Les Poètes du terroir T I/François Habert

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 180-181).

FRANÇOIS HABERT

(1520-1560)


Né l’an 1520 à Issoudun, d’une famille qui n’était guère connue, dit-on (Voir La Maynardière, Poètes chrétiens du dix-neuvième siècle, Paris, Bloud, 1908, in-18), dans le lieu de son établissement, François Habert vint jeune à Paris pour s’y consacrer aux études et prendre ce goût des lettres latines et françaises qu’il n’abandonna jamais. Ce fut l’un des écrivains les plus laborieux et les plus prolixes d’un temps où la poésie était elle-même laborieuse et prolixe. Quoiqu’il ait été secrétaire de grands seigneurs et qu’il fut nommé poète du roi Henri II, il ne quitta jamais le titre de Banny de Lyesse qu’il s’était donné dans ses premières compositions. C’était un terme de galanterie, sans nul doute. Ses ouvrages ne le peignent pas en entier, car ils sont parfois ennuyeux et dépourvus de fantaisie, ce qui concorde mal avec ce que nous connaissons de sa vie. On ne saurait d’ailleurs le juger sur la publication des Quinze Livres de la métamorphose d’Ovide, qui lui furent commandés et qui parurent à Paris, chez Estienne Grolleau, en 1557. Cette traduction, en vers de dix syllabes, est loin de rappeler la grâce de l’original. Parmi ses autres œuvres, il faut citer La Nouvelle Juno (Lyon, J. de Tournes, 1547, in-8o), Le Temple de chasteté (Paris, M. Fezandat, 1549, in-8o), ainsi que des Epistres héroïdes (1550, in-8o).

Dans ces dernières, l’auteur semble avoir donné toute sa mesure. Le style simple et presque prosaïque de François Habert se prète d’ailleurs à la familiarité épistolaire. C’est dans Le Temple de chasteté qu’on trouve les pièces de François Habert relatives à sa province. Elles consistent en une ballade que nous reproduisons, en sixains, en huitains, etc., d’un tour assez original. François Habert mourut vers 1560. La Croix du Maine, A. du Verdier, le Père Niceron et l’abbé Goujet ont donné une liste fort longue de ses ouvrages.

Bibliographie. — Abbé Goujet, Bibliothèque françoise, XIII, p. 8. — Aug. Théret, Littérature du Berry, Poésie ; Les seizième, dix-septième et dix-huitième siècles ; Paris, Fr. Laur, 1900, in-8o.


BALLADE DU LIEU DE BOYCEREAU, PRÈS D’ISSOUDUN, À ROBERT CORBIN, SEIGNEUR DUDICT LIEU


Sur Hélicon les neuf sœurs bien aprises
Vindrent un jour disputer haultement
Du lieu où sont grands delices comprises ;
C’est Boycereau remply d’esbatement,
Et de ce lieu firent un jugement
Qu Helicon n’ha delices tant difuses
Parquoy d’aller conclure promptement
Au Boycereau, lieu sacré pour les Muses.

Là, les neuf sœurs, de grand soulas esprises,
Font resonner maint divin instrument,
Et qui la cause est de leurs entreprises.
C’est le doulx air de ce lieu seulement ;
Pan y accourt avec contentement,
Menant Syringue et ses brebis camuses,
Et dict qu’il veult vivre eternellement
Au Boycereau, lieu sacré pour les Muses.

Toi donc, Corbin, que ton nom auctorises,
Par grand sçavoir perpetuellement,
Et qui as bruyt dessus les barbes grises
D’un temperé et parfaict sentiment,
Là, desiré tu es incessamment ;
Sy tu n’y vas les Sœurs seront confuses,
Tout heur viendra par ton advenement
Au Boycereau, lieu sacré pour les Muses.


Prince du ciel, qui generalement
À conserver tes humbles serfs t’amuses,
Mene Corbin et Habert doulcement
Au Boycereau, lieu sacré pour les Muses.

(Le Temple de Chasteté.)