Les Deux Amiraux/Chapitre XVII

Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Gosselin (Œuvres, tome 20p. 225-239).



CHAPITRE XVII.


Ce n’était pas sans quelque raison, car le vent augmenta le soir, et il devint un ouragan. Ce n’était pas grand’chose pour un marin, mais un homme habitué à la terre aurait pu pâlir un peu, car les marins sont, de fait, une race différente. Au coucher du soleil, on commença à carguer les voiles : le ciel menaçait d’une tempête qui pourrait emporter un mât ou deux.
Byron



Comme midi venait de sonner, Bluewater résolut de passer quelques heures sur le promontoire, ou du moins d’y rester jusqu’à ce que le moment de songer à son dîner fût arrivé. Quoique habituellement distrait, son esprit trouva de l’occupation et du plaisir à regarder les évolutions qui eurent lieu à bord des différents bâtiments, et dont nous décrirons brièvement quelques-unes.

Il n’y avait pas cinq minutes que sir Gervais Oakes avait appuyé le pied sur le pont du Plantagenet quand on vit flotter en tête du grand mât de ce vaisseau un signal pour y appeler tous les capitaines de l’escadre. Dix minutes après, tous, à l’exception de ceux des bâtiments qui étaient au large, étaient réunis dans la chambre de conseil du vaisseau amiral, et écoutaient les ordres et les instructions du commandant en chef.

— Vous voyez, Messieurs, que mon plan est facile à comprendre, continua le vice-amiral après avoir expliqué ses intentions générales de donner la chasse aux Français, et de les amener à un engagement ; et chacun de vous le suivra implicitement. Nous avons un fort courant de jusant ; et une bonne brise, qui nous fera filer six nœuds à l’heure, nous arrive du sud-ouest. J’appareillerai et je ferai vent arrière jusqu’à ce que je sois en dehors de l’escadre, alors je serrerai le vent tribord amures ; je recevrai le courant du jusant par la joue de bâbord, et il me portera ainsi au vent jusqu’à l’entrée de la Manche vers Morlaix ; ce qui nous mettra dans une position favorable, au vent. Tant que le jusant durera et que cette brise se soutiendra, notre route sera facile ; les difficultés arriveront avec le flot, ou par suite d’un changement de vent. Les bâtiments qui partiront d’ici les derniers devront avoir soin de se maintenir en vue de celui qui les précédera et de celui qui les suivra, et de régler tous leurs mouvements, autant que possible, d’après ceux du vaisseau qu’ils auront en avant. Le grand objet est de donner à notre vue le champ le plus étendu possible, et de tenir les bâtiments à portée de vue des signaux les uns des autres. Vers le coucher du soleil, je diminuerai les voiles, et la ligne devra se resserrer de manière à placer chaque vaisseau à une lieue l’un de l’autre. — J’ai recommandé à Bluewater d’y avoir égard en sortant de cette rade avec les derniers bâtiments, quoique je l’aie engagé à attendre aussi longtemps qu’il le jugerait prudent, dans l’espoir de voir arriver un exprès de l’amirauté. — Quand le flot se fera, je n’ai pas dessein de virer de bord, mais je continuerai la bordée de tribord, et je désire que vous en fassiez tous autant ; cela mettra les bâtiments qui seront en tête considérablement au vent de ceux qui les suivront, ce qui peut placer l’escadre en ligne d’échiquier. Comme je serai à l’avant-garde, mon devoir sera d’y veiller et de prendre garde aux conséquences. Ce que je vous demande surtout, c’est de faire grande attention au temps, et de maintenir toujours vos vaisseaux à une distance l’un de l’autre qui leur permette de recevoir et de transmettre les signaux. Si le temps est couvert, ou que le vent soit très-fort, il faut que nous resserrions notre ligne de l’avant à l’arrière, et que nous cherchions fortune en ordre serré. Que l’homme qui apercevra le premier l’ennemi en donne avis à l’instant même, et qu’on transmette cette nouvelle avec la position des Français, sur toute la ligne, aussi vite qu’il sera possible. En ce cas, vous vous dirigerez tous vers le point d’où sera parti cet avis, et faites-y bien attention ; n’agissez pas comme le feraient des bâtiments croiseurs, en cherchant à vous élever au vent par des bordées successives. Vous savez que je ne souffre pas qu’on s’écarte de mes ordres. Et maintenant, Messieurs, il est probable que nous ne nous retrouverons jamais tous ensemble : que Dieu vous protège, et que je vous serre la main tour à tour. Ensuite regagnez vos canots, car le premier lieutenant vient de faire dire à Greenly que nous sommes à pic. — Qu’il fasse donc lever l’ancre, Greenly, et partons le plus tôt possible.

Les adieux vinrent ensuite, et ce fut une scène dans laquelle la joie et la tristesse jouèrent également leur rôle ; après quoi tous les capitaines disparurent. À compter de ce moment on ne pensa plus qu’à appareiller à bord du Plantagenet.

Quoique Bluewater n’eût pas été témoin de la scène qui s’était passée dans la chambre de conseil du vaisseau amiral, il se la représenta en imagination, et il resta sur les rochers pour voir les évolutions qui allaient se faire. Comme Wycherly était entré dans la maison, et que Dutton était resté près de son mât de signaux, il n’avait que lord Geoffrey pour toute compagnie. Celui-ci, voyant que son parent ne semblait pas disposé à converser, eut assez de tact pour garder lui-même le silence, tâche qui lui fut moins difficile que de coutume, attendu l’intérêt qu’il prenait lui-même à ce spectacle.

Les canots des différents capitaines n’étaient pas bien loin à tribord du Plantagenet, où l’étiquette les avait rassemblés un instant auparavant, quand ses trois huniers furent largués, bordés et hissés. Cette manœuvre se fit avec la régularité habituelle sur les bâtiments de guerre, et fut exécutée en trois minutes. Le vent frappant alors la toile obliquement, les voiles se remplirent à mesure qu’elles se déployèrent, et quand elles furent bordées et hissées, et que la toile se trouva bien tendue, le Plantagenet s’avançant d’une marche lente et assurée contre une forte marée, sortit du groupe de vaisseaux au milieu desquels il était mouillé. C’était une belle évolution, et l’on aurait pu le comparer à un oiseau de mer qui se lève nonchalamment du sein de son élément, étend ses ailes, s’élance hors de l’eau, et glisse dans l’air vers quelque point éloigné et invisible.

Les mouvements du vaisseau amiral étaient mesurés, et avaient quelque chose de grand et d’imposant. Pendant cinq minutes, il fit route vers l’est, recevant le vent par la hanche de tribord et ayant la marée en tête. Alors, se trouvant assez en dehors de l’escadre, il amura ses basses voiles, borda ses perroquets et ses cacatois, sa brigantine, ses focs et ses voiles d’étai ; fit bien tresser au plus près tribord amures et mit le cap au sud-est ; sous cette allure il recevait le jusant sous le vent par la joue. Tandis qu’il orientait ses voiles, et qu’il boulinait partout, il tira un coup de canon, et fit aux bâtiments qui étaient mouillés au large le signal d’appareiller, et de lui passer à poupe. Bluewater vit toutes ces manœuvres avec l’attention d’un amateur et le regard critique d’un connaisseur.

— Bien exécuté, maître Geoffrey, très-bien, il faut en convenir, s’écria-t-il ; jamais oiseau ne quitta ses compagnons en faisant moins d’embarras et avec plus d’élégance que le Plantagenet ne vient de sortir du milieu de l’escadre. Il faut reconnaître que Greenly sait manœuvrer son vaisseau.

— Je crois que le capitaine Stowel en aurait fait autant avec le César, amiral, répondit le jeune homme avec un véritable esprit de corps. Vous souvenez-vous du jour où étant mouillés à la hauteur de Lorient, nous appareillâmes avec un coup de vent portant en côte ? Sir Gervais lui-même dit ensuite que nous avions moins perdu au vent qu’aucun autre bâtiment de l’escadre, et pourtant tout le monde dit que le Plantagenet est le bâtiment qui tient le mieux le vent parmi tous les vaisseaux à deux ponts de la marine.

— Tout le monde ! c’est certainement un bâtiment qui tient bien le vent, mais il y en a d’autres qui le valent à cet égard. — Qui avez-vous entendu en parler ainsi ?

— Tous ces midshipmen ne font que s’en vanter, et ils en disent encore bien davantage.

— Des midshipmen ! Les jeunes gens trouvent toujours des charmes supérieurs à l’objet de leur premier amour, soit à terre, soit sur mer. Avez-vous jamais entendu un vieux marin parler ainsi du Plantagenet ?

— Oui amiral ; Galleygo, le maître-d’hôtel de sir Gervais, en fait à tout propos un éloge encore plus ampoulé. Ce sont de fiers hâbleurs que tous ces plantagenets !

— Cela est tout naturel, dit Bluewater en souriant ; ils ont entendu donner de semblables éloges aux bâtiments qui ont autrefois porté le même nom. Mais regardez les vergues de ce vaisseau, jeune homme, et apprenez à orienter les voiles au plus près du vent. Le pinceau d’un peintre ne pourrait tirer des lignes avec une symétrie plus exacte.

— Le capitaine Stowel nous dit que les vergues ne doivent pas être brassées exactement de même, mais que nous devons mollir un peu les bras du vent, de manière à ce que les vergues supérieures soient un peu moins brassées que les inférieures, à partir des petites vergues jusqu’aux basses vergues.

— Vous avez raison de suivre en toute chose l’opinion de Stowel, Geoffrey ; mais le capitaine Greenly n’a-t-il pas fait la même chose à bord du Plantagenet ? Quand je parle de symétrie, je veux dire la symétrie d’un marin.

Le jeune homme fut obligé de garder le silence, quoiqu’il lui répugnât excessivement d’admettre qu’aucun vaisseau pût être égal au sien. Cependant il y avait toute apparence d’un changement de temps. Presque à l’instant où le Plantagenet avait brassé au plus près, le vent avait fraîchi, et dix minutes après il y eut une forte brise. Quelque temps avant que l’amiral hélât les bâtiments qui étaient au large, il fut obligé de diminuer toutes ses petites voiles, et quand il fit servir, après avoir donné ses ordres à la frégate et au sloop, les écoutes de perroquet furent larguées ou bordées ; les huniers amenés à un ris pris dans chacun d’eux ; et un instant après, ils furent hissés sur les perroquets bordés. La nuit menaçait d’être sombre, sinon tout à fait obscure, ce qui, joint au changement de temps, devait nécessairement amener un changement analogue dans le projet du vice-amiral, et réduire de moitié les intervalles de départ entre ses bâtiments. Toutes les opérations navales sont exposées à de pareilles vicissitudes et l’on est fort heureux quand les chefs ont assez de talent pour y remédier.

En moins d’une heure, du pont des vaisseaux au mouillage on n’apercevait plus que le haut des mâts du Plantagenet. Alors le Carnatique leva l’ancre, établit ses voiles, fit route ; et suivit si exactement celle de l’amiral, qu’une demi-heure après son départ, il retira de la mer un seau qu’on avait laissé tomber de la poulaine du Plantagenet en puisant de l’eau. Nous pouvons ajouter ici, quoique ce soit anticiper un peu sur les événements, que le Foudroyant suivit le Carnatique, le Blenheim le Foudroyant, l’Achille le Blenheim, le Warspite l’Achille, le Douvres le Warspite, l’York le Douvres, l’Élisabeth l’York, le Dublin l’Élisabeth, et le César le Dublin. Mais il se passa une heure entre l’appareillage successif de chacun de ces bâtiments, ce qui nous donnera le loisir de rapporter certains incidents qui se passèrent à terre pendant ce temps. Cependant, pour aider le lecteur à mieux comprendre les événements futurs de notre histoire, nous commencerons par dire un mot de quelques-unes des circonstances qui accompagnèrent le départ de ces bâtiments.

Lorsque les huniers du Plantagenet commencèrent à disparaître aux yeux de ceux qui étaient sur le haut des rochers, le Carnatique, le Foudroyant, le Blenheim, l’Achille et le Warspite, séparés les uns des autres par un intervalle d’environ deux lieues, s’étendaient en ligne sous autant de voiles qu’ils en pouvaient porter. Le vice-amiral avait diminué de voiles, et il permettait évidemment au Carnatique de s’approcher de lui, probablement à cause de l’air menaçant du temps du côté du vent ; tandis qu’il se laissait dépasser par la frégate la Chloé et le cutter le Driver, l’un par le bossoir du vent, l’autre par celui de dessous le vent. Quand le Douvres appareilla, on ne voyait plus de sa hune les voiles hautes de l’amiral, quoique la coque du Warspite fût encore visible de dessus le pont. Il s’éloigna de l’escadre, ou du moins de la partie qui était encore à l’ancre, avec ses basses voiles appareillées, et il serra le vent, ayant ses huniers, deux ris pris. un ris dans la grande voile, la misaine et le grand perroquet. Sous cette voilure réduite, il fit route à la suite de son matelot de l’avant, comme on appelle le bâtiment qui précède, la mer écumant sous sa proue, et donnant une bande qui indiquait la force du vent. Pendant ce temps, l’York avait levé l’ancre, et la marée avait changé, ce qui le mit dans la nécessité d’abattre sur l’autre bord pour parer la terre à l’est. Cela modifia l’ordre de marche. Mais revenons aux événements qui furent visibles du rivage, afin de les rapporter dans un ordre plus régulier.

Il est presque inutile de dire que Bluewater passa plusieurs heures sur les rochers pour voir le départ d’une si grande partie des bâtiments. Au lieu de retourner à Wychecombe-Hall pour l’heure du dîner, comme il l’avait promis à sir Reginald, il songeait à lui envoyer un message pour le prier de l’excuser, quand il vit Wycherly sortir de la maison de Dutton d’un air animé et agité. Il profita de cette occasion pour le prier de se charger de ses excuses, ajoutant que le changement survenu dans le temps lui faisait un devoir de ne pas quitter le bord de la mer. Dutton l’avait entendu, et après une conférence privée avec sa femme, il avait pris sur lui d’inviter son officier supérieur à satisfaire son appétit sous son humble toit. Bluewater accepta très-volontiers cette invitation, et quand on vint l’avertir que le dîner était servi, il vit avec plaisir, en entrant dans la salle à manger, qu’il n’aurait d’autre compagnie à table que Mildred qui, de même que lui, mais pour quelque raison cachée dans son cœur, avait laissé passer l’heure ordinaire du dîner sans songer à se mettre à table, et que sa mère avait jugé devoir avoir besoin en ce moment de prendre quelque nourriture.

— Les événements qui viennent de se passer, Monsieur, dit mistress Dutton, ont cruellement agité cette pauvre enfant, et elle n’a rien pris depuis ce matin. Je lui ai dit que vous ne trouveriez pas mauvais qu’elle se mît à table avec vous, et que vous recevriez ses services et ses attentions comme une excuse de sa compagnie.

Bluewater jeta un coup d’œil sur les traits pâles de miss Dutton, et jamais sa ressemblance avec Agnès Hedworth ne lui avait paru si frappante qu’en ce moment. Les deux dernières années de la vie de sa cousine n’avaient pas été heureuses, et l’air mélancolique et les yeux humides de Mildred firent renaître en lui, d’une manière aussi vive que pénible, les souvenirs de son ancienne amie.

— Juste ciel ! pensa-t-il, faudra-t-il que deux êtres semblables n’aient existé que pour souffrir ! — Ma bonne mistress Dutton, dit-il ensuite, ne cherchez pas d’excuse, et soyez bien sûre que vous n’auriez pu me trouver dans toute l’Angleterre une compagnie qui me fût aussi agréable que celle que j’ai le plaisir d’avoir en ce moment.

Mildred chercha à sourire, et réussit du moins à montrer de la reconnaissance ; mais il n’était pas en son pouvoir d’aller plus loin. Mistress Dutton fut satisfaite, et les laissa prendre tête à tête un repas bien simple, mais très-proprement servi, ses occupations domestiques l’appelant ailleurs.

— Laissez-moi vous persuader de prendre un verre de cet excellent porto, ma chère enfant, dit Bluewater. — Si vous aviez croisé aussi longtemps que moi sur les côtes du Portugal, vous sauriez combien il est difficile d’en trouver de semblable. Je ne me souviens pas d’en avoir bu d’aussi bon à la table d’aucun amiral.

— C’est probablement te dernier que nous boirons ici, Monsieur, répondit Mildred, une larme s’échappant de ses longs cils par suite d’un mouvement d’émotion involontaire. C’est un présent de ce bon vieux sir Wycherly, qui ne laissait jamais ma mère entièrement dépourvue des choses qu’il pensait qu’elle n’était pas assez riche pour se procurer. Nous pourrons bien aisément oublier ce vin, mais il ne nous sera pas facile d’oublier celui qui nous l’a donné.

Bluewater, sentit qu’il aurait volontiers tiré sur son banquier, au profit de cette aimable fille, un mandat d’une somme égale à la moitié de la fortune qu’il lui avait léguée par son testament ; et pourtant, par une sorte de caprice qui n’est pas rare chez les personnes douées de la plus vive sensibilité, il lui répondit de manière à cacher l’émotion qu’il éprouvait.

— On ne verra pas de si tôt un autre bon vieux sir Wycherly qui se fasse un plaisir de donner à ses voisins le comfortable ; mais il y en a un jeune, et il n’est pas probable qu’il oublie de suivre le bon exemple de son oncle. J’espère que vous vous réjouissez tous ici du bienfait inattendu que la fortune vient d’accorder à notre lieutenant favori ?

Une expression d’angoisse se peignit sur les traits ingénus de Mildred, et son compagnon s’en aperçut ; mais, quoique surpris, il feignit de ne pas l’avoir remarquée.

— Nous cherchons à en être charmés, Monsieur, répondit Mildred d’un air si souffrant qu’il éveilla toute la compassion du contre-amiral ; mais il ne nous est pas facile de nous réjouir de quoi que ce soit qu’on ait pu gagner par suite de la mort de notre ancien et respectable ami.

— Je sais qu’un jeune homme comme le sir Wycherly actuel ne peut servir de substitut à un vieillard comme le feu sir Wycherly ; mais l’un est marin, et l’autre avait toujours vécu sur terre ; et les préjugés de ma profession font peut-être qu’il n’y a pas une aussi grande différence, entre eux à mes yeux qu’aux vôtres.

Bluewater crut voir quelque chose de suppliant dans le regard que miss Dutton jeta sur lui, et il se repentit d’avoir pris de pareils moyens pour la distraire de sa mélancolie. Mildred s’aperçut peut-être de ce regret, car elle rallia ses forces, et fit un effort qui réussit en partie pour donner à la conversation une tournure plus agréable.

— Mon père croit, Monsieur, que le beau temps que nous avons eu depuis quelques jours va nous abandonner, et qu’il est probable que nous aurons un grand vent d’ici à trente-six heures.

— Je crains que M. Dutton ne soit un très-bon almanach. Le temps paraît menacer, et je m’attends à une mauvaise nuit. Bonne ou mauvaise, il faut que nous y fassions face, nous autres marins, et cela dans un canal étroit, où les coups de vent ne sont pas des zéphirs d’Arabie.

— Ah ! Monsieur, quelle vie terrible ! En demeurant sur ce promontoire, j’ai appris à avoir pitié des marins.

— Vous avez peut-être pitié de nous, mon enfant, quand nous sommes le plus heureux. Neuf marins, sur dix, préfèrent un ouragan respectable à un calme plat. Il y a des moments où l’Océan est effrayant ; mais, au total, il est plus capricieux que méchant. La nuit prochaine promet d’en être une telle que sir Gervais Oakes les aime. Il n’est jamais plus heureux que lorsqu’il entend le vent siffler à travers les cordages de son vaisseau.

— J’ai entendu parler de lui comme d’un commandant très-hardi, et comptant beaucoup sur lui-même. Mais vous, amiral Bluewater, vous ne pouvez avoir le même caractère ; car vous me semblez plutôt fait pour le foyer domestique et pour y rester entouré d’amis et de parents, que pour vivre au milieu des combats et des dangers de la mer.

Mildred n’eut pas besoin alors de faire un effort pour sourire, et elle le fit avec tant de douceur, que le vétéran fut presque tenté de se lever pour la serrer entre ses bras, comme un père presserait une fille chérie contre son cœur. Mais une sage réserve l’empêcha de se livrer à un sentiment qui, tout paternel qu’il était, aurait pu être mal interprété.

— Je crains de n’être qu’un loup couvert de la peau d’un mouton, dit-il car tandis qu’Oakes admet le bonheur qu’il éprouve quand son bâtiment a à lutter contre les vagues soulevées de l’Océan pendant la nuit la plus noire, il m’accuse de trouver mon plus grand plaisir dans un ouragan. Je ne crois pas mériter tout à fait cette imputation, mais je conviens qu’il y a une sorte de jouissance à jouer en quelque sorte un rôle dans la lutte terrible des éléments. Il me semble que je change de nature en de pareils instants, et j’oublie tout ce qu’il y a de doux et de paisible dans le monde. Cela vient de ce que j’ai vécu si longtemps étranger à votre sexe, misérable célibataire que je suis.

— Croyez-vous que les marins doivent se marier ? demanda Mildred avec un sérieux qui la surprit elle-même, et elle ne put s’empêcher de rougir en faisant cette question.

— Je serais bien fâché de condamner toute une profession, et une profession que j’aime tant, à la vie misérable de célibataire. Il y a une espèce de misère qui est particulière aux soldats et aux marins mariés ; mais n’y en a-t-il pas d’autres pour les époux qui ne se séparent jamais ? J’ai entendu des marins, des hommes qui aimaient leurs femmes et leurs enfants, dire qu’ils croyaient que l’espoir de les revoir après une longue séparation, après avoir longtemps désiré le moment de cette réunion, avait rempli leurs années de service actif de sensations plus agréables qu’ils n’en avaient jamais éprouvé pendant les périodes stagnantes de paix. N’ayant jamais été marié moi-même, je ne puis en parler que par ouï-dire.

— Ah ! cela peut être vrai des hommes ; mais sûrement — sûrement — les femmes ne peuvent jamais penser ainsi.

— Je suppose que vous, qui êtes la fille d’un marin, vous savez ce que dit le matelot du credo domestique de sa femme ; un bon feu, un foyer propre, des enfants dans leur lit et le mari sur mer. — C’est ce qui est supposé pour elle le comble de la félicité.

— Tout cela peut être une bonne plaisanterie à bord d’un bâtiment, amiral Bluewater, répondit Mildred en souriant ; mais ce n’est pas une plaisanterie qui peut guérir un cœur brisé. D’après tout ce que j’ai entendu dire ce matin, et le départ soudain de l’escadre, je crains que nous ne soyons à la veille d’une grande bataille.

— Et pourquoi vous, fille d’un officier anglais, craindriez-vous un événement semblable ? Avez vous assez peu de confiance en nous pour supposer qu’une bataille sera nécessairement suivie d’une défaite ? J’ai vu plus d’un combat depuis que je suis au service, miss Dutton et je me flatte d’être un peu au-dessus des rodomontades de ceux qui ne songent qu’à se vanter ; mais il m’est permis de dire que nous n’avons pas coutume de rencontrer l’ennemi sur mer, et de donner à ceux qui sont à terre lieu de rougir du pavillon anglais. Je n’ai pas encore rencontré un Français qui ne manifestât le noble désir de faire honneur à son pays ; j’ai toujours vu qu’il fallait déployer toute notre bravoure pour le combattre avec succès, et le résultat de ces engagements ne m’a jamais désappointé. Jusqu’ici la fortune, ou le talent, ou le bon droit, a été de notre côté, et c’est ce qui a fini par nous assurer l’avantage.

— Et à quoi attribuez-vous, Monsieur, des succès si constants sur mer ?

— Comme protestant, je devrais dire à notre religion ; mais la connaissance que j’ai des vices des protestants ne me le permet pas. — Dire à la fortune, ce serait se rabaisser excessivement, et, entre nous, je crois que cela n’est pas nécessaire. Je pense donc qu’il faut l’attribuer au talent. Uniquement comme marins, je crois que nous en savons plus que la plupart de nos voisins, quoique je sois loin de prétendre que nous ayons un grand avantage sur eux comme tacticiens. Mais si nous avons des égaux, je pense que ce sont les Hollandais.

— Cependant vous semblez tout à fait sûr du succès. Ce doit être un grand encouragement que de commencer à combattre avec une ferme confiance qu’on remportera la victoire. — Je suppose… c’est-à-dire, il me semble… Comme de raison, le nouveau sir Wycherly ne sera pas dans la possibilité de prendre part à cette action ?

Mildred parlait avec timidité, et faisait tous ses efforts pour ne montrer aucun autre intérêt que la curiosité ; mais Bluewater lut au fond de son cœur, et il eut compassion de la peine qu’elle s’était infligée à elle-même en lui faisant une telle question. Il sentit qu’une jeune fille, ayant autant de délicatesse et de sensibilité, n’aurait point parlé si ouvertement du parti que prendrait le jeune officier, si celui-ci avait fait quelque autre chose qui fût véritablement digne de blâme, et cette conviction soulagea son esprit de toute inquiétude sur l’effet qu’avait pu produire sur lui son élévation soudaine à la fortune. Comme il était nécessaire qu’il répondît sur-le-champ à Mildred pour qu’elle ne s’aperçût pas qu’il avait découvert ses sentiments secrets, il ne perdit pas un instant pour lui dire :

— Il n’est pas facile d’empêcher un jeune marin plein d’ardeur, comme sir Wycherly Wychecombe, de jouer son rôle dans un engagement général, et surtout de la nature de celui auquel nous nous attendons. Oakes m’a laissé cette affaire entre les mains, et je suppose que j’aurai à accorder la demande du jeune homme.

— Il a donc demandé à être reçu sur votre bord ? dit Mildred la main lui tremblant en tenant sa fourchette.

— Sans contredit. Personne, portant un uniforme, ne pourrait ni ne voudrait en faire moins. Il semble qu’il doive lui être difficile de quitter en ce moment Wychecombe-Hall ; où je présume qu’il aura bientôt aussi un combat à livrer pour son propre compte ; mais le sentiment de la profession l’emporte sur tous les autres dans un jeune homme ; et parmi nous autres marins, on dit même qu’il est plus fort que l’amour.

Mildred ne répondit rien, mais ses joues pâles et ses lèvres tremblantes, preuves d’un sentiment que son cœur ingénu ne pouvait cacher, firent que Bluewater regretta de nouveau d’avoir fait cette remarque. Pour tâcher de rendre à la pauvre fille son empire sur elle-même, il changea de conversation, et elle ne retomba plus sur Wycherly. Le reste du repas se termina donc avec calme, l’amiral continuant toujours à montrer l’intérêt soudain et généreux que lui avait inspiré sa compagne. Quand ils se levèrent de table, Mildred, alla rejoindre sa mère, et Bluewater retourna sur les rochers.

Le soir était arrivé, et quoique la douceur de l’été fût répandue sur la vaste nappe d’eau qui s’étendait devant les yeux, elle avait cet aspect sombre et mélancolique que le vent et les vagues donnent à l’Océan quand la lumière du jour est sur le point de l’abandonner à l’obscurité de la nuit. Tout cela ne fit aucune impression sur Bluewater, qui savait que des vaisseaux à deux ponts, montés par de bons équipages, et ayant des ris pris dans leurs voiles majeures, passeraient aisément quelques heures de ténèbres qui n’avaient encore rien de bien menaçant. Cependant le vent avait fraîchi, et quand il fut sur le bord du promontoire, son pied rendu plus sûr, et sa tête plus ferme par la brise assez forte qui venait de la mer, et qui semblait vouloir le préserver du danger de tomber dans l’abîme, l’Élisabeth abattait, ayant ses huniers aux bas ris et deux ris à ses basses voiles, et un voile d’étai derrière, pour la rendre plus facile à gouverner. Il vit que ce gros bâtiment fatiguerait, même sous ce peu de voiles, et que le capitaine avait fait toutes ses dispositions pour une nuit orageuse. Les fanaux que le Douvres et l’York portaient à leurs hunes commençaient à se montrer au milieu de l’obscurité croissante, le dernier ayant descendu la Manche d’environ une lieue et demie, et avançant dans cette direction pour gagner au vent ; et le premier étant plus au sud, ce vaisseau ayant déjà viré vent devant pour suivre le vice-amiral. Une chaîne de fanaux réunissait toute cette longue ligne, et procurait aux capitaines des moyens de communication. En ce moment, le Plantagenet était au moins à cinquante milles en avant, labourant la mer à travers une forte houle du sud-ouest, que le vent, venant dans la direction de la baie de Biscaye et de l’Atlantique, poussait dans la Manche.

Bluewater boutonna son habit, et sentit ses membres prendre une nouvelle vigueur, frappés du vent qui arrivait chargé de l’odeur particulière à la mer. Il ne restait plus que deux vaisseaux à l’ancre dans la rade, le Dublin et le César, et son œil clairvoyant remarqua que le capitaine Stowel avait tout préparé à bord du dernier pour pouvoir lever l’ancre et mettre à la voile aussitôt qu’il en recevrait l’ordre. En ce moment le jeune midshipman, qui avait été absent quelques heures, revint sur le promontoire, et resta debout à côté du contre-amiral.

— Ce sera bientôt notre tour, amiral, dit l’ardent jeune homme et quant à moi, je ne serai pas fâché de me retrouver en mouvement. Ces chalands, à bord du Plantagenet, seraient gonflés d’orgueil comme des Dons, s’il leur arrivait de pouvoir lâcher une bordée à M. de Vervillin, tandis que nous sommes ici à l’ancre, près du rivage, comme un yacht de plaisance amarré dans une baie pour que les dames puissent dîner sans inconvénient pour leur estomac.

— Cela n’est guère à craindre, Geoffrey. L’Actif a le pied trop léger, surtout par le beau temps que nous avons eu, pour se laisser marcher sur les talons par de grands bâtiments. Il devait avoir quinze à vingt milles d’avance, et les Français ont été obligés de doubler le cap de la Hogue et l’île d’Alderney avant de pouvoir même jeter un coup d’œil de ce côté. S’ils descendent la Manche, ils sont au moins à cinquante milles à l’est ; et si notre avant-garde s’est avancée assez loin demain matin pour les dépasser, cela nous mettra joliment au vent. – L’Élisabeth ne manque pas de besogne, Geoffrey, et le vent semble lui refuser. S’il continue à lui refuser ainsi, à force de laisser arriver, elle finira par recevoir le flot par la joue du vent, ce qui l’obligera de prendre les amures sur l’autre bord. Cela jettera la contusion dans l’arrière de notre ligne.

— Et que ferions-nous en pareil cas, amiral ? Nous ne pourrions jamais laisser le pauvre sir Jarvy se tirer d’affaire comme il le pourrait.

— Nous tâcherions de ne pas faire cela, répondit Bluewater, souriant de l’inquiétude affectueuse du jeune homme, inquiétude qui lui avait fait oublier un instant son respect habituel pour le commandant en chef, en adoptant le sobriquet par lequel on le désignait sur l’escadre. Dans un cas semblable, mon devoir serait de rassembler autant de vaisseaux qu’il me serait possible, et de les conduire, avec toute la vitesse que les circonstances permettraient, vers l’endroit où nous pourrions espérer de trouver les autres demain matin. Il y a peu de danger que des bâtiments se perdent longtemps de vue dans une mer si étroite, et je ne crains guère que les Français soient assez avancés vers l’ouest pour qu’ils puissent rencontrer nos premiers vaisseaux avant le jour. Mais si cela arrivait…

— Oui, si cela arrivait, je sais bien ce qu’il en résulterait.

— Eh bien, en supposant que M. de Vervillin rencontre sir Gervais au point du jour, quelles paraissent devoir en être les suites, aux yeux de votre expérience ?

— Sir Gervais s’élancerait sur lui comme un dauphin sur un poisson volant, et s’il lui arrivait de prendre un ou deux de ses bâtiments, il ne serait plus possible aux Césars de voguer de conserve avec les Plantagenets. Lors de la dernière affaire avec M. de Gravelin, ils étaient aussi orgueilleux que des paons, parce que nous n’avions attaqué que lorsqu’ils avaient déjà perdu leurs vergues de misaine et leur mât de perruche, quoique le changement de brise nous eut portés positivement sous le vent ; et, après tout, onze hommes sur notre bord furent ceux qui reçurent les blessures les plus dangereuses sur toute l’escadre. Vous ne connaissez pas ces Plantagenets, amiral ; ils n’osent pas ouvrir la bouche devant vous.

— Ni mal parler de mes jeunes Césars, j’en réponds. Cependant vous devez vous rappeler que sir Gervais nous rendit pleine justice dans sa dernière dépêche.

— Oh ! sans contredit, amiral ; sir Gervais sait trop bien comment il doit se conduire. D’ailleurs, il sait ce qu’est le César ; ce qu’il peut faire et ce qu’il a déjà fait. Mais il n’en est pas de même de ses jeunes gens : ils s’imaginent que, parce qu’ils portent un pavillon rouge à leur mât de misaine, chacun d’eux est un Blake ou un Howard. Il y a Jack Oldcastle, par exemple ; il est toujours à parler de nos midshipmen comme s’il n’y avait pas une goutte de sang marin dans leurs veines, et cela parce que son père a été capitaine, — commodore, comme il dit, attendu qu’il lui est arrivé d’avoir une fois le commandement de trois frégates.

— Eh bien, il était véritablement commodore dans cette occasion. — Mais sûrement il ne réclame pas la préséance pour le sang des Oldcastle sur celui des Cleveland ?

— Oh ! non, ce n’est pas cela du tout, répondit le jeune homme, rougissant un peu en dépit de son mépris pour une telle marque de faiblesse féminine. — Vous savez que nous ne parlons jamais de pareilles fadaises dans notre escadre. Il n’est jamais question pour nous que du service. Jack Oldcastle dit que tous les Cleveland ont servi l’état dans l’ordre civil, ou dans l’armée de terre, ce qui ne vaut guère mieux, comme vous le savez. Or je lui dis, moi, que nous avons le portrait d’un de nos ancêtres qui vivait longtemps avant la reine Anne, peut-être sous le règne d’Élisabeth, et qui y est représenté avec un habit dont les boutons portent une ancre. Et je ne manque pas non plus de lui citer les Hedworth car je suis un Hedworth aussi bien qu’un Cleveland.

— Et que répondit l’impudent à tout cela, Geoffrey ?

— Il me dit que ce dernier nom devait s’écrire Headwork[1], attendu que tous ceux qui l’avaient porté avaient été hommes de loi. Mais je lui répliquai de manière à lui donner la monnaie de sa pièce, soyez-en bien sûr.

— Et comment vous y prîtes-vous pour riposter à ce compliment ? Lui dîtes-vous que les Oldcastle[2] étaient des vieilles pierres, du vieux bois et du vieux fer ?

— Non, non, amiral, répondit le jeune homme en riant, je ne pensai pas à une réponse si spirituelle à beaucoup près ; je lui allongeai seulement un bon coup de poing sur le nez, et cela de tout cœur.

— Et comment reçut-il cet argument ? Fut-il concluant, on la discussion continua-t-elle ?

— Elle continua, et nous eûmes une bataille en bonne forme. C’était à bord du Douvres, et le premier lieutenant veilla lui-même à ce que tout se passât dans les règles. Jack portait trop de canons pour moi, car il est mon aîné de plus d’un an ; mais mes bordées se suivaient de si près qu’il déclara bientôt qu’il en avait assez, et convint que c’était une besogne plus rude que de subir la punition de passer quelques heures au haut du grand mât. Après cela, les jeunes gens du Douvres prirent mon parti, et dirent qu’aucun Hedworth ne s’était jamais occupé de headwork, mais qu’ils avaient tous été régulièrement marins, amiraux, capitaines, lieutenants et midshipmen, comme nous le sommes tous. Je leur dis que mon aïeul Hedworth avait été amiral, et amiral estimé.

— Vous avez commis en cela une petite méprise, Geoffrey. Le père de votre mère n’était que général dans l’armée de terre ; mais son père était amiral de l’escadre rouge, et un meilleur officier ne marcha jamais sur un gaillard d’arrière. Il était frère de ma mère, et sir Gervais et moi nous servîmes sous ses ordres. C’était un marin dont vous pouvez être fier de descendre.

— Je ne crois pas qu’aucun des Plantagenets s’avise jamais de me donner la chasse à ce sujet ; car, nous autres Césars, nous avons fait une revue régulière de nos ancêtres, et nous voyons que nous pouvons compter dans nos deux tables quatre amiraux, deux commodores et treize capitaines, en les prenant dans tous les degrés de parenté, bien entendu.

— Eh bien, mon cher enfant, j’espère que vous vivrez assez pour compter tout cela et encore davantage en vos propres personnes quelque jour à venir. Voici Reginald Wychecombe qui, à ma grande surprise, vient de ce côté, et il désire peut-être me parler tête à tête. Allez vous informer si ma barge est arrivée, et ayez soin de m’en avertir à temps. Souvenez-vous que vous partez avec moi. Tâchez de trouver sir Wycherly Wychecombe, et dites-lui qu’il perdra son passage s’il n’est pas prêt au moment nécessaire.

Le jeune homme porta la main à son chapeau, et descendit du promontoire pour exécuter ces deux ordres.


  1. Head-work signifie travail de tête.
  2. Old castle signifie vieux château.