Les Chansons des trains et des gares/Les gants du contrôleur

Édition de la Revue blanche (p. 15-16).


LES GANTS DU CONTRÔLEUR


Des gens sont spécialement employés
À pratiquer de petits trous dans les billets,
Et qui, pour les besoins du contrôle s’enquièrent,
Surgissant tout à coup au cadre des portières,
De l’âge exact du petit Pierre :
— Il est du quatorze janvier.
Comptez ce que cela peut faire ; —
Mais si vraiment la jeune Anna
N’a
Que six ans et trois mois, — (Monsieur, pas davantage !…) —
La fillette est grande, oui-da,
Pour son âge !… —
(L’enfant tient cela de son père.) —


Au plus fort de l’hiver comme au cœur de l’été,
Ces messieurs sont toujours soigneusement gantés,
Avec des gants de couleurs sombres :
Et je croyais, dans ma simplicité,
Que pareil luxe était nécessité
Par leur souci de se conduire en gens du monde.

Mais on m’a dit que le contrôleur craint,
Aux poignées des compartiments, que son devoir
Est d’ouvrir, et que le charbon a rendues noires,
Craint simplement de se salir les mains ;
(Entre nous, tout porte à le croire.)

Si le motif est celui qu’on allègue,
Ne vous semble-t-il point qu’il serait fort galant
Que quelque Compagnie eût des contrôleurs nègres,
Soigneusement gantés de blanc ?