Les Races de chèvres de la Suisse/Race du Toggenbourg

Muller & Trub (p. ill.-23).


Bouc, Race du Toggenbourg


Chèvre, Race du Toggenbourg


D. Race du Toggenbourg.

Toggenburger Rasse.
(Pl. VII et VIII.)

1. Distribution Géographique.

Les chèvres du Toggenbourg sont les moins répandues en Suisse quoique leur réputation de bonnes laitières soit solidement établie. Aussi sont-elles très estimées chez nos voisins d’outre-Rhin qui viennent chaque année en acheter des troupeaux. Dans le Grand Duché de Baden, en Saxe et en Bavière où il s’en exporte le plus, elles atteignent des prix élevés, et les plus beaux sujets se payent de 60 à 80 frs.

Cette race a pris naissance dans la vallée du Toggenbourg qui lui a donné son nom. C’est peut-être une des seules races de chèvres suisses qui ne soit connue que sous un nom unique.

Elle est répandue dans tout le canton de St-Gall, mais c’est surtout dans la vallée du Toggenbourg, aux environs de Alt St-Johannes et dans l’Ober-Rheinthal près de Buchs qu’on peut la voir en plus grand nombre et dans toute sa pureté.

Dans quelques districts du même canton elle tend à remplacer la chamoisée qui disparait d’année en année. La chèvre blanche dite d’Appenzell est en petit nombre et perd aussi du terrain devant celle du Toggenbourg.

Grâce aux concours annuels de menu bétail, où on la protège spécialement, on est en droit d’espérer que dans un avenir très prochain, la chèvre du Toggenbourg sera seule admise à concourir dans le canton de St-Gall, et à recevoir ainsi les encouragements des pouvoirs publics.

Ce sera un grand pas de fait dans l’élevage de cette race, et, pour son amélioration, il serait à désirer que d’autres cantons suivissent le même exemple pour les différentes races. Nos concours annuels aussi bien que les concours fédéraux seraient de la sorte simplifiés, et les débouchés, rendus plus faciles.

2. Manteau, Taille, Formes et Proportions.

Quoique le nom de la chèvre du Toggenbourg soit connu au loin, les caractères physiques de cette race ont été souvent très mal dépeints. On a prétendu tour à tour que son manteau était semblable à celui du chamois, ou blanc avec de petites taches noires, mais le plus souvent brun avec des taches blanches. On l’a même gratifiée de cornes, bien que son nom n’ait jamais varié. Or, je ne crains pas d’affirmer que c’est là une grave erreur. Cette chèvre possède un manteau unique et parfaitement distinct de celui de toutes les autres races, et n’est jamais pourvue de cornes.

Elle possède un cachet tout particulier, et qui ne manque pas de plaire aux amateurs. Son manteau est brun clair, et deux bandes grisâtres longent les régions latérales de la tête (joues). Le front et le chanfrein sont brun clair, l’extrémité du nez est grise. L’intérieur et le bord des oreilles sont également garnis de poils grisâtres, mais aux jambes, ce poil très soyeux est gris clair jusqu’au dessus des genoux et du jarret. La partie intérieure des cuisses est également grisâtre, et non pas blanche, comme on l’a dit quelquefois. À l’origine de chaque côté de la queue, qui est liserée de gris on remarque deux taches de la même nuance. Les « onglons » sont jaune clair. Une particularité de la chèvre du Toggenbourg, ce sont ces deux appendices fibreux qu’elle a sous le cou, généralement garnis à la base de poils gris.

Ces appendices du cou existent parfois dans d’autres races, celle du Gessenay par exemple, mais plus rarement ; on leur donne chez nous le nom de bambillons et dans la Suisse allemande on les appelle « Maneli, Zötteli, Halsglöckli » (sonnettes de cou).

Le corps est recouvert en entier de poils courts et fins, à l’exception du dos et des cuisses où ce poil est demi-long. Chez le bouc il est plus long et tombe sur les épaules. La barbe du bouc est aussi très développée ; la chèvre en a peu. Les longs poils du dos sont brun foncé, au sortir de la stabulation, et très clair, couleur froment à la descente de l’alpage.[1]

Tous ses caractères distinctifs et constants de la race du Toggenbourg lui donnent comme on le voit un cachet très original, les bons éleveurs y tiennent beaucoup.

La chèvre du Toggenbourg est de taille moyenne (0,70 — 0,78 m) au garrot, mais elle est généralement plus légère que celle de Saanen. Elles ont à peu près la même conformation, tête moins courte que les chèvres chamoisées et à col noir, mais front et mufle larges, oreilles parfois un peu pesantes.

Ses formes sont régulières, elle a le dos droit, la croupe très développée, les côtes bien arrondies, les membres relativement longs avec de bons aplombs ; sa tétine est aussi développée, avec des trayons réguliers.

Les véritables chèvres du Toggenbourg ne doivent jamais avoir de cornes. On en rencontre parfois avec des cornes fines, légèrement recourbées et pareilles à celles de la chamoisée. Ce sont là des cas d’atavisme qui deviennent de plus en plus rares, car ces sujets sont toujours écartés par les éleveurs.

Il paraît que la race du Toggenbourg est issue d’un croisement très ancien entre la St. Galler Oberländerziege (chamoisée) et la chèvre blanche d’Appenzell ou de Saanen. Ces places grisâtres à la tête et sur les autres parties du corps le prouvent suffisamment. Aujourd’hui elle a acquis à juste titre le nom de race et ses caractères distinctifs sont assez constants et bien marqués, pour que nous n’ayons pas à y revenir.

3. Tempérament et Aptitudes.

Pour ce qui concerne le tempérament et les aptitudes de la chèvre du Toggenbourg nous n’aurions rien à ajouter à ce que nous disions de celle du Gessenay. Comme elle, on peut l’alper dans les hauts pâturages, en même temps qu’elle s’accommode fort bien de l’écurie, pendant l’été. Sous ce rapport là son entretien est très avantageux. Ses qualités laitières sont remarquables et justement réputées.

Curieux fait d’élevage que cette race du Toggenbourg ! Issue d’un ancien croisement de la chèvre blanche d’Appenzell et de la chamoisée, elle fait actuellement une guerre acharnée aux deux races pour se mettre à leur place. Ce n’est point là assurément montrer de la reconnaissance !

Grâce au zèle et au dévouement de son chef en Département de l’agriculture le canton de St-Gall s’impose chaque année de lourds sacrifices pour améliorer l’espèce caprine, mais il s’intéresse, comme nous l’avons dit, tout particulièrement à la chèvre du Toggenbourg, étant donné qu’elle est la plus recherchée pour l’exportation.

  1. Le même cas se présente pour l’espèce ovine rousse du Jura ; c’est l’effet des pluies et du soleil. Par contre, certains manteaux deviennent plus sombres, en été, après l’alpage, comme chez les porcs rouge-clair ou jaunes.