Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 50-51).

30. — LE MESSIE DES JUIFS[1]

On m’a conté ceci, pendant un voyage en Bohême :

Un Chrétien du pays avait pour maîtresse une jeune fille juive. Il la chevaucha si vaillamment qu’il l’engrossa.

La vierge devient énorme. Sa mère va tout découvrir. Le Chrétien a l’idée d’un stratagème.

Par une nuit de pleine lune, on heurte à la porte des parents de l’engrossée. Le vieux Juif et la vieille Juive se penchent à leur fenêtre. Ils aperçoivent un fantôme blanc, qui a des ailes palpitantes et un diadème d’or. Le fantôme vocifère :

— « Écoutez, ô fils d’Israël ! Je suis l’ange Gabriel, et je parle au nom de Iaveh, notre Seigneur. Votre fille, qui ne connaît point d’homme, a conçu, par l’ouvrage de l’Esprit-Saint. Elle est bénie entre les femmes. Elle enfantera le Messie authentique, celui que tout Israël attend ! »

Le vieux Juif et la vieille Juive tombent à la renverse.

Dès le lendemain, on annonce la bonne nouvelle aux voisins, qui la répandent à travers le pays. Bref, la délivrance approchant, tous les Juifs de la Bohême arrivent en pèlerinage à la résidence de leur sainte vierge. Les principaux rabbins entourent le lit, en marmottant des prières.

Alors, à la grande joie des Chrétiens, la garce accouche… d’une fille !

  1. Livre II, 104. Historia de Judæa filiam pro Messia pariente.