Les Quatre Saisons (Merrill)/Éveil

Les Quatre SaisonsSociété du Mercure de France (p. 64-65).
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ÉVEIL

C’est la paix,
C’est toute la paix lente et blanche de ce matin d’automne
Parmi les cloches qui sonnent
Sur la forêt.
Le sommeil hésite encore au bord de tes yeux
Comme la nuit extrême au confin des cieux.
Tiens, voici le don royal du soleil,
Toutes ces fleurs emportées dont je jonche ton lit,
Au hasard, trop riche de mon butin vermeil.
Et voici, ô mon amante, voici
Les bons baisers qui aident à vivre les forts

Et parfument même les lèvres des morts :
Des baisers sur ta bouche, des baisers sur tes yeux,
Une couronne de baisers à ton front,
Un collier de baisers à ton cou,
Et des bracelets de baisers à tes bras !


Oh ! cette paix où j’entends battre le cœur de Dieu !


Sur la route des enfants roses dansent en rond
Dans le bruit des sabots et de leurs rires doux,
Comme des souvenirs revenus pas à pas
Des années anciennes où l’on allait à l’école
Sous le soleil qui cerclait d’une auréole
Les cheveux blonds des petites amies.
Éveille-toi parmi les baisers et les fleurs,
Et ces danses et ces rires d’enfants,
Et crois-toi un moment, si tu m’aimes, au Paradis,
Le temps qu’il faut pour passer du rêve à la vie,
Et pour se rappeler qu’a la porte peut-être pleure,
En faisant le signe de la croix, un mendiant !