Les Poètes du terroir T I/V.-E. Michelet

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 485-486).

VICTOR-ÉMILE MICHELET

(1861)


M. Victor-Émile Michelet est né à Nantes le 1er décembre 1861. Il a donné des vers, des contes, des études de littérature, d’art et de sciences dans des revues, et s’est fait connaître en collaborant à de grands quotidiens, tels le Gaulois, le Siècle, le Journal, etc. Poète, il a conquis la notoriété en publiant un recueil de ses pièces éparses, La Porte d’or (Paris, Ollendorff, 1902, in-18), ouvrage qui obtint le prix Sully-Prud’homme, l’année même de sa fondation. Il a fait représenter, sur la scène de l’Odéon, Le Pèlerin d’amour, un acte en vers (1903), et composé pour le musicien A. Rabuteau un drame lyrique, Florizel et Perdita, imité du Conte d’Hiver de Shakespeare (imprimé hors commerce par la Ville de Paris, 1904). On lui doit encore L’Esotérisme dans l’art (Paris, Carré, 1890, in-8o), ainsi que deux recueils de contes, Contes surhumains (Paris, Chamuel, 1900, in-8o) et Contes aventureux (Paris, Maisonneuve, 1900, in-12), ces derniers couronnés par l’Académie française. Enfin, tout récemment, le Mercure de France a fait paraître sous son nom un nouveau volume, L’Espoir merveilleux, poèmes (Paris, 1908, in-18). On a dit de la poésie de M. Émile Michelet qu’elle participe d’une inspiration mystique et s’enveloppe d’une couleur somptueuse. Ajoutons que l’hérédité celtique se fait jour dans ces vers contenus et brûlants, où l’on surprend tour à tour une angoisse métaphysique et une allégresse lyrique.

M. Émile Michelet a dirigé plusieurs revues : La Jeune France, 1884-1888 : Psyché, 1891 ; L’Humanité nouvelle, 1899-1903 ; il a été secrétaire de la rédaction de la Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, 1889-1890.

Bibliographie. — A. France, Émile Michelet ; Le Temps, 23 sept. 1891. — Edm. Haraucourt, ibid. ; Gaulois, 30 décembre 1902. — Ch. Le Goffic, ibid. ; Revue universelle, 1er mai 1903.


LE TOMBEAU DU BARDE QUELLIEN

Kaner flour housk da hun breman
Ha da venez rai awel han
Da ruskell d’hunit divezan !
(Quellien.)


Jetez sur ce tombeau la fleur d’or des ajoncs,
Renaissante en tous temps, pareille à la légende
Où l’âme des aïeux habite et nous commande
La route sûre, alors que nous l’interrogeons.

Dans la nuit fée arrête ton pied vagabond,
Passant, pour que ton cœur, s’il en est digne, entende
Sur la forêt immémoriale et la lande
Un chant mystérieux tomber du ciel profond :

La harpe de Merlin a tressailli. Le barde
Quellien a franchi le seuil où se hasarde
Seul qui, portant le sceau fatal de l’inspiré,

Peut d’une main de gloire ébranler l’heptacorde,
Et les Vierges de Sein, baisant son front lauré,
Le mènent à Jésus pour la miséricorde.


AUTOMNE EN MER


Le vent déhâle du noroît : la mer moutonne.
Cette heure est puissante et pleine. Je me souviens
Des jours ardents, puis des jours abajoniens.
Le soleil et mon cœur entrent dans leur automne.

Quel regret dans la voix de la vague chantonne ?
L’écho de mes désirs d’autrefois s’est éteint.
Emotions dont j’ai vécu, fleurs du destin
Toutes mortes, les vénéneuses et les bonnes.

Passé d’hier, aussi lointain que l’horizon…
Voici qu’une odeur fauve d’arrière-saison
Se mêle à l’âcre embrun qui fouette mes narines ;

La paix vient sur la mer du feu occidental.
Est-ce un temple, ou est-ce un sépulcre, ma poitrine
Qui se tient large ouverte à la brise d’aval ?

(La Porte d’or.)