Les Femmes arabes en Algérie/La Mauresque offre des douros à la jugesse

Société d’éditions littéraires (p. 85-88).


La Mauresque offre des douros à la Jugesse




La femme arabe ne marchande jamais quand il s’agit de reprendre possession d’elle-même et souvent, avant d’obtenir le divorce, elle est ruinée par les recors de la justice si ce n’est par les juges.

Les musulmans méditatifs qui regardent ce qui se passe dans et hors le prétoire, croient que toutes les consciences françaises sont à acheter, aussi, s’obstinent-ils à réclamer en finançant, la complaisance des fonctionnaires.

Le Caïd Ali M…, a été condamné à quatre mois de prison par la cour d’assises d’Alger pour avoir tenté de séduire pécuniairement un expert. Il avait offert à cet expert une enveloppe contenant mille francs en lui disant : « Pour boire le café ! »

Autant est expéditive la justice arabe où sans frais, sans perte de temps, séance tenante la cause est entendue et jugée par le Cadi ; autant est lente et coûteuse la justice française ; mais en dépit des journées d’attente et des dépenses considérables, les arabes très processifs sont toujours devant les tribunaux. Il est vrai, qu’ils se montrent quelquefois humains envers ces dépouillés que l’instinct de la conservation pousse à exercer des « reprises ». Bien avant que le président Magnaud se soit rendu célèbre, un modeste juge de paix d’Algérie acquitta un malheureux arabe n’ayant pas mangé depuis cinq jours, qui avait volé une chèvre et l’avait vendue vingt-cinq sous.

Les plaideurs musulmans comptent beaucoup moins sur leur bon droit que sur leur bourse pour avoir raison de leurs adversaires ; donc, dès qu’ils ont des démêlés avec la justice, ils veulent mettre tout le monde dans leur jeu et ils offrent de l’argent aux juges et à leurs tenants et aboutissants.

Les femmes agissent comme les hommes ; quand elles plaident en divorce, à défaut du juge, elles cherchent à corrompre la jugesse.

Un jour d’audience musulmane une jolie mauresque se fit introduire auprès de moi. Après s’être assurée que j’étais seule, que portes et fenêtres étaient bien closes, elle s’approcha et en me faisant mille démonstrations affectueuses, elle me remit des papiers. Pendant que je les lisais elle me baisait mains et vêtements, elle se couchait à mes pieds pour appuyer ses lèvres au bas de ma robe.

Tout à coup elle se redressa, sortit d’un sac caché sous sa melhafa (robe), des poignées de douros et mettant un doigt sur sa bouche elle me les tendit… son étonnement fut inimaginable quand elle me vit refuser avec indignation de lui laisser acheter mon intervention auprès du juge, mon mari.

Un musulman peut deux fois divorcer d’une même femme et la reprendre après le délai légal de trois mois et dix jours. S’il divorce une troisième fois, il ne pourra en faire de nouveau sa femme qu’après qu’elle aura été épousée et répudiée par un autre homme.

Quand les juges demandent leur âge aux arabes qui comparaissent devant eux, ceux-ci répondent souvent : « Nous sommes comme les moutons, nous n’avons pas d’âge. »

Le serment n’est jamais déféré à l’audience, mais il est accepté soit sur un marabout vénéré, soit dans la mosquée, un vendredi avant midi, sur l’étendard du prophète flottant au-dessus de réchauds d’encens.

La meilleure condition pour les femmes arabes aisées est d’être divorcées ou veuves ; ainsi seulement, elles sont libres de participer à la vie extérieure. Elles président aux réunions où l’on parle de la tribu et de la race. Dans ce pays où les poètes, sorte de troubadours, vont de douars en douars, déclamer sur l’amour, la galanterie, au lieu de les déconsidérer les pose. Elles ont, paraît-il, des légions d’adorateurs platoniques.