Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie II/Chapitre CXXXVI

CHAPITRE CXXXVI.


Comment le roi d’Angleterre vint à Calais et s’entrefêtoient chacun jour les deux rois ; et comment autres lettres de la paix furent faites et scellées des deux rois.


Ainsi demeura le roi de France à Calais, du mois de juillet jusques en la fin du mois d’octobre. Quand ces choses furent si approchées que le paiement fut tout pourvu, si comme ci-dessus est dit, et venus à Saint-Omer ceux qui devoient entrer en hostagerie pour le roi de France, le roi d’Angleterre, informé de toutes ces choses repassa la mer à grand’quantité de seigneurs et de barons et vint de rechef â Calais[1]. Là eut grands parlemens de l’une partie et de l’autre, du conseil des deux rois, qui par l’ordonnance de la paix s’appeloient frères. Là furent derechef lues, avisées et bien examinées les lettres de la paix, à savoir si rien y avoit à mettre ni à ôter, ni nul article à corriger. Et tous les jours donnoient les deux rois à dîner l’un à l’autre et leurs enfans, si grandement et si étoffément que merveilles seroit à penser ; et étoient en reviaulx et récréations ensemble si ordonnément, que grand’plaisance prenoient toutes gens au regarder ; et laissoient les deux rois leurs gens et leur conseil convenir du surplus. Si que entr’eux il fut là avisé et regardé, pour le meilleur et pour la plus grand’sûreté, que autres lettres comprenant tous les articles de la paix fussent écrites et scellées des deux rois présens et leurs enfans. Et pour ce que le certain arrêt de la paix venoit et descendoit du roi d’Angleterre, ces lettres qui furent là faites disoient ainsi[2].

  1. Le roi d’Angleterre arriva à Calais le 9 octobre.
  2. La pièce qu’on va lire n’est point, comme Froissart semble l’annoncer, la véritable charte de la paix avec les corrections qui y furent faites à Calais ; ce sont, ainsi que le porte le titre, les lettres de confédération et d’alliances auxquelles les deux rois s’étaient engagés par le traité. Rymer a publié les mêmes lettres données par le roi Jean à Boulogne le 26 octobre. Elles ne diffèrent de celles-ci que par les noms du prince et de ceux qui jurent avec lui l’observation des alliances. On y trouve aussi le traité de paix corrigé et ratifié par les deux rois le 24 octobre.