LETTRE

Du révérend pere Ignace, à très honorable
dame de Merville, abbesse
de ......


Ma chere sœur, ma tendre amie, je suis pénétré du vif intérêt que vous prenez à la conservation des jours d’un individu obscur, qui ne chérit l’existence qu’autant qu’elle peut vous intéresser. Oui, le plus beau jour de ma vie fut celui où j’entrai dans vos bonnes graces. Sans vos bontés que serois-je ? Un malheureux reclus, rejetté de la société, honni de la multitude, et obligé d’éteindre moi-même des feux que vous alimentez par vos charmes. Ah ! croyez, que tant qu’il me restera un souffle de vie, il sera consacré à celle qui fait mon bonheur si généreusement. Dès ma jeunesse, abandonné de mes parens, je n’eus que le parti du cloître à prendre. Il s’en faut que mes desirs ayent été consultés… Mais enfin, si pendant quinze ans j’ai gémi de mon esclavage, aujourd’hui je bénis des chaînes, que vous avez su rendre légeres et agréables.

Adieu. Demain, je compte dans vos bras, vous donner des preuves de mon entier rétablissement.