Les Poètes du terroir T I/R. de la Villehervé

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 458-459).

ROBERT DE LA VILLEHERVÉ

(1849)


Quoique né au Havre le 15 novembre 1849, M. Robert Le Minihy de la Villehervé est d’origine bretonne. Il appartient à une famille qui a donné plusieurs présidents au parlement de Bretagne et compte parmi ses ancêtres un membre au Directoire de Nantes, dont la lutte contre les cruautés de Carrier fut héroïque. En 1870, il fut incorporé au 2e mobiles de la Seine-Inférieure et assista à plusieurs combats dans le Vexin normand. Victime, en septembre 1893, dans sa propriété des Greffières, prés de Fontainebleau, d’une tentative d’assassinat, de la part d’un domestique congédié, il fut laissé pour mort par le meurtrier et ne survécut pas sans peine à de nombreuses blessures. Il a donné le récit de cette agression dans un livre poignant : Les Impressions de l’assassiné (Paris, Ollendorff, 1894, in-18).

M. Robert de la Villehervé habite actuellement le Havre et dirige une revue régionale, La Province. On lui doit une série d’ouvrages en prose et de recueils de vers : La Chanson des Roses, poésies (Paris, Ollendorff, 1882, in-18) ; Le Gars Perrier, roman (ibid., 1886, in-18) ; Toute la comédie, poème (Paris, Léon Vanier, 1889, in-18) ; La Princesse pâle, roman (avec G. Millet)(Paris, Ollendorff, 1889, in-18) ; Les Armes fleuries, poésies (Paris, Lemerre, 1892, in-18), etc., ainsi que plusieurs pièces de théâtre : Les Billets doux, comédie en un acte, représentée au Théâtre Cluny (Paris, Tresse et Stock, 1879, in-18) ; Lysistraté, comédie d’après Aristophane, représentée au Théâtre des Poètes (Paris, Ollendorff, 1896, in-18) ; L’Ile enchantée, un acte en vers, représenté au Théâtre de l’Odéon (Paris, Stock, 1896, in-18) ; Le Mystère de saint Nicolas et des trois belles filles qu’il sauva du péché, deux actes représentés en plein air dans la forêt de Mongeon, près Le Havre (Le Havre, édit. de la Province, 1904, in-8o), etc. M. Robert de la Villehervé a de plus collaboré à la Quinzaine, à la Revue des Deux Mondes, etc.

Bibliographie. — J. Tellier, Nos Poètes ; Paris, Duprat, 1888, in-18. — Ch. Le Goffic, Les Romanciers d’aujourd’hui ; Paris, Vanier, 1890, in-18.


CHANSON BRETONNE


Sur la pierre où l’on rêve assis devant sa porte,
Le soir quand on est las et que le ciel est clair,
Pâle du désespoir qui vers la mort m’emporte,
Je suis monté debout pour regarder la mer.

Alors j’ai vu très loin, comme en un songe vague,
Ma fiancée au pied d’un mât, sur le bateau,
Et je criai son nom dans la brise, et la vague
Me l’approcha trois fois jusque sous le coteau.

Mais — ô le jeu cruel et l’affreuse journée ! —
Le reflux pour jamais rendit à l’horizon
La barque dans le temps d’un clin d’oeil entraînée,
Et j’ai cru que j’allais en perdre la raison.

Depuis, dans ma douleur saignante et ma misère,
Je vis seul, et parfois on peut me rencontrer
Sous le ciel que le vent déchiquette et lacère,
Mais je ne voudrais point que l’on me vit pleurer !