Les Pensées d’une reine/La Femme

Calmann Lévy (p. 37-50).

II

LA FEMME


I

La femme doit subir l’amour, souffrir pour enfanter, partager vos soucis, conduire votre maison, élever votre famille, être jolie et aimable par-dessus le marché. Que disiez-vous donc de sa faiblesse, tout à l’heure ?


II

La femme sauvage est une bête de somme ; la femme turque, un animal de luxe ; la femme européenne, une bête à deux fins.


III

En se donnant, la femme croit donner un monde, et l’homme croit avoir reçu un jouet ; la femme croit avoir donné une éternité, et l’homme croit avoir accepté le plaisir d’un moment.


IV

Peut-être la grande sensibilité des femmes provient-elle du surcroît de magnétisme dans leur système. Ce sont des boussoles vivantes, tendant vers leur pôle ; mais les déviations sont fréquentes.


V

La femme perdue ne voit dans la femme honnête qu’un miroir qui lui montre ses rides ; elle voudrait le briser de rage.


VI

Votre femme a amené le déshonneur chez vous ? Peut-être, en l’épousant, avez-vous été le premier à la déshonorer !


VII

La femme est un caméléon sensible.


VIII

Souvent la femme émet une opinion hardie ; mais elle recule, épouvantée, si on la prend au mot.


IX

La femme du monde reste difficilement la femme de son mari.


X

Si vous doutez de la vérité d’un sentiment, adressez-vous à une femme éclairée ; elle les connaît tous.


XI

La coquetterie n’est pas toujours un appât ; elle est quelquefois un bouclier.


XII

Le rossignol poussant des cris de paon : voilà la femme en colère.


XIII

N’épousez pas une femme aux coins de la bouche pendants ; la bouche elle-même fût-elle une cerise, vous trouveriez le fruit amer.


XIV

N’épousez pas un fainéant : il trouvera toujours sa maison mal tenue et sa femme ennuyeuse.


XV

En science, les femmes sont tellement habituées à être déconsidérées, qu’elles se méfient des savants qui les considèrent.


XVI

Elle n’a que ce qu’elle mérite ! veut dire : Je l’aurais rendue si heureuse !


XVII

Une femme est lapidée pour une action que peut commettre un parfait honnête homme.


XVIII

Les femmes sont enclines à juger sur un seul exemple qu’elles généralisent ; c’est ce qui les rend souvent passionnées.


XIX

On trouve les femmes injustes, parce qu’elles sont impressionnables ; mais les impressions sont souvent plus justes que le jugement.

C’est l’histoire du jury et des juges.


XX

Une femme malheureuse est une fleur exposée à la bise ; elle reste longtemps bouton, et, lorsqu’elle devrait s’épanouir, elle se fane.


XXI

Les femmes combattent surtout dans leurs enfants les défauts de leur mari et ceux de sa famille.


XXII

Une femme incomprise est une femme qui ne comprend pas les autres.


XXIII

C’est parce que les hommes manquent de sentiment artistique que les femmes se maquillent ; s’ils comprenaient le pittoresque, la poudre de riz elle-même disparaîtrait.


XXIV

L’homme détruit à coups de cornes, comme le taureau, ou à coups de pattes, comme l’ours ; la femme à coups de dents, comme la souris, ou par une étreinte, comme le serpent.


XXV

Les hommes étudient la femme, comme ils étudient le baromètre ; mais ils ne comprennent jamais que le lendemain.


XXVI

La toilette n’est pas une chose indifférente. Elle fait de vous un objet d’art animé, à condition que vous soyez la parure de votre parure.


XXVII

Les femmes en couches et les artistes passent par de mortelles angoisses. Nous le payons cher, quand nous nous mêlons de créer !


XXVIII

C’est par égoïsme que les hommes ont fait les lois plus sévères pour la femme, sans se douter que, par là, ils l’élèvent au-dessus d’eux.


XXIX

Souvent la vertu de la femme doit être bien grande, puisqu’elle doit suffire pour deux.


XXX

Quel douloureux spectacle de voir l’enfant servir de refuge et de protection à la mère !


XXXI

La véritable grande dame a les mêmes manières dans son cabinet de toilette que dans son salon, et la même politesse pour ses serviteurs que pour ses hôtes.


XXXII

Il y a des femmes majestueusement pures, comme le cygne.

Froissez-les ; vous verrez leurs plumes se hérisser pendant une seconde ; puis elles se détourneront silencieusement pour se réfugier au milieu des flots.