Les Opalines/Dans la fumée des cigarettes

L. Vanier (p. 107-109).

DANS LA FUMÉE DES CIGARETTES


I

En art, rien n’est vrai qui soit vrai.

Le pis qu’on puisse dire d’un portrait, c’est qu’il est frappant ; d’un paysage, qu’il est naturel.

L’art est essentiellement synthétique. Mais il y a le détail synthétique ou caractéristique.

II

Périodiquement surgit un homme qui est l’aboutissant d’un effort nombreux, la résultante et le symbole d’une époque, et qui l’exprime. On dit que cet homme est un génie : il est le fils de l’occasion.

III

Nous ne connaissons jamais l’impression d’un homme qu’à travers la nôtre : nous ne connaissons guère que nous-même émotionné diversement.

IV

Le peuple est tel, ses éléments sont différents : c’est un tout qu’on s’égare à décomposer.

V

Nous avons pris conscience : nous perdrons conscience.

Que ce qui a toujours été doive toujours être, cela m’agrée : mais que ce qui a commencé d’être ne finisse pas d’être, cela me confond.

Nous n’oublierions pas les morts aimés si nous étions immortels.

Imaginez-vous notre tête si nous retrouvions tout d’un coup un être qui fut, quelques années, tout notre amour ou toute notre amitié, qui mourut, que nous oubliâmes et que nous remplaçâmes. Et la sienne donc !

VI


De chaque intelligence il émane, comme d’un foyer, des vibrations, et les vibrations ainsi émanées de toutes les intelligences se mêlent et créent une ambiance : on l’appelle la mentalité d’un milieu, d’une époque. Et cela explique que plusieurs œuvres de formule absolument semblable et de même intention, naissent simultanément sans que leurs créateurs soient entrés en relation.

Un homme qui donnerait à sa volonté son maximum d’intensité, pourrait peut-être bien gouverner le monde de son fauteuil, sans un geste, sans un mot, rien qu’en voulant. Ce serait considérable, mais le plus beau c’est que cet homme se gouvernerait lui-même.