Traduction par Edmondo Fazio alias Edmond Fazy.
E. Sansot (p. 29-30).

10. — LE CHRÉTIEN ET LE JUIF[1]

Un certain Matthieu d’Ulm, qui n’était pas autrement érudit, mais qui savait sa Bible par cœur, disputait avec un Juif. Il s’agissait des deux religions. Quelle était la meilleure et la plus vraie ? À la fin, Matthieu dit :

— « Vous autres Juifs, vous ne portez point le signe du baptême. C’est pourquoi, au jour du Jugement Dernier, on vous tuera, comme l’écorcheur fait, dans les villes, aux chiens dépourvus de marque distinctive. Mais nous, qui portons le signe, nous entrerons au Paradis. »

— « Où donc portez-vous ce signe du baptême ? »

— « Dans nos âmes. »

— Oh ! Alors, comme chacun retrouvera un corps au jour du Jugement Dernier, personne ne pourra voir votre signe. Nous autres Juifs, au contraire, nous portons au prépuce la marque de la circoncision. »

— « Cochon de Juif ! Comment ! Tu oserais montrer ton vis coupé à Dieu le Père, à Notre Seigneur Jésus, à la Sainte Vierge, aux anges et à tant de milliers de pucelles ! Cochon ! Va te faire pendre, ou pédiquer par le Grand Turc ! »

Matthieu d’Ulm était tout fier de cette repartie. Il croyait avoir fait quinaud le Juif.

  1. Livre I, 76. Disputatio Judæi et Christiani.