Les Fiancés (Montémont)/Chapitre XXIV

Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 4p. 237-245).




CHAPITRE XXIV.

la prisonnière.


Quatre brigands me saisirent hier matin. Hélas ! une vierge abandonnée ! Ils étouffèrent mes cris par la force des méchants, et me lièrent sur un palefroi blanc.
Coleridge.


De pareilles aventures, qu’on ne cite plus maintenant que dans lies ouvrages de fiction, n’étaient pas extraordinaires dans les temps féodaux, où la force ne respectait jamais le bon droit ; et il s’ensuivait que ceux que leur condition exposait souvent à des violences étaient plus prompts à les repousser, et les enduraient ensuite plus patiemment qu’on n’aurait pu s’y attendre d’après leur sexe et leur âge.

Lady Éveline sentit qu’elle était prisonnière, et elle n’était pas sans crainte sur le but de cette attaque ; mais malgré la violence avec laquelle on l’entraînait, elle ne permit pas à sa frayeur de lui ôter la faculté d’observer et de réfléchir. Entendant un bruit plus fort de pas de chevaux, elle en conclut que la plus grande partie des brigands qui l’avaient saisie rejoignaient leurs compagnons. Elle connaissait les habitudes des maraudeurs gallois, qui, malgré que la petitesse et la légèreté de leurs montures les rendissent tout à fait incapables de servir dans une bataille, prenaient avantage de leur vitesse et de la sûreté de leurs pieds pour se transporter et s’éloigner rapidement de la scène de leurs vols, et s’assurer ainsi une approche rapide et inaperçue, et une retraite facile et prompte. Ces animaux traversaient sans difficulté, chargés du poids d’un soldat pesant, les sentiers sauvages des montagnes qui divisaient le pays, et dans l’un desquels lady Éveline conclut qu’elle se trouvait, d’après la manière dont son propre palefroi, que deux fantassins tenaient par deux rênes, semblait gravir quelque précipice, puis descendre avec encore plus de difficulté de l’autre côté.

Dans un de ces instants, une voix qu’elle n’avait pas encore distinguée lui parla en anglo-normand, et lui demanda, avec un air d’intérêt, si elle était bien assise sur sa selle, offrant en même temps de faire arranger ses vêtements selon sa volonté.

« N’insulte pas à ma condition en parlant de sûreté, dit Éveline ; tu dois bien penser que je considère ma sûreté comme tout à fait incompatible avec ces actes de violence. Si moi ou mes vassaux nous avons fait tort à quelqu’un de ton pays, dis-le-moi, et on en rendra raison ; si c’est une rançon que vous voulez, fixez la somme, et j’enverrai un ordre pour qu’on la trouve ; mais ne me retenez pas prisonnière, car je ne puis regarder cela que comme une injure qui ne vous avancera à rien.

— Lady Éveline, » reprit la voix, toujours d’un ton de courtoisie qui ne s’accordait guère avec la violence qu’on lui faisait, « verra bientôt que nos intentions valent mieux que nos actions.

— Si vous savez qui je suis, dit Éveline, vous ne devez pas douter qu’on ne venge cette atrocité. Tous devez savoir par quelles bannières mes terres sont protégées maintenant ?

— Par celle de de Lacy, » reprit la voix d’un ton d’indifférence ; « ainsi soit-il ; les faucons ne craignent pas les faucons. »

Il y eut alors une halte, et un murmure confus s’éleva parmi les brigands qui avaient jusqu’à ce moment gardé le silence, excepté lorsqu’ils se parlaient bas entre eux en gallois, pour indiquer le plus succinctement possible la route qu’il fallait prendre, ou pour s’exciter à se hâter.

Ces murmures cessèrent, et il se fit une pause de quelques minutes ; Éveline entendit alors celui qui lui avait parlé donner des ordres qu’elle ne put comprendre. Puis s’adressant à elle : « Vous verrez bientôt, dit-il, si je disais vrai, quand j’annonçais que je méprisais les liens qui vous enchaînent. Mais vous êtes la cause de la lutte et la récompense de la victoire. Il faut qu’on vous mette en sûreté autant que le temps le permet ; et tout étrange que soit le genre de protection auquel on va vous confier, j’espère que le vainqueur du combat qui va avoir lieu vous trouvera saine et sauve.

— Pour l’amour de la bienheureuse Vierge, qu’il n’y ait pas du sang répandu ! dit Éveline, ôtez plutôt mon bandeau, et laissez-moi parler à ceux dont vous craignez l’approche. Si ce sont des amis, comme il me le paraît, je rétablirai la paix entre vous.

— Je méprise la paix, répondit l’étranger ; je n’ai pas entrepris une aventure hardie pour y renoncer, comme un enfant qui cède son jouet à la première contrariété. Veuillez descendre, noble dame, ou plutôt ne soyez pas offensée si je vous enlève de dessus votre selle pour vous placer sur le gazon. »

Tandis qu’il parlait, Éveline se sentit soulevée de dessus son palefroi, et on l’assit soigneusement par terre. Un moment après, ce même homme exigeant lui ôta son bonnet, le chef-d’œuvre de dame Gillian, et son manteau : « Il faut encore que je vous prie, dit-il, de vous traîner sur les genoux et sur les mains dans cette ouverture étroite. Croyez-moi, je regrette la nature de la fortification singulière à laquelle je confie votre sûreté. »

Éveline se traîna ainsi qu’on le lui disait, sentant que la résistance ne servirait de rien, et pensant que son consentement à la requête de quelqu’un qui parlait comme un homme d’importance pourrait lui valoir sa protection contre la fureur sans bornes des Gallois, pour lesquels elle était un objet de haine, étant la cause de la mort de Gwenwyn, et de la défaite des Bretons sous les murs de Garde-Douloureuse.

Elle se traîna donc dans un passage étroit et humide, bâti de chaque côté avec des pierres brutes, et si bas, qu’elle n’aurait pas pu y pénétrer dans une autre posture. Quand elle eut parcouru deux ou trois verges de distance, elle entra dans une petite caverne assez haute pour qu’elle pût s’y asseoir à son aise, et de dimensions irrégulières et étroites. En même temps elle s’aperçut, par le bruit qu’elle entendait derrière elle, que les bandits bouchaient le passage par lequel on l’avait introduite dans le sein de la terre. Elle entendait distinctement le choc des pierres avec lesquelles on fermait l’entrée, et elle sentit que peu à peu l’air frais qui passait à travers l’ouverture diminuait, et que l’atmosphère de la loge souterraine devenait plus humide, plus terreuse et plus étouffée qu’elle ne l’était d’abord.

Au même instant parvint un son éloigné, et Éveline crut distinguer des cris, des coups, le trépignement des chevaux, les jurements, les exclamations et le bruit des combattants, mais tout était amorti par les murs grossiers de sa prison, et changé en un murmure confus, semblable à celui que nous pouvons supposer que les morts entendent partir du monde qu’ils ont quitté.

Poussée par le désespoir, en des circonstances aussi terribles, Éveline, pour obtenir la liberté de ses mains, se débattit avec une énergie qui tenait de la frénésie : elle réussit en partie à les dégager des liens qui les retenaient. Mais cela ne servit qu’à la convaincre qu’il était impossible de se sauver ; car, ayant arraché le voile qui lui couvrait les yeux, elle se trouva dans une obscurité complète, et étendant les bras précipitamment, elle s’aperçut qu’elle était enfermée dans un souterrain très-étroit. Ses mains, qu’elle promena autour d’elle, ne rencontrèrent que des morceaux de métal usés par le temps, et ce qui, en tout autre moment, l’eût fait frémir, des os vermoulus d’un mort. Cette circonstance alors ne pouvait ajouter à ses craintes, devant mourir dans un souterrain, comme il paraissait probable, tandis que ses amis et ses libérateurs étaient sans doute à quelques pas d’elle. Elle étendit ses bras pour chercher quelque voie de salut ; mais tous les efforts qu’elle faisait pour s’arracher à cette étroite prison étaient aussi infructueux que s’ils eussent été dirigés contre le dôme d’une cathédrale.

Le bruit qui avait d’abord frappé ses oreilles augmentait rapidement, et un moment il lui sembla que la voûte où elle était résonnait sous des coups répétés ou sous le poids de matières lourdes qui y étaient tombées, ou qu’on y avait jetées. Il était impossible qu’une imagination humaine résistât à ces terreurs qui l’assaillaient coup sur coup ; heureusement cela ne dura pas longtemps. Des sons confus et qui semblaient se perdre dans le lointain l’avertirent qu’un des deux partis s’était retiré ; et enfin le silence se rétablit.

Éveline resta livrée aux pensées que lui inspirait sa situation pénible. La bataille était finie, et, ainsi qu’elle le présumait, ses amis étaient victorieux ; car autrement l’ennemi vainqueur serait venu la retirer de sa prison pour l’emmener captive avec lui, comme ses paroles l’en avaient menacée. Mais à quoi lui servirait le succès de ses fidèles amis et de ses serviteurs, puisqu’elle était renfermée dans une prison qui échapperait à leur observation, et qu’elle restait sous le champ de bataille pour devenir encore la proie de l’ennemi s’il se hasardait à revenir, ou bien elle allait périr dans l’obscurité et le besoin, mort aussi horrible qu’un tyran ait jamais pu en inventer pour le supplice d’un martyr ; l’infortunée ne pouvait songer à cette idée sans prier le ciel d’abréger au moins son agonie.

Dans cet instant terrible, elle se rappela son poignard, et la pensée horrible lui vint que, quand elle n’aurait plus d’espoir pour sa vie, elle aurait au moins le pouvoir de l’abréger promptement. Frémissant d’une alternative aussi affreuse, elle se demanda tout à coup si cette arme ne pourrait pas l’aider à se sauver, au lieu de terminer ses maux.

Une fois cet espoir conçu, la fille de Raymond Berenger se hâta d’en faire l’épreuve, et après bien des efforts répétés, elle réussit à changer de posture, de manière à pouvoir examiner sa prison, mais surtout le passage qui l’avait conduite dans la caverne, et par lequel elle cherchait maintenant à regagner la lumière du jour. Elle se traîna à l’extrémité, et la trouva, comme elle s’y attendait, fermée par de grosses pierres et de la terre, si bien jointes, qu’elles semblaient ôter tout espoir de fuite. L’ouvrage néanmoins avait été fait à la hâte, et la vie et la liberté étaient bien capables de stimuler les efforts. Avec son poignard elle retira la terre et l’herbe ; avec ses mains, peu accoutumées à ce travail, elle ôta plusieurs pierres, et réussit assez pour obtenir un rayon de lumière, et, ce qui n’était pas moins précieux, un air plus pur. Mais en même temps elle eut le malheur de s’assurer que, d’après la grosseur d’une énorme pierre qui fermait l’entrée du passage, il n’y avait pas à espérer qu’elle pût seule la renverser. Cependant sa situation était améliorée, elle pouvait maintenant voir, respirer, et même crier pour obtenir du secours.

Ses cris furent pendant quelque temps inutiles : le champ de bataille avait probablement été abandonné aux morts et aux mourants ; car des gémissements peu distincts furent la seule réponse qu’elle reçut pendant quelques minutes. Enfin, comme elle répétait ses exclamations, une voix faible comme celle d’une personne qui sort d’un évanouissement prononça ces paroles : « Édris d’Earthen-House, de ta tombe appelles-tu le malheureux qui va entrer dans la sienne ? Sont-ils brisés les liens qui m’attachaient aux vivants ? et entends-je déjà avec des oreilles charnelles les faibles cris des morts ?

— Ce n’est pas un esprit qui parle, » reprit Éveline transportée de joie en voyant enfin qu’elle pouvait révéler son existence à un être vivant, « ce n’est pas un esprit, mais une jeune fille des plus infortunées : je me nomme Éveline Berenger ; je suis enfermée sous cette voûte sombre et en danger d’y périr si Dieu ne m’envoie du secours.

— Éveline Berenger ! » s’écria avec surprise celui à qui elle s’adressait ; « c’est impossible ! J’ai suivi des yeux son manteau vert, son bonnet à plumes, lorsqu’elle fut entraînée du champ de bataille ; j’ai senti l’impossibilité où j’étais de la sauver, et la force ne m’a quitté que lorsque j’ai cessé de voir sa robe et les plumes, et quand l’espoir de la délivrer m’a abandonné.

— Fidèle vassal, véritable ami, courtois étranger, quel que soit le nom que je puisse te donner, reprit Éveline, apprends que tu as été trompé par les artifices de ces bandits gallois : ils ont effectivement le manteau et la coiffure d’Éveline Berenger, et s’en sont servis pour abuser mes vrais amis, qui, comme toi, s’intéressaient à mon sort. Ainsi, brave chevalier, cherche par quel moyen nous pourrons tous deux obtenir des secours ; car je crains que ces scélérats, quand ils ne seront plus poursuivis, ne reviennent ici, comme le voleur à la cachette où il a déposé son butin volé.

— Que la sainte Vierge soit louée, dit le blessé, si je puis employer le dernier souffle de ma vie à te servir honorablement ! Je n’avais pas voulu sonner du cor, dans la crainte d’arrêter pour moi ceux qui pouvaient te sauver. Fasse le ciel que le rappel soit entendu maintenant ! que mes yeux voient encore lady Éveline libre et en sûreté ! »

Ces paroles, quoique prononcées d’un ton faible, respiraient un esprit d’enthousiasme et furent suivies du son d’un cor faiblement articulé, auquel l’écho de la vallée répondit seul. Un son plus fort et plus aigu partit ensuite ; mais il cessa si subitement qu’il semblait que le souffle avait manqué à celui qui sonnait de l’instrument. Une étrange pensée s’offrit à l’esprit d’Éveline, même en ce moment d’incertitude et de terreur. « C’est bien là, dit-elle, le signal d’un de Lacy : certes, vous ne pouvez être mon aimable parent Damien !

« Je suis ce misérable, qui mérite la mort pour le peu de soin que j’ai eu du trésor commis à ma garde. Devais-je écouter les rapports et les messagers ? J’aurais dû surveiller la divinité qui était confiée à mes soins, avec toute la vigilance que l’avare a pour le vil métal qu’il appelle son trésor ; je n’aurais dû me reposer qu’à votre porte ; j’aurais dû veiller plus long-temps que les plus brillantes étoiles de l’horizon ; inaperçu, inconnu, je n’aurais jamais dû quitter le voisinage : alors vous n’eussiez pas couru un tel danger, et, ce qui est moins important, toi, Damien de Lacy, tu ne serais pas mort comme un valet parjure et négligent !

— Hélas ! noble Damien, dit Éveline, ne me brisez pas le cœur en vous accusant d’une imprudence dont seule je dois être blâmée. Votre bras a toujours été prêt quand j’en ai eu besoin, et la pensée que ma témérité a causé votre désastre ajoute encore à mon malheur. Répondez-moi, aimable parent, et donnez-moi l’espoir que vos blessures pourront guérir. Hélas ! j’ai déjà vu couler votre sang. Et quelle est mon infortune, si toujours je dois causer le malheur de ceux pour qui je sacrifierais volontiers mon bonheur ! Mais n’augmentons pas par des regrets inutiles l’amertume des moments que la bonté céleste nous accorde. Faites votre possible pour étancher votre sang, qui est si cher à l’Angleterre, à Éveline et à votre oncle. »

Damien poussa un gémissement quand elle eut cessé de parler, et garda le silence, tandis qu’exaspérée par l’idée qu’il pouvait périr faute de soins, Éveline réitéra ses efforts pour se délivrer et voler au secours de son parent. Ce fut en vain ; désespérée, elle renonçait à cette tentative, et passant d’un sujet de terreur à un autre, elle écoutait attentivement si elle n’entendait pas le dernier soupir de Damien, quand… ô bonheur ! la terre résonna sous les pieds des chevaux qui s’avançaient rapidement. Néanmoins ce bruit si heureux lui assurait la vie mais non la liberté. Ce pouvait être les bandits des montagnes qui revenaient chercher leur captive. Mais ils lui permettraient sûrement d’examiner et de panser les plaies de Damien de Lacy ; car le retenir captif pouvait être bien plus avantageux pour eux que de le laisser mourir. Un cavalier arriva ; Éveline implora son secours, et la première parole qu’elle entendit fut une exclamation en flamand du fidèle et flegmatique Wilkin Flammock, à qui le spectacle le plus extraordinaire pouvait seul en arracher une.

Sa présence était alors particulièrement utile ; car lady Éveline lui ayant appris dans quelle situation elle était placée, et l’ayant supplié en même temps de s’occuper de celle de Damien de Lacy, il commença, avec un calme admirable et quelque adresse, à arrêter le sang des blessures du jeune homme, tandis que ses serviteurs ramassaient des leviers abandonnés par les Gallois dans leur fuite, et furent bientôt prêts à délivrer Éveline. Avec beaucoup de précaution et sous les ordres expérimentés de Flammock, la pierre se trouva enfin assez déplacée pour rendre Éveline visible, à la grande joie de tout le monde, et surtout de la fidèle Rose, qui, sans penser au danger qu’elle pouvait courir, allait et venait autour de sa maîtresse, comme un oiseau à qui on a volé ses petits voltige autour de la cage où on les a enfermés. Il fallait de la précaution pour enlever la pierre, dans la crainte que retombant en dedans elle ne blessât Éveline.

Enfin le fragment de rocher céda assez aux efforts de ses gens pour qu’elle pût sortir ; mais ceux-ci, irrités de la violence qu’elle avait soufferte, ne cessèrent de soulever la pierre avec les barres et les leviers, jusqu’à ce qu’ayant tout à fait détruit l’équilibre, elle quittât la petite esplanade où on l’avait placée devant l’ouverture souterraine, et acquérant plus de force à mesure qu’elle roulait le long de la montagne, elle descendit rapidement, avec un bruit semblable à celui du tonnerre, au milieu des étincelles qu’elle faisait sortir des rochers, et des nuages de poussière, jusqu’à ce qu’elle tombât dans un ruisseau où elle se brisa en cinq fragments, avec un bruit qu’on aurait entendu à trois milles de distance.

Les vêtements d’Éveline étaient déchirés et en désordre, elle avait les cheveux épars ; mais, malgré la fatigue qu’elle ressentait des efforts qu’elle avait faits pour se sauver, elle ne s’arrêta pas un seul instant à réfléchir sur sa situation : avec tout l’empressement d’une sœur qui vole au secours d’un frère unique, elle se mit à examiner les diverses blessures de Damien de Lacy, et à essayer d’étancher le sang et de le rappeler à la vie. Nous avons dit ailleurs que, comme les dames de ce temps, Éveline n’ignorait pas entièrement l’art de la chirurgie ; elle parut alors plus instruite qu’on ne l’eût jamais cru. Il y avait de la prudence, de la prévoyance et de la tendresse dans les ordres qu’elle donnait ; et la douceur du sexe féminin, ainsi que son humanité toujours prête à aider, à secourir les misères humaines, semblaient plus élevées chez elle et ennoblies par la force d’une intelligence puissante. Après avoir écouté pendant une minute ou deux les ordres prudents de sa maîtresse, Rose parut tout à coup se rappeler que le malade ne devait pas rester aux soins exclusifs de lady Éveline, et se joignant à elle, elle l’aida autant qu’il fut en son pouvoir, tandis que les serviteurs étaient occupés à faire une litière sur laquelle on posa le chevalier blessé pour le transporter au château de Garde-Douloureuse.