Les Femmes arabes en Algérie/Ce que les femmes arabes disent de l’amour

Société d’éditions littéraires (p. 89-93).


Ce que les Femmes Arabes disent de l’Amour




Si un adorateur demande : — Raïra, veux-tu m’aimer ?

— Macache ! (non) répond la Houris.

L’a-t-elle expérimenté avant de naître, toujours est-il, que la femme arabe paraît n’avoir jamais ignoré qu’aimer c’est souffrir ! Mais si elle redoute d’aimer, elle souhaite ardemment d’être aimée et personne mieux qu’elle, ne possède l’art de séduire et d’ensorceler.

Pendant que les orgies ont lieu, dans les rues de la Kasbah à Alger ; des maisons prisons qui bordent ces rues, où vivent cloîtrées, murées les femmes arabes, montent dans l’ether comme des nuages d’encens, leurs rêves… leurs aspirations vers l’amour !…

Ces mauresques vendues comme des animaux, ces femmes forcées de subir la polygamie, sont des chercheuses d’idéal !

Interrogez-les sur l’amour, elles vous répondront : — L’amour ! C’est le coup d’œil, c’est l’étreinte des bras et des mains, c’est le baiser !… L’amour n’est que jusque là !… Une fois qu’il est marié, c’est fini !… fini !… Les bras tendus pour embrasser retombent, se collent au corps !…

Si aimées qu’elles soient, les musulmanes ne s’attachent pas à leur mari polygame qui les a blessées dans leur fierté en partageant son cœur et ses faveurs. Leur âme se replie sur elle-même, comme ces fleurs qui ferment leurs pétales, dès qu’elles sont froissées et mutilées.

Ces femmes arabes dont on ne prend pas garde de ménager la délicatesse, sont des sensitives qui frémissent, se révoltent, ont la répulsion des indignes contacts.

Plus qu’aucune femme au monde, elles sentent ces musulmanes, qui ont été engendrées par des mères poètes.

Dans l’ancienne Arabie, toutes les femmes étaient poètes, la plus célèbre d’entre elles, fut Kanza dont la renommée égala l’illustre Khindif qui donna son nom à la tribu des Beni-Mondar qui, sous le nom de Kindifides, peuplent le Hedjâz et le Nedjd.

L’Arabie payenne eut quatre sages et ces sages furent des femmes. Elles s’appelaient : Sohr, Amrah, Djoumah et Hind qui, à la guerre se faisait des colliers de nez et d’oreilles d’ennemis.

Les femmes les plus remarquables de l’islamisme furent Aïcha — épouse préférée du prophète qui conseillait d’apprendre des vers aux enfants disant que le rhythme purifiait la langue — et Zobéidah femme de Haroun-al-Rachid qu’elle inspirait pour les affaires de l’État.

Les musulmanes ont une indépendance de caractère que la plupart des françaises ne possèdent pas. Tout l’assujettissement moral qu’on dénomme chez nous le devoir, leur est inconnu. N’ayant pas leur sensibilité développée outre mesure par les romans et la religion, elles ne connaissent pas ces élans de passion qui les portent à se sacrifier et à subordonner leur bonheur à celui de l’homme. Elles veulent être heureuses elles-mêmes et éprouver personnellement, une complète satisfaction.

L’élévation de leur esprit date de loin : du temps de la société païenne, alors que les femmes avaient la liberté de choisir le compagnon de vie qui leur plaisait, elles ne visaient qu’à faire des mariages « d’intelligence ». Elles recherchaient un mari sympathique.

Les femmes des autres races se laissaient séduire par la beauté physique, la richesse ! Elles préféraient à tout, la beauté morale, la supériorité intellectuelle. Elles épousaient le plus généreux et le plus poète !

Avant d’épouser, elles faisaient subir des épreuves. Celle du réchaud et des parfums, était infaillible pour distinguer, entre un homme de rien et un homme bien né.

La femme arabe d’aujourd’hui, si annihilée qu’elle soit, participe de ses aïeules, elle a toutes ses aspirations dirigées vers le mieux, témoin ce proverbe qui excite la vigilance des géoliers musulmans : « Quand la femme a vu l’hôte elle ne veut plus de son mari. » C’est que l’hôte, presque toujours européen, représente pour elle une supériorité d’éducation et de développement intellectuel.

Quel sentiment autre que le mépris, la musulmane peut-elle avoir pour le maître jaloux, paresseux, méfiant, qui en sortant emporte la clef de la maison ? Aussi, dès qu’elle peut se soustraire à la claustration, elle jette le Koran par dessus la Kasbah et préfère se donner à vingt français, plutôt que de se laisser acheter par un seul mari mahométan.