Les Quatre Saisons (Merrill)/Renouveau

Les Quatre SaisonsSociété du Mercure de France (p. 24-25).

RENOUVEAU

Les cloches de la vie sonnent dans la montagne,
Le vent secoue comme un sanglot d’amour les jeunes vergers,
Et mon âme tressaille au présage des oiseaux légers
Qui volent à cris aigus dans le crépuscule de la campagne.

Les petits ruisseaux se sont chuchoté mille secrets
Sous les trembles et les saules et parmi leurs mille roseaux,
Avant de se confondre, futurs nuages, dans les eaux
Du fleuve qui coule sans bruit vers la mer des regrets.


Le miracle des blés fait chanter haut l’espoir
Qui dormit tout l’hiver au cœur des vieux semeurs ;
L’on entend dans les sillons remuer des nids jaseurs ;
C’est Pâques des fleurs, c’est Pâques des vies, ce soir !

Que veulent donc me dire la terre, l’air et l’onde
En ce printemps ou je voudrais mourir pour mieux revivre ?
Le Dieu caché me murmure-t-il — comme au poète ivre
Qui dort sur le chemin — le secret de ce monde ?

Ô des baisers de femmes, de flammes et d’abeilles sur mes lèvres !
Donner l’essor à mes prières comme à un tourbillon d’oiseaux !
Laisser s’épandre tous mes désirs au gré du val comme les ruisseaux !
Refleurir, âme et chair, dans les tiges que fait trembler la sève !

Ô Dieu qui te révèles par la lumière qui comme une ombre t’accompagne,
Je veux mourir en toi pour renaître supérieur à moi.
Un peu de sable a coulé comme de l’or entre mes doigts.
Les cloches de la mort sonnent dans la montagne.