au roi de tous côtés, le suppliant de sauvegarder la liberté et l’indépendance du trône pontifical. Il est vrai que le prince royal et ses amis défendaient à la cour, non pas la cause de Garibaldi assurément, mais celle de l’Italie. Il en coûtait à l’héritier du trône d’abandonner aux ressentimens de la France une puissance qu’il tenait pour une alliée éventuelle de la Prusse ; il aurait voulu que le gouvernement de son père sortît de sa réserve et témoignât hautement l’intérêt qu’il portait à l’unité italienne. Il s’appuyait sur le discours que l’empereur François-Joseph avait prononcé à Paris, à l’Hôtel de Ville, sur l’intimité de ses rapports avec la cour, des Tuileries, pour demander au roi et à M. de Bismarck de s’entendre avec l’Angleterre et de ne pas laisser échapper l’occasion de donner à l’Italie un gage non équivoque des sympathies allemandes. Mais le roi et son ministre ne sacrifiaient pas au sentiment. Ils n’étaient nullement disposés à se départir du programme qu’ils s’étaient tracé après l’entrevue de Salzbourg ; ils entendaient rester étrangers à toute complication extérieure, et masquer le jeu de leur politique, tant que la Prusse ne se serait pas assimilé ses nouvelles conquêtes, et tant que les armées du Nord et du Midi ne se seraient pas fusionnées dans une même organisation. Tout les conviait à ne rien précipiter.
G. ROTHAN.
- ↑ Voyez la Revue des 1er et 15 Janvier, 1er février, 15 mars, 15 avril et 1er mai.
- ↑ Dépêche du comte Armand.
- ↑ Le général Menabrea, Savoisien de naissance, opta en 1860, pour la nationalité italienne. Il était officier du génie ; jusqu’en 1818, il ne s’était occupé que d’art militaire et de sciences. En 1848, il entra dans la vie politique, et, jusqu’en 1860, il siégea à la chambre des députés de Sardaigne ; il était l’un des chefs et des orateurs de l’extrême droite cléricale. Peu à peu il se rapprocha du comte de Cavour, dont il sut se concilier l’amitié et la confiance. Il fit avec éclat la campagne de 1859 et celle de 1866. En 1862, il présida aux travaux du siège de Gaëte. M. de Cavour le désigna en mourant comme un des hommes les plus capables de diriger le pays. En 1861, il entra dans le ministère Ricasoli comme ministre de la marine. Il remplit de 1863 à 1864 les fonctions de ministre des travaux publics dans le cabinet Minghetti ; en avril 1864, il fut un des négociateurs de la convention de septembre. En 1S0G, il fut nommé général en chef du génie et, après la campagne, chargé de négocier la paix avec l’Autriche. Depuis, il était resté auprès du roi, dont il était le premier aide-de-camp. Il était sénateur et chevalier de l’Annonciade. Il avait toujours été partisan de l’alliance française.
- ↑ Dépêche de M. de La Villestreux. — « M. Menabrea ne se fait pas d’illusions ; il appréhende des manifestations après le débarquement de nos troupes. Il en est si préoccupé, qu’il demande à faire occuper, au moment de notre arrivée, les points extrêmes des états pontificaux qui commandent les routes, nullement en vue d’une occupation simultanée, ni avec la pensée de s’opposer à la mission des troupes françaises, avec lesquelles l’Italie tient à conserver ses rapports de fidèle alliée, mais uniquement pour sauvegarder vis-à-vis du pays sa force et sa dignité et pour coopérer avec la France à la dispersion des bandes. M. Menabrea espère que si l’on était forcé de s’arrêter à ce parti, l’empereur apprécierait les intentions du gouvernement du roi. »
- ↑ Le général de La Marmora était nommé commandant des troupes italiennes. M. de La Marmora aimait la France, nous étions certains qu’il entretiendrait avec nos généraux les rapports les plus courtois. Aussitôt entré sur le territoire romain, il envoyait en grande hâte un de ses officiers à notre général en chef pour lui faire savoir qu’il désirait éviter tout conflit non-seulement avec l’armée française, mais aussi avec celle du saint-siège, et qu’il se tiendrait strictement sur la défensive.
- ↑ Dépêche du marquis de Moustier au baron de La Villestreux (1er novembre 1867). — « Ce n’est pas sans une pénible surprise que j’apprends la résolution du ministère italien d’occuper certains points du territoire pontifical. Si restreinte que puisse être l’intervention italienne dans les étala du saint-siège, quelle que soit la promptitude avec laquelle elle cessera et les ménagemens dont on essaiera de l’entourer, le gouvernement français ne saurait, à aucun degré, la couvrir de son assentiment. Si le gouvernement du roi croit devoir attendre de nous une adhésion facile, c’est là une illusion que nous ne devons pas hésiter à dissiper. »
- ↑ La Gazette officielle protestait contre cette allégation : elle disait que le gouvernement non-seulement n’avait provoqué les plébiscites, mais qu’il les avait désavoués.
- ↑ Il y eut relativement peu de blessés ; on fit deux mille prisonniers. le corps du général Polhès n’eut que deux soldats tués.
- ↑ Dépêches du comte Armand et du baron de La Villestreux.
- ↑ Dépêche du baron de La Villestreux. — « Florence reste calme, mais on y redoute le contrecoup des manifestations mazziniennes, qui éclatent de tous côtés. Les troupes restent en partie consignées ; et, par mesure de précaution, le gouvernement continue à faire garder les abords de la légation par de la ligne et des carabiniers. Le roi, qui ne quitte plus ses appartemens, a fait placer depuis quelques jours deux pièces d’artillerie dans le jardin Boboli, derrière le palais. La police a découvert dans plusieurs villes des comités mazziniens, des dépôts d’armes et de munitions ; elle sait que tout était préparé pour faite éclater un soulèvement général à un signal donné : c’est donc contre un mouvement mazzinien très puissant, préparé de longue date, qu’il s’agit de lutter. »
- ↑ Dépêche du baron de La Villestreux. — « Il parait que quelques jours avant le combat de Montana, le gouvernement italien a su que Garibaldi projetait de se porter, avec ses bandes, du côté des Abruzzes, d’y opérer sa jonction avec Nicotera et de se jeter avec lui dans la province de Naples, qu’ils auraient essayé de soulever. C’est dans ce but qu’avait été combiné le mouvement que Garibaldi tentait du côté de Tivoli au moment où il a été attaqué par l’armée alliée, et c’était pour s’opposer à ses projets que le gouvernement avait ordonné une concentration de troupes entre Arezzano et Nola, concentration qu’on ne pouvait comprendre à Rome et qui a beaucoup inquiété. »
- ↑ Dépêche de M. de La Villestreux. — « Il parait que les scènes qui ont eu lieu au moment de l’arrestation de Garibaldi ont été déplorables. Il s’est jeté et traîné à terre en se débattant comme un possédé. On assure que, dès quatre heures du soir, à Mentana, il a quitté le champ de bataille avec son état-major. C’ait ce qui explique comment, dans un engagement si meurtrier, aucun chef n’est blessé. »
- ↑ Dépêche télégraphique du baron de La Villestreux. — « Garibaldi, au moment de son arrestation à Figline, s’est jeté et roulé par terre en déclarant qu’il était sujet américain et que personne n’avait le droit de le toucher. Il a fallu l’enlever de force et le porter dans la voiture qui l’a emmené. Le matin, le ministre d’Amérique s’est rendu chez M. Menabrea et lui a demandé d’avoir pour Garibaldi tous les égards que comporte sa position. Le premier secrétaire de la légation a été autorisé à se rendre à Varignano. Le cabinet est contrarié de cette intervention, mais le président du conseil maintient sévèrement les ordres donnés ; la nouvelle de l’arrestation n’a pas troublé Florence. »
- ↑ M. Benedetti était à Paris en congé.