Les Chants du bivouac/Mes Claironnées

Texte établi par Avec une préface de M. Maurice BarrèsLibrairie Payot et Cie (p. 7-10).


MES CLAIRONNÉES














 


 

MES CLAIRONNÉES

N’attendez pas que je vous plaigne
Fiers soldats, rudes matelots ;
Que, sur votre sort ma voix geigne
Avec de sombres trémolos ;

N’attendez pas, mes camarades,
Que j’aille amollir votre ardeur
Par de vaines jérémiades
Qui ne me viendraient pas du cœur

Le vin tiré, reste à le boire :
Le nôtre est tiré, compagnons !
Buvons-le vite à la victoire
Finale de nos bataillons !


Nous n’avons pas cherché la guerre,
Mais, vingt dieux ! puisqu’on nous la fait,
Nous ne nous arrêterons guère
Que Guillaume à jamais défait.

Quand l’Alsace criait : « À l’aide ! »
Sous la botte de ce larron,
Petit sergent de Déroulède
J’ai, vingt ans, sonné du clairon ;

Et, jusqu’à ce que l’on m’égorge,
Tant bien que mal — même râlant —
Je veux sonner à pleine gorge
Comme Déroulède et Roland ;

Et ma chanson, alerte et pure,
Rythmant votre sublime essor
Ne s’arrêtera — je le jure —
Que vous triomphants… ou moi mort !

(Pont-Aven, 4 août.)