Librairie de Achille Faure (p. 67-68).


DIX-HUITIÈME LETTRE.

WILLIAM À GILBERT.

5 août.

Eh bien, mon ami, je vais au Fougeré. Comme toujours, Blanche a triomphé des résistances de son père. Je pars même avec eux, bien qu’il eût été convenu d’abord que je m’y rendrais seul. En définitive, je vois qu’ils ont une manière à eux de s’arranger avec l’usage, quand il gêne leur volonté. Ils s’inclinent devant lui d’abord, très-contrariés, puis tournent tout autour, cherchant des brèches ; avec un peu d’imagination, l’obstacle est bientôt tourné. C’est le procédé jésuitique pour mal faire sans pécher. Je ne m’en plains pas et j’en profite sans remords. Notre mariage est fait dans nos cœurs ; il ne se rompra point.

La confiance des parents n’est pas aussi absolue ; on m’a tout garrotté de précautions puériles. Je serai censé être un ami d’Anténor ; il me sera défendu là-bas de baiser la main de Blanche en présence d’aucun, et de faire plus attention à elle qu’aux autres dames. Quoi encore ? Ce sera bon pour les premiers jours ; et puis ces prescriptions seront levées une à une, comme celles qui s’opposaient à mon séjour là-bas. Adresse-moi donc ta prochaine lettre au Fougeré, près Vivonne, département de la Vienne.