Éditions Prima (Collection Gauloise ; no 190p. 20-23).

VI

AU BUREAU

L’industriel dont Margot était secrétaire se nommait Papyracé et il était d’origine syrienne. Il avait trouvé un procédé si merveilleux pour la fabrication des oranges en faïence, que le monde entier était depuis peu inondé de ses produits. Habile commerçant, plein d’astuce et de finesse, il était promis aux plus hautes destinées et le 14 juillet suivant, devait voir son élévation aux gloires de la Légion d’honneur.

Margot entra dans l’antichambre de la maison, au second, avec un rire joyeux :

— Bonjour, tout le monde !

Il n’y avait justement personne et cela la fit rire plus fort.

Alors, elle gagna le bureau où s’exerçait son office de dactylo et s’y trouva seule également.

Elle alla voir dans la pièce voisine, il n’y avait encore personne d’arrivé.

— C’est bien de moi, fit-elle, je fais du zèle et on ne m’augmentera même pas…

Mais une idée lui vint. Puisqu’elle se trouvait à l’abri des regards curieux, ne pourrait-elle visiter les détériorations de sa petite culotte et, au besoin, y remédier ?

Car évidemment, au cas où elle provoquerait assez les amateurs pour entraîner à des suites… actives, le secrétaire et le patron, il n’était pas mauvais que le chemin fût libre vers ses agréments…

Mais, d’autre part, il y a une telle négligence, un tel manque de soin dans le fait de porter une culotte déchirée, qu’elle regrettait, malgré les facilités que cela offrait au séducteur, de se voir ainsi dévêtue d’avance…

Elle y réfléchit, puis décida :

— Je vais tout simplement quitter cette culotte.

C’était une excellente idée. On rencontre beaucoup de femmes qui omettent de se vêtir de cet encombrant vêtement, lequel se nommait jadis pantalon.

On le constate fort bien pour peu qu’en un lieu quelconque on se trouve devant une femme qui croise ses jambes avec sérénité…

Et il n’y avait aucune raison pour que Margot ne fit pas comme ces personnes, généralement du meilleur monde.

Elle se décida donc à quitter cet « inexpressible » dont le seul nom, en Angleterre, déchaînait il y a peu d’années, un terrible scandale.

Elle se savait seule, et n’avait aucune précaution à prendre.

Et Margot commença sa petite opération.

Mais…

Mais un autre employé était entré dans le bureau voisin.

C’était un homme discret, jusqu’à éviter de se faire ouïr et de se montrer…

Et la jeune fille ne l’avait pas vu.

Entendu moins encore.

Aussi justement, lorsqu’elle se trouva avec les deux jambes de son pantalon ramenées à hauteur de ses chevilles, fut-elle abasourdie de voir entrer l’autre employé.

Elle fut même si surprise qu’elle se leva debout d’un coup, car elle s’était assise pour mener le déculottage à bien. Et, debout, irritée, elle voulut aussitôt se précipiter dans le bureau du patron, tout à côté afin d’y terminer en paix les opérations…

Mais elle n’avait pas prévu que la culotte put constituer un obstacle à une fuite rapide.

Et, trébuchant dans ses entraves, elle tomba sur le tapis.

Oh ! ce ne fut pas de ces chutes où l’on se casse quelque membre important et où l’on trouve un évanouissement qui résiste des heures aux méthodes de réveil les plus énergiques… Ce fut une chute molle et lente, mais dangereuse pour la pudeur.

Car, une fois de plus, Margot étala aux regards ses formes les plus alléchantes.

Et le nouveau venu se précipita.

Mais pas pour la relever…

Tout au contraire, pour que sa chute fût plus complète. Ou plutôt afin que de purement physique elle devint aussi, en quelque façon morale…

Bref, il prétendit profiter des circonstances pour mettre à mal la chasteté de Margot, laquelle, au demeurant, n’aurait pas demandé mieux en tout autre moment, et ailleurs.

Mais ici, à l’heure où tout le monde allait arriver, c’était par trop dangereux…

Hélas ! elle se trouvait prise de telle façon qu’elle devait succomber.

Elle en prenait même son parti…

Quand soudain…