Les Moineaux francs/29
LE CERF-VOLANT
ien au-dessus de la mer bleue,
Dans le ciel clair,
De son interminable queue,
Balayant l’air,
Et comme un gros corps sans cervelle
Cabriolant,
S’agite au bout d’une ficelle
Le cerf-volant.
Majestueusement cocasse,
Tout galonné,
Au beau milieu de sa carcasse
Il est orné
D’un grand soleil où l’or ruisselle
Étincelant,
Et que vient trouer la ficelle
Du cerf-volant.
Le grand oiseau fantasque et bête,
Du fil léger
Veut, par maint et maint coup de tête,
Se dégager :
Mais une force l’ensorcèle,
Le turbulent…
C’est l’enfant qui tient la ficelle
Du cerf-volant.
Ainsi, dans ce monde où nous sommes,
Combien souvent
Nous voit-on rester, pauvres hommes,
Bas dans le vent !
Le grand ciel libre nous appelle,
Affriolant…
Mais une main tient la ficelle
Du cerf-volant.
En vain le vent léger nous pousse
Bien loin, là-bas ;
La main qui nous tient, ferme et douce,
Ne lâche pas :
Car cette main mignonne est celle
Du dieu galant,
L’Amour, — qui tire la ficelle
Du cerf-volant !