Les Quatre Saisons (Merrill)/Repos

Les Quatre SaisonsSociété du Mercure de France (p. 66-67).
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REPOS

Sur la petite place ensoleillée de l’église
Où passe parfois, suivie de son ombre bleue,
Une femme portant un panier de cerises,
Je laisse reposer mon âme lasse des lieues.

Les colombes gémissent sur le toit de l’auberge
Dont la salle sent bon la lavande et le linge frais ;
La servante blonde et rose a l’air d’une vierge
Qui me tend, les bras nus, l’écumeuse tasse de lait.


Il fera bon dormir sur un coin de la table
Près du pot plein de fleurs dont s’effeuillent les pétales,
Comme des pensées de mai, sur ma tête pitoyable
Où s’éteignent peu à peu toute fatigue et tout mal.

C’est comme en rêve le bruit des roues sur la route,
Et les heurts d’un marteau abattu sur l’enclume,
Et le tintement des clarines des bestiaux qui broutent
L’herbe des prés lointains, près du fleuve sans brumes.

C’est ici que je voudrais aimer et mourir,
Comme le chantent les paroles de la vieillotte chanson,
Vivre, aimer et mourir sous l’indulgent sourire
De celle dont les pas sonnent doux dans la maison.

Hélas ! pourquoi devoir, pauvre âme indécise,
Gagner la Ville immonde qui souille l’eau de ses berges ?
Il a tôt fait de passer, te temps des cerises,
Et les colombes gémissent sur le toit de l’auberge.