Les Moineaux francs/28
LE PRÉ
ournés vers le soleil baissant à l’horizon
Dans son linceul de gloire,
Au ruisseau qui s’enfuit à travers le gazon
Les grands bœufs viennent boire.
Silencieusement ils plongent leurs naseaux,
Leur tête nonchalante,
Dans le courant rapide et pur des belles eaux
Qu’un rayon ensanglante.
Puis, regardant sans voir le grand disque doré
Qui dans leurs yeux flamboie,
De l’herbe délicate et des fraîcheurs du pré
Ils ruminent la joie.
Le long de leurs naseaux, la bave met un fil
Que le couchant fait rose,
Et tout, dans leur placide et superbe profil,
Dit l’être qui repose.
Cependant le soir vient : le vent passe plus frais
Sur la large vallée ;
La nature s’emplit de mystère et de paix
Pudiquement voilée ;
Et le beau soleil d’or, s’enfonçant sous la mer
Comme un vaisseau qui sombre,
Lance un dernier rayon aux grands bœufs à l’œil clair
Et disparaît dans l’ombre.