Librairie de Achille Faure (p. 55-56).

SEIZIÈME LETTRE.

GILBERT À WILLIAM.

Paris, 2 août.

Je te félicite, mon cher, d’être enfin fixé. 50,000 fr. de dot ne sont pas une grosse affaire ; mais puisque tu es si content, je ne puis m’empêcher de l’être aussi. Es-tu sûr cependant de pouvoir renoncer au luxe au milieu duquel tu as toujours vécu ? C’est bien difficile, quoique je ne doute pas de ta force et de ta bonne volonté.

Eh bien ! nous allons maintenant tourner toutes nos batteries du côté de cette place à conquérir. Ce n’est guère le moment ; il n’y a, comme on dit, personne à Paris. Cependant, on pourrait commencer quelques démarches. Que veux-tu, d’abord ? C’est avant tout ce qu’il s’agit de savoir. Si tu ne craignais pas de t’expatrier, je parlerais à Olga, qui doit avoir de grandes relations en Russie ; mais c’est bien loin, et mieux vaut Paris. Quel dommage que tu aies abandonné depuis des années toutes tes hautes relations ! Il faudra les renouer.

Ma princesse est à la campagne, près de Saint-Germain. J’y vais aussi souvent que je le puis ; mais entre les exigences de mon service et celles de mon amour je suis parfois bien embarrassé. Avec sa négligence de grande dame, ne m’a-t-elle pas proposé l’autre jour de donner ma démission, quand je n’ai d’elle encore la moindre promesse ! J’ai allégué l’ambition et prétendu que je pouvais devenir ministre. Ma foi, mon cher, je ne vais pas si vite que toi. Et quelle galère ! Va, si j’arrive au port…

Je te quitte ; j’ai des commissions pour elle. Écris-moi sans compter ; je suis l’homme le plus occupé du monde et n’ai guère d’autre plaisir que tes lettres. Tu sais combien je t’aime.

Gilbert.