Les Opalines/À une toute jeune femme

L. Vanier (p. 103-104).

À UNE TOUTE JEUNE FEMME

Oui, j’ai surpris dedans votre attitude,
Dedans vos regards et dedans vos mains,
Cette conscience prise soudain,
Grave, d’être une femme qui prélude.

Aux approches vagues de l’inconnu
Sur quoi votre frêle destin se penche,
Vous avez, quoique encore en plumes blanches,
Des airs d’attente et déjà convenus.

Vous n’êtes déjà plus, hélas, vous-même,
Et désormais ne le redeviendrez
Que lorsque surgiront ces jours cendrés
Qui vous attendent, en leur sommeil blême.


Car vous les vivrez, ces jours de malheur,
Où se dénude d’attitudes l’âme :
Femme, vous connaîtrez comme les femmes,
Jusqu’en son fond, ce puits qu’est la douleur.

Ne m’en voulez pas si je vous alarme,
Et sachez, femme éclose qui partez,
Que la femme n’atteint à sa beauté,
Qu’elle n’est auguste que par ses larmes !