Librairie académique Perrin (p. 49-54).

VIII

DIEU EST LE DIEU DES VIVANTS

Chaque fois que le Christ prédit sa mort à ses disciples, il leur parle en même temps de sa résurrection : « Le troisième jour, il ressuscitera », prophétie continuellement répétée, et notons qu’en la prononçant, Jésus parle généralement de lui-même comme du Fils de l’homme, annonçant ainsi indirectement aux fils des hommes, ses frères, la même fin glorieuse de leurs souffrances.

Mais il ne perd aucune occasion de la leur promettre formellement et clairement. Souvenons-nous de la scène caractéristique rapportée par les trois premiers évangiles… Jésus touche à la fin de son ministère ; il donne à Jérusalem ses derniers enseignements ; tour à tour les Pharisiens formalistes et les Sadducéens matérialistes, ces adversaires unis contre le Christ par une inimitié commune, cherchent à ruiner son autorité en lui posant des questions insolubles…

Les Sadducéens l’invitent à résoudre un problème saugrenu : Quel époux aura le jour de la résurrection la femme qui a épousé successivement sept maris ? Au piège misérable que lui tendent ces pauvres réalistes, Jésus oppose la déclaration la plus lumineuse et la plus consolante : les subtilités talmudiques, l’ironie de ses auditeurs ne sont qu’ignorancc et incompréhension… « N’êtes-vous pas dans l’erreur, leur dit-il, parce que vous ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu ? » Et en quelques mots il leur démontre ce miséricordieux, ce mystérieux pouvoir : « Les enfants de ce siècle prennent des femmes et des maris » (c’est-à-dire ils subissent, étant charnels, les entraves de la chair, mais là-haut, les âmes seront libres.) « Ceux qui sont trouvés dignes d’avoir part au siècle à venir et à la résurrection de morts, ne prennent ni femmes, ni maris, mais ils sont comme les anges de Dieu, car ils ne peuvent plus mourir… ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. » (Matth., xxii, Marc, xii, Luc, xx.)

Crampon remarque dans ses notes que, suivant les trois Évangiles synoptiques, le Christ parle de la vie future au présent, comme d’un état déjà réalisé. C’est en effet le nouvel ordre de choses résultant de sa venue en ce monde. Il ne se borne pas à cette affirmation ; les docteurs, les savants qui discutent avec lui et ne croient pas tous à la survivance de l’âme, se glorifient pourtant d’être disciples de Moïse et descendants des patriarches. Jésus leur cite le témoignage de leur prophète : « Que les morts ressuscitent, c’est ce que Moïse a fait connaître : « Je suis, lui a dit l’Éternel, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob » ; et le Christ ajoute cette parole si simple et si profonde : « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants, car tous sont vivants devant lui. »

En présence de ces incrédules, quelle évocation solennelle de leurs pères croyants ! Et pour nous, quelle magnifique espérance ! Dieu n’est pas le dieu des morts, le dieu injuste et cruel qui ne crée que pour détruire, qui, comme le vieil Ouranos des anciens, dévore ses enfants, ou le dieu impuissant, le dieu indifférent, le dieu inconscient des ruines. Il est le Dieu des vivants, la source éternelle, infinie de vie, d’amour et par conséquent de bonheur. Tous sont vivants ! Pleurerions-nous nos disparus comme nous les pleurons parfois si nous étions convaincus qu’ils vivent, sûrs de les revoir ? Ce qui nous sépare d’eux, c’est notre incrédulité, l’incertitude où nous tâtonnons : « Ne crains pas, crois seulement », dit Jésus à Jaïrus ; et à Marthe qui-lui montre le cadavre déjà décomposé de Lazare : « Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? »



AU CELESTE AMI

Parmi les pécheurs que nous sommes
Seul vous fûtes pur, humble et doux ;
Parmi tous les enfants des hommes,
Nul ne fut aimé comme vous.

Le faible que votre grâce aide
N’a pas besoin d’autre secours,
Et le pauvre qui vous possède
Se trouvera riche toujours.

Vous seul rendez la douleur bonne ;
Avec vous l’opprobre est béni ;
Comme l’éternelle couronne,
Vous êtes l’amour infini.

Vous dites en secret des choses
Qui fondent le cœur le plus dur,
Et vous faites des cieux moroses
Un paisible océan d’azur.


Illuminant le tombeau sombre,
Vous anéantissez la mort.
Craindrai-je qu’en l’abîme il sombre,
  Celui qui dans vos bras s’endort ?