Les Femmes arabes en Algérie/L’amour sous la tente

Société d’éditions littéraires (p. 93-96).


L’amour sous la tente




Autrefois, la mauresque ne détestait pas ainsi, l’homme de sa race. Il y a douze cents ans, en Arabie, les époux ne s’interpellaient que par ces doux mots : « Toi qui es à moi ! » Maintenant que les jeunes filles — des enfants plutôt — sont vendues par leur père à un mari qui pourrait être leur grand-père, l’amour dans le mariage n’existe pas et la matraque est impuissante à assurer la fidélité de la femme.

La nature violentée, reprend un jour ses droits, le petit organe que la jeune épouse a dans la poitrine s’agite. Parfois, c’est pour un homme qu’elle n’a jamais vu mais qui a aperçu, lui, à la dérobée, quand elle soulevait son haïck, ses yeux qui assassinent comme la poudre.

« Le cœur est le plus court chemin pour arriver au cœur » disent les arabes ; aussi, quand ils veulent être aimés ils commencent par aimer.

Les musulmanes les encouragent par leur coquetterie et leur indifférence ; mais elles n’aiment pas plus leurs amants que leurs maris et ne sont que des dilettantes de l’infidélité.

En trahissant pour un bijou ou même pour rien ceux qui les aiment, les mauresques jouent leur existence.

À Biskra, si une femme regarde par la fenêtre, son mari achète un de ces excellents pistolets fabriqué dans la ville même et lui casse la tête. Pour un coin de voile soulevé, pour un regard échangé, elle risque sa vie. On mesure la somme de félicité que cette infidélité platonique représente pour celui qui en est honoré. Aussi, malgré tous les périls, l’ardeur des amoureux ne se dément pas plus que la témérité des femmes toujours prêtes à provoquer le courroux des hommes qui les ont achetées.

Les amants arabes ont pour leur Lella (dame) une violente passion, c’est l’adoration enthousiaste des chevaliers pour les preuses du moyen âge.

Dans le désert, la mahométane n’a pas perdu sa puissance et elle joue un grand rôle lors des guerres entre tribus. Les plus belles d’entre les plus belles femmes de la tribu, suivent les combattants assises dans de riches palanquins, sorte de boudoirs portatifs hissés sur des chameaux. Elles excitent les guerriers par leurs chants, leurs déclamations, leurs cris joyeux ou irrités. Après la victoire, on reconnaît le concours de ces houris en leur attribuant une part dans le partage du butin.

Dans l’Arabie payenne, des femmes sont allées jusqu’à l’impudeur pour sauver leur tribu : On raconte qu’à la bataille de la « Coupe des Toupets » les filles du poète Find quittèrent leurs vêtements et s’avancèrent toutes nues, au milieu des combattants, elles les excitaient en criant : « Guerriers, fondez sur l’ennemi, terrassez-le et nous vous embrasserons à pleins bras ! »