Les Quatre Saisons (Merrill)/Danse nocturne

Les Quatre SaisonsSociété du Mercure de France (p. 43-45).

DANSE NOCTURNE

Nous avons dansé au son du tonnerre,
Toute cette nuit et cette aube d’orage,
Dans la salle de bal de l’antique village
Que la forêt étreint de mystère.

Les villes sont lointaines au long de la route
Qui va d’ici vers le Nord,
Et, sous bois, les ruisseaux qui écument à pleins bords
Ont barré les gués à nos doutes.


Il faut donc rester danser comme des enfants,
Sans souci des astres morts aux cieux,
Au gré des ritournelles du vieux violoneux
Qui trépigne, comma fou, sur son banc.

Les drapeaux de la porte sont trempés, et nos pas,
En battant la mesure, laissent leurs traces
De boue sur le plancher sonore que ne lassent
Ni les gas, ni les cueilleuses de lilas.

Il tonne ! et tes fleurs sont foulées sous mes pieds,
Et tes yeux dans les miens veulent s’éteindre,
Et nos mains se cherchent mollement, comme pour feindre
Le désir d’un plaisir dernier.

Mais rions, car l’aurore point enfin sur la fête
Qui finit, et la pluie cesse déjà
De tinter sur le toit de la tente, et là-bas
Les sentiers fleurent bon sous les hêtres.


Nous rentrerons ensemble dans le matin vermeil
À l’auberge délaissée de la Croix,
Dormir dans les bras l’un de l’autre, et nos voix
Chanteront le salut au soleil.