Les Quatre Saisons (Merrill)/La Mauvaise Pluie
LA MAUVAISE PLUIE
C’est la pluie sur la contrée
Depuis plus de jours qu’on ne compte ;
C’est la saison où les aïeules chantent
Des légendes au coin de la cheminée.
Les sabots claquent dans les flaques
Au long des routes luisantes
Qui mènent au pilotis du bac
Où la rivière roule, écumante.
Quand donc luira le soleil
Comme un pardon sur nos péchés,
Par les jardins bourdonnant d’abeilles
Et fleurant l’âme des amandiers ?
Le tocsin sonne dans la vallée,
Monotone appel à la mort ;
On dit que de belles noyées
Sont passées, venues du Nord.
Allons, au gré fou de notre barque,
Vers tes villageois criant secours
Du haut de leurs toits qu’une croix marque
Et dont la fumée s’éteint pour toujours.
Et peut-être verrons-nous Jésus
Sous la blouse d’un pauvre hère
Calmer les flots sous ses pieds nus
Comme la pitié dompte la colère.
C’est la pluie sur la contrée
Depuis plus de jours qu’on ne compte ;
C’est la saison où les aïeules chantent
Des légendes au coin de la cheminée.