Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 93-96).

65. — LE MALENTENDU[1]

Un curé, que je connais bien, mais que je ne nomme pas, de crainte de lui faire du tort, était en visite dans un couvent de filles.

On goinfre, suivant l’usage. Tout à coup, notre curé éprouve un besoin terrible de chier. Mais il est fort timide. Il n’ose pas désigner la chose par le mot propre, il cherche une périphrase, il se penche vers sa voisine, déjà d’un âge quasi-canonique, et balbutie :

— « Où pourrais-je accomplir les œuvres de la nature ? »

La vieille nonne comprend l’allusion de travers. Elle croit que notre curé l’invite à la copulation, et elle frétille de concupiscence. Mais elle veut se faire un peu prier. Elle chuchote, en minaudant :

— « Fi donc ! Petit polisson ! »

Le curé, ahuri, sent la catastrophe imminente. Il répète, à plusieurs reprises, tout éperdu :

— « Je vous en conjure ! Il faut que j’accomplisse les œuvres de la nature ! »

La vieille nonne s’est bien assez défendue.

Elle prend le curé par la main, et le conduit dans sa chambre à coucher.

Le malheureux pense être dans un endroit où il pourra enfin se décharger le ventre. Il commence à se déculotter, en disant :

— « Où dois-je accomplir les œuvres de la nature ? »

Alors, la vieille nonne se couche sur le lit, et se met à son aise, des mollets au nombril.

Un éclair jaillit dans l’âme du brave curé. Il s’aperçoit que la coquine l’a mal compris, et, recourant à la périphrase par laquelle les enfants bien élevés désignent, chez nous, l’évacuation des excréments, il soupire, agonisant :

— « Je voudrais cueillir des petites roses… »

La vieille amoureuse devient pourpre de honte. Elle saute à bas du lit, et se sauve.

Le pauvre curé se traîne dans le couloir, en tenant son ventre à deux mains.

Le ciel a pitié de lui. Il rencontre une autre nonne, beaucoup plus jeune, et lui demande, dans les termes les plus populaires, où sont les chiottes. Ses vœux sont alors exaucés, et il peut, enfin, se soulager.

C’est le curé qui m’a conté l’aventure. La vieille nonne ne s’en vanta point.

  1. Livre III, 151. De sacerdoti et moniali.