Les Dieux antiques/L’Athéné grecque ou la Minerve latine

J. Rothschild, éditeur (p. 79-83).




L’ATHÉNÉ GRECQUE OU LA MINERVE LATINE.


Athéné. — Athéné est la fille de Zeus, qui surgit toute cuirassée du front de son père, ouvert, selon quelques poètes, par un coup de la hache de Héphaistos. Comment expliquer ce conte étrange ? Par la comparaison du conte grec avec celui de l’Inde qui en donne la forme antérieure, elle nous enseigne qu’Athéné est un nom de l’Aurore, appelée dans les poèmes indiens Ahanâ et Dahanâ. Voici maintenant comment se produit chez la déesse l’acte extraordinaire de surgir du front de son père : Zeus était un nom à la fois du Ciel visible et du Ciel spirituel, et l’on disait que l’Aurore s’élance du front du Ciel, en d’autres mots, de l’Est. Reste la hache de Héphaistos. Cette particularité de l’histoire provient d’une expression disant simplement que la lumière du matin ouvre, c’est-à-dire illumine, la face ou le front obscur du ciel. Tel est le sens d’une fable qui valut à Athéné différents surnoms : on l’appela, dans quelques États grecs, Coryphasia (de Koryphê, tête, et Acria, haut sommet) ; chez les Romains, Capta (de caput, tête) (fig. 48). Quant à l’appellation de Tritogénéia, quelques-uns crurent y voir, que la déesse naquit le troisième jour, de trita, troisième (mais pareil commentaire n’a aucun sens) ; d’autres ont songé au mot Trito, qui dans un dialecte grec voulait dire tête ; il en est enfin pour qui Tritogénéia ne signifie que « née sur les bords du lac libyen Tritônis ou de la rivière Triton ». Toutefois nulle de ces explications n’est suffisante ; Fig. 48. — Athéné ou Minerve (camée).
il existait beaucoup de rivières appelées Triton, et ce fait même nous engage à rechercher ce que signifie le mot Triton. Voyons ! Dans les plus vieux hymnes hindousou sanscrits nous lisons qu’il y a un dieu appelé Trita, qui règne sur les airs et les eaux. Ce Trita est en réalité le même dieu que Dyu ou Zeus, le Ciel ; et Tritogénéia est la fille du ciel, ou en d’autres termes, le matin. Ainsi l’étude d’une étymologie nous apprend combien est ancienne l’origine du mythe d’Athéné. Sa fonction primitive fut d’éveiller les hommes de leur sommeil : de là, à côté du hibou, le coq, l’oiseau du matin, qui lui est consacré. Athéné est aussi la déesse de la sagesse (fig. 49). Car dans les anciennes langues de l’Inde le mot qui signifie « s’éveiller » désigne encore « savoir » ; et l’on prit la déesse, qui faisait s’éveiller les hommes, pour la déesse qui fait que les hommes savent quelque chose. Variantes à la légende d’Athéné : selon quelques-uns, elle est l’enfent, non de Zeus, mais du géant ailé Pallas, ou de Poséidon, ou de Héphaistos. Fig. 49. — Statue de Pallas Athéné on Minerve.
Tandis que plusieurs parlent d’elle enfin comme de celle qui est toujours vierge, d’autres disent qu’Apollon est son fils (fig. 50). Cela vient toujours de source antique : Apollon, parce qu’il suit l’aurore, peut être appelé le fils d’Athéné ; mais si on le considère en tant que s’élançant de Fig. 50. — Statue d’Athéné mère.
la nuit, il est le fils de Léto (appelée à tort, en français, d’après le latin exclusivement : Latone). Athéné vis-à-vis de Zeus se tient généralement sur le pied d’une harmonie et d’une soumission parfaites. Comme chez Héré, il y a des interruptions dans cette attitude : la déesse prit part à la conspiration de Héré précisément et de Poséidon, pour détrôner ou emprisonner Zeus ; et elle aida Prométhée à voler au ciel le feu, contre la volonté du dieu souverain ; par suite d’un amour passionné qu’elle éprouva pour Prométhée, disent les uns ; tandis qu’on la dépeint le plus souvent insensible à pareil sentiment. Tout le long de l’Iliade, Athéné apparaît comme la déesse qui connaît le plus profondément l’esprit de Zeus, et comme le guide et l’aide d’Achille, d’Odyssée (l’Ulysse latin) et d’autres héros. Les légendes qui la montrent agissant selon des motifs indignes ou mauvais sont rares ; mais, dans le conte de Pandore, elle prit part au complot dont le résultat est d’accroître la misère des hommes.

Une cité porte le nom de cette déesse, Athènes, que l’on dit avoir été nommée d’après Athéné, quand celle-ci produisit l’olivier : don meilleur pour l’homme que le cheval créé par Poséidon, qui désirait que la cité s’appelât Poséidonia.

Athéné est représentée comme une beauté aux yeux brillants ou Glaukopis, ayant sur son égide ou manteau la face de la Gorgone Méduse, qui changeait en pierre tous ceux qui y portaient les yeux. Sa figure sereine se trouve reproduite devant le temple célèbre qui lui fut dédié, le Parthénon, situé sur l’Acropole d’Athènes. Cette statue colossale fut faite d’or et d’ivoire par le grand sculpteur Phidias, ami de Périclès, qui vécut au cinquième siècle avant Jésus-Christ.

Minerve. — Athéné n’était point connue des Romains et des Latins sous ce nom, mais la déesse Minerve lui ressemble de si près, que toutes deux peuvent être regardées comme la même déité. Différence entre Athéné et Minerve : l’idée de la déité latine est bien plus élevée que celle de la grecque. Tandis que le nom d’Athéné comporte simplement une notion de splendeur extérieure, et non pas mentale, celui de Minerve, comme le latin mens, le grec menos, indique la « pensée » ou la « sagesse » ; il se rattache, à vrai dire, aussi au latin mane, le matin, et matuta, l’aurore. Antérieurement, dès les hymnes védiques, on parle de l’Aurore qui éveille chaque mort et le fait marcher, et reçoit les louanges de tout « penseur ». Comme telle, c’est strictement parlant la Moneta, nom que les Latins donnaient à Junon.