Les Poètes du terroir T I/Pontus de Tyard

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 268-270).

PONTUS DE TYARD

(1521-1605)


Dernier survivant des poètes de la Pléiade, Pontus de Tyard naquit au manoir familial de Bissy-sur-Fley, « vers les confins du Maçonnais, du Charolais et du Chalonnais », en 1521. Sa famille était une des plus distinguées de la province de Bourgogne. Il eut pour père Jean de Tyard, écuyer, seigneur de Rissy, du Suchault et du Marchiceul, successivement lieutenant général au comté de Charolais et au bailliage royal de Mâcon. Il embrassa la carrière ecclésiastique et fut pourvu de grandes dignités. Nommé protonotaire du saint-siège, il cumula les charges de conseiller d’État et d’aumônier de Henri III, et devint évoque de Chalon-sur-Saône en 1578. Il mourut au château de Bragny-sur-Saône, près Verdun, le 23 septembre 1605, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Ses œuvres, qui contiennent quelques pages touchant les lieux ordinaires de sa résidence, à Bissy, à Mâcon et à Bragny, ont été imprimées d’abord à Lyon et ensuite à Paris. Voyez : Erreurs amoureuses (Lyon, J. de Tournes, 1549 et 1551, in-8o) ; Les mêmes augm. d’une tierce partie, plus un livre de vers liriques (ibid., 1555, petit in-8o) ; Les Œuvres poétiques, etc. (Paris, Galiot du Pré, 1573, in-4o ) ; Douze Fables de Fleuves ou Fontaines avec la description pour la peinture et les epigrammes, etc. (Paris, J. Richer, 1585, in-12).

Assez récemment, M. Marty-Laveaux a donné une édition des principales productions de ce poète ; enfin nous préparons un recueil de ses poèmes, augmenté de morceaux et de documents inédits.

Esprit bienveillant et curieux, Pontus de Tyard réunissait, dans son domaine du Maçonnais, l’élite des écrivains et des savants de la Bourgogne. « Quand tous les châteaux de France, a-t-on écrit, retentissaient du bruit des armes, des blasphèmes des gens de guerre, ceux de Bissy et de Bragny entendaient les discours philosophiques de Pontus et de ses amis et les accords des lyres… »

Bibliographie. — J.-Abel Jeandet, Pontus de Tyard ; Paris, Aubry, 1860, in-8o.



SONNET

Ruisseau d’argent, qui de source inconneuë
Viens escouler ton beau cristal ici
En arrosant aux pieds de mon Bissy
Le roc vestu, et la campagne nuë :

Pour la pensée en mon cœur survenue.
Quand près de toy je fondois mon souci,
Je te viens rendre éternel grand merci,
Couché auprès de ta rive chenue.

Un vert email d’une ceinture large
T’enjaspera et l’une et l’autre marge,
Puis j’escriray ces vers sus un Porphire :

Loin, loin, pasteurs, si profanes vous estes.
Car les neuf sœurs, en faveur des poètes.
M’ont consacré le Mâconnois Baphire.

(Livre troisiesme des Erreurs amoureuses.)


ODE DE L’AUTEUR AU NOM DE SON ISLE


[L’lsle parle :]

Qui a de l’honneste douceur
De liberté l’ame sucrée,
Qui chante au Castalien cœur.
Ou qui de tel chant se recrée,
Et à qui le nectar aggrée
Servi au banquet de Platon,
Entre ici : car je suis sacrée,
A Pasithée[1], et Eraton.

Mon Pontus me daigne tenir
Gomme sejour doux, cher, tranquille,
Où coustumier il veut venir.
Quand la tumultueuse ville
Tache, en malice citoyenne,
Sa libre vertu espier,

Pour dans cette eau magicienne
Le juste courroux expier.

Ici solitaire un autel
Religieux il édifie,
Où son souvenir immortel
Aux noms aimez il sacrifie
De ceux qui, des fleurs anciennes,
Honorant leurs inventions,
De cent douceurs Hymetiennes,
Arrosent leurs affections,

Du laurier tousjours verdissant,
Du Myrthe mol, du rampant lierre,
De l’Olivier verpalissant,
Et du pampre frais il l’enserre :
Il y respand la fleur fragile
Du Jasmin, du Pavot transi,
De l’odorante Camomille,
Du chaud Thym et du roux Souci.

Afin que ceux, lesquels Cypris,
Ou bien Phebus affectionne
Puissent ici cueillir le pris
D’un bouquet, ou d’une couronne :
Et si quelqu’un la fureur semble
Sentir de l’un et l’autre Dieu,
Et bouquet, et couronne ensemble,
Il puisse cueillir en ce lieu.

(Vers lyriques.)



  1. Nom de la maîtresse de l’auteur.