Les Poètes du terroir T I/Berry, Chansons populaires

Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 176-179).

CHANSONS POPULAIRES


MARCHE DES CORNEMUSEUX

Is sont trois cornemuseux,
Qui traversent la ville,
Ramenant les épouseux
De l’église chez eux.

Les musettes, qu’ont de blancs ribans,
En leur honneur entonnent
Tous leurs vieux airs, leurs plus jolis chants,
À la joi’ des passants.

Les époux sont assortis,
Is sont de riche mine,
Ben pris dans leurs biaux hébits,
Chacun les applaudit.

À vous toutes vendra paré (pareil) jour,
Car, mes charmantes belles,
Au mariage conduit l’amour
Chaque fille à son tour.

Is sont trois cornemuseux
Qui parcourent la ville,
Prounienant les épouseux
Et la noce anvec zeux.


CHANSONNETTE

C’est la p’tit’ jardinière,
Teins bon la der ri bon bon.
C’est la p’tit jardinière,
Teins bon la der ri bon bon,

S’en alla planter ses choux ;
Teins voilà l’bon bout. (bis)

La rosé’ qu’était grande
Teins bon, etc.
La rosée qu’était grande
Teins bon, etc.
La mouillait jusqu’aux genoux ; etc.

A montit sur un âbe,
Teins bon, etc.
A montit sur un âbe,
Teins bon, etc.
Pour y voir pousser ses choux ; etc.

Mais la branche all’ se casse,
Teins bon, etc.
Mais la branche all’ se casse,
Teins bon, etc.
A tombit dret sur ses choux ;
Teins voilà l’bon bout[1]. (bis)


LA PART À DIEU[2]

Le jour des Rois, les enfants chantaient :

Quoi que j’entends dans ceux maisons
Parmi toute la ville ?
Acoutez-nous, je chanterons.
De la Vierge Marie
Chantez, chantez donc,
Cabriolez donc.

Avisez donc ce biau gâtiau
Qu’il est dessus la table.
Et aussite ce biau coutiau
Qu’est au long qui l’argarde.
Ah ! si vous peuvez
Pas ben le couper,
M’y faut le donner
L’gâtiau tout entier.

Ah ! si vous v’iez ren nous donner,
Faites nous pas attende,
Mon camarad’ qu’a si grand fré,
Moue que le corps m’en tremble ;
Dounez-nous-en donc.
J’avons qu’trois calons
Dans nouter bissac
Fasons tric et trac.

Ah ! donnez, dounez-nous-en donc,
Faites moué pas attende ;
Donnez moue la fill’ d’la maison
Ah ! c’est ben la pus gente
Qu’est contre le feu
Qu’coup’ la part à Dieu.
Je v’ions pas nous en torner
Que nouter jau (coq) l’ait chanté.


LES BRANDONS[3]

Le dimanche des Brandons ou Rogations on chantait :

Brandounons la vielle,
Et la vielle et l’échardon ;
Brandounons fumelles !
Brandounons la vielle !

La boun’ mé sus les tisons
A fricasse les beugnons
Que les beugnons sont si bons.

Brandelons fumelles !
Les beugnons sont pas cheux nous,
Y sont cheux les prêtres
Pour ceux qu’en p’vont être.

Si j’allions cheux les curés
Je serions ben aroutés.
Si j’en avions demandé.

Brandelons fumelles !
Les beugnons sont pas cheux nous,
Y sont cheux les moines,
Ben frits dans la poêle.

J’ons brandonné tous nos blés,
Y faut nous en artorner.
Pour ça c’que j’avons d’gangné.


CHANSON DE MARIÉE

Chante, chante, jeune fille,
Jeune fille à marier !
— Comment v’lez-vous que je chante ?
J’ai le cœur trop désolé.

On m’dit qu’tu vas à la guerre,
À la guerr’servir le Roi.
— Les ceux qui l’ont dit, la belle,
Ont ben dit la vérité ;
Mon chevau à l’écurie
Est sellé et tout bridé.

— Quand tu s’ras d’ssus ceux montagnes,
Pas à ta bell’tu pens’ras ;
Tu pens’ras à ceux Flamandes
Qui sont pus jolies que moué.
— J’y ferai fair’ton image
A l’arsemblance de toué.

J’y ferai fair’ton image,
Cent fois du jour je l’big’rai.
— Queuqu’diront tes camarades
Quant t’verront biger c’papier ?
— J’dirains qu’c’est ma bonne amie,
Ma maitresse du temps passé.

J’ai tan ploré, versé d’larmes
Trois ruisseaux en ont coulé,
Petits ruisseaux, grand’rivière,
Trois moulins en ont tourné.

(Poésies popul. de la France,
Biblioth. nat., ms. fr. n. d. 3342.)



  1. Les doux pièrcs publiées ci-dessus sont extraites d’une série de chansons de la Vallée-Noire publiée par {{M.|Laisnel de la Salle dans l’ouvrage Souvenirs du vieux temps, le Berry ; Paris, 1902, in-12.
  2. Les deux chansons qui suivent nous ont été communiquées par M. Hugues Lapaire.
  3. Les brandons étaient des espèces de torches faites avec l’aubulon blanc. On les allumait à la tombée de la nuit, et on les promenait dans les champs pour purifier l’air et avoir de belles recoltes.