Librairie académique Perrin (p. 80-87).

XII

LES APOTRES TÉMOINS
DE LA RÉSURRECTION

En retournant au Père, Jésus dit à ses apôtres qu’ils lui serviront de témoins depuis Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre et qu’ils recevront le Saint-Esprit qui sera en eux la présence divine. Il leur donne ainsi une double autorité, une mission double ; ils le ressusciteront ici-bas par leur témoignage, car ils seront avant tout les témoins de sa résurrection, et ils continueront l’œuvre commencée par lui.

Il y a donc pour nous un grand intérêt à étudier la façon dont ils ont compris et annoncé la vie éternelle, les conclusions qu’ils ont tirées de l’enseignement du Maître et de leur propre expérience dans les rapports qu’ils ont eus avec le monde invisible.

Dans les Actes des Apôtres, nous les voyons à tout instant affirmer et prêcher la résurrection, la prendre comme base et preuve de leur doctrine. Lorsqu’il s’agit de remplacer Judas dans le collège sacré, les onze déclarent : « Il faut que parmi ceux qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le baptême de Jean jusqu’au jour où il a été enlevé du milieu de nous, il y en ait un qui nous soit associé comme témoin de sa résurrection. » (Act., i, 22.)

Et plus tard, lorsque le gouverneur romain Festus expose au roi Agrippa le procès de saint Paul, il résume l’affaire en ces mots : « Ses accusateurs ont avec lui des discussions relatives à leur religion particulière et à un certain Jésus qui est mort, et que Paul affirmait être vivant. » (Act., xxv, 20.)

Nous aussi, suivant l’exemple de l’apôtre, nous affirmons que nos morts sont vivants. Car saint Paul ne sépare pas notre cause de celle de Christ. Lui qui écrit dans la première épître aux Corinthiens : « S’il n’y a point de résurrection, des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité » (I, Cor., xv, 13), il déclare en face du Sanhédrin : « C’est à cause de la résurrection des morts que je suis mis en jugement » (Act., xxiii, 6), et il répète la même confession de foi devant le gouverneur Félix d’abord (Act., xxiv, 22), devant le roi Agrippa ensuite (Act., xxvi, 6 et 8).

Déjà quand chétif étranger, petit juif inconnu, il errait sur les bords illustres et harmonieux de la mer de Salamine, au pied de l’Acropole, il avait parlé aux Athéniens de la résurrection, excitant ainsi les railleries des sceptiques, mais attirant à lui les âmes bien disposées (Act., xvii, 31-34).

De même saint Pierre et saint Jean, dès qu’ils commencent, ayant reçu l’Esprit-Saint, à prêcher l’Évangile, annoncent avant toute chose en la personne de Jésus, la résurrection des morts. (Act., ive siècle, 2 et ii et iii.)

Les Juifs d’ailleurs étaient divisés à ce sujet, car les Sadducéens disaient qu’il n’y a point de résurrection et qu’il n’existe ni ange, ni esprit, tandis que les Pharisiens affirmaient les deux choses. (Act., xxiii, 8) Les Pharisiens du Sanhédrin vont même jusqu’à déclarer au sujet de saint Paul : « Nous ne trouvons aucun mal en cet homme ; peut-être un esprit ou un ange lui a-t-il parlé. » (Act., xxiii, 9.) Ils admettaient donc l’existence d’un monde spirituel et ne jugeaient pas impossible qu’il y eût des rapports entre ce monde et le nôtre. Comment à plus forte raison, les disciples du Christ ne seraient-ils point convaincus de ces vérités ?

Étienne mourant et rempli du Saint-Esprit voit les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu (Act., vii, 55, 56), les cieux qui ne se sont pas refermés depuis l’avènement du Christ, Fils de l’homme.

Quand saint Pierre gît enchaîné dans un cachot bien gardé, l’Église ne cesse de prier pour lui et un ange du Seigneur vient le délivrer. À peine libre, il va frapper à la porte de la maison où il savait que les chrétiens étaient rassemblés. La servante Rhode à demi folle de joie, court, au lieu de lui ouvrir, annoncer à la communauté que le prisonnier est là et les frères s’écrient aussitôt : « C’est son ange ! » croyant évidemment avoir affaire, soit à l’ange gardien de Pierre, soit à son âme affranchie des liens terrestres. (Act., xii, 1-17). Ce même apôtre Pierre, ressuscitant Dorcas, s’adresse, suivant l’exemple de Jésus, à la morte comme à une vivante : « Tabitha, lève-toi ! » (Act., ix, 40.)

Pierre et Jean avaient été l’un et l’autre les disciples et les compagnons du Christ vivant dans son corps mortel, et tout en le reconnaissant immédiatement comme leur Maître, ils ne s’étaient que bien lentement rendu compte de sa divinité. Paul, lui, est le disciple de Jésus ressuscité ; le Messie ne se révèle pas à lui sous l’humble aspect du charpentier galiléen ; il le foudroie par une vision de gloire, une lumière si éclatante et si terrible que le futur apôtre en demeure ébloui pendant plusieurs jours, que lui et ses compagnons tombent à la renverse… Mais quel est l’appel, la parole miséricordieuse et sévère de cette apparition : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? (Act.}}, ix, 4.)

Le Rédempteur a quitté la terre ; il règne dans la splendeur divine, infiniment au-dessus de nos misères. Mais il n’est devenu ni insensible à nos détresses, ni invulnérable à nos blessures. Les coups qui frappent les siens, l’atteignent ; lorsque le juste souffre à cause de la justice, que l’amour de Dieu saigne dans la personne des petits, des faibles, dés misérables, Jésus crie aux bourreaux aveugles et insensés : « Pourquoi me persécutez-vous ! » N’a-t-il pas dit : « Toutes les choses que vous faites aux plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les faites. » (Matth., xxv.) Les hommes sincères comme Paul entendent cette voix. Malheur à ceux qui refusent d’y répondre ! Il leur sera dur de regimber contre les aiguillons.

On ne saurait trop répéter que saint Paul, disciple du Ressuscité, n’a pas cessé de prêcher la résurrection ; et nous trouvons cette prédication à toutes les pages de ses écrits ; nous y constaterons aussi qu’il y affirme continuellement que la résurrection du Christ est le gage de la nôtre et que nous serons dans la vie éternelle des reflets, d’humbies et bienheureuses images de ce Fils unique de Dieu devenu par amour pour nous le Fils de l’homme.

Pourquoi donc supposer que nos bien-aimés du ciel se désintéressent de nous, qu’aucune de nos paroles ou de nos actions ne peut plus les atteindre ! Ne nous exposons pas à entendre au fond de notre cœur leur voix chérie murmurer tristement : « Pourquoi oublies-tu ce que je t’enseignais ! Pourquoi délaisses-tu ceux que je t’avais confiés ! Pourquoi ce mépris de tel devoir, cette dureté envers ceux que j’aime, envers toi-même peut-être ? Tout ce que tu fais contre le Christ miséricordieuxt tu me le fais à moi aussi ; pourquoi me persécutes-tu ? »


À CELLE QUI NOUS DEVANCE

Pardonne-moi si par instants
Le sombre désespoir m’effleure,
Et si les yeux fermés, je pleure,
Sans voir la main que tu me tends.

Tandis que dans la nuit j’entends
Avec angoisse sonner l’heure,
Tu montres une aube meilleure,
Loin des nuages inconstants.

Lorsque je me crois délaissée,
Pleine d’une crainte insensée,
Quand je pense être sans secours,

Et que ma peine est indicible,
Devant moi tu marches toujours,
Le doigt levé vers l’invisible.