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SOIR D’ÉTÉ





Souvent, près de la mer, par quelque soir d’été,
Quand la nuit, descendant comme un grand voile sombre
S’étend sur la nature, et verse, avec son ombre,
Le doux enchantement de sa placidité ;

Souvent je me suis dit : À quoi bon cette vie ?
Et, dans nos cœurs humains profondément troublés,
À quoi bon ces désirs toujours renouvelés,
Et l’ambition folle, et l’implacable envie ?


Vers un but incertain qui sans cesse nous fuit,
À quoi bon ces efforts sans raison et sans trêve ?
Pourquoi cet éternel et fantastique rêve
De lutteur obstiné s’agitant dans la nuit ?

Homme, quel est pour toi le prix de tant de veilles ?
La récompense offerte à tant d’activité ?
Rien qu’un léger renom grisant ta vanité,
Un murmure flatteur montant à tes oreilles !

Tu marches cependant, luttant, luttant toujours,
Sans comprendre, aveuglé par tes folles intrigues,
Pour obtenir si peu combien tu te prodigues,
Et de quel lourd fardeau tu surcharges tes jours.

Mais va ! Te tourmentant de ces chimères vaines
Faites d’inconséquence et d’instabilité,
La Providence agit avec sagacité :
Homme, elle t’intéresse aux misères humaines.


Sans doute, il est mesquin, le but auquel tu tends :
Mais, s’il n’était mesquin, tu n’oserais y tendre !
Dieu fit d’autres bonheurs que tu ne peux comprendre
Et trop hauts sont pour toi les grands cieux éclatants.

Faible et nu, tu ne peux, dans la lutte suprême,
Obtenir qu’un bonheur furtif et limité :
Mais le moindre rayon pour toi devient clarté,
Et tu puises ta joie en ta faiblesse même.

Telle, seule dans l’ombre et première à l’appel,
Vénus brille là-haut plus limpide, plus claire,
Et semble, souveraine émue et solitaire,
De ses faibles lueurs argenter tout le ciel.