Les Chansons des trains et des gares/Dans le petit jardin du garde barrière

Édition de la Revue blanche (p. 12-14).


DANS LE PETIT JARDIN DU GARDE-BARRIÈRE


Dans le jardin du garde-barrière, —
Jardin qui n’est
Qu’un jardinet,
Où de parties de tennis et de croquet
Difficilement se pourraient faire :
(Mais ce ne sont pas là des jeux de garde-barrière) —
Dans le petit jardin du garde-barrière,
Poussent des pois, des carottes, et des navets,
Et,
Et autres plantes potagères.


Quelle satisfaction, le soir :
Le train passé s’enfuit et fume…
Pour la bonne soupe que parfument
Des choux à soi, d’autochtones légumes,
Hardi, hardi l’arrosoir !…

Et la famille tout entière
Interroge, l’œil anxieux, la cloche de verre,
Où, majestueux, se prépare,
— Problème, espoir, — le melon, dont
On projette de faire don,
Très diplomatiquement, au chef de gare.

Et puis, et puis,
Il y a aussi le petit coin bordé de buis,
Où sont les fleurs :
Admirez les jolies pensées,
Pieusement et copieusement arrosées,
Avec ardeur, le cœur rêveur,
Par la fille aînée, fiancée
Au jeune et vaillant aiguilleur…


C’est là que les grands tournesols,
Rongés d’une ambition folle,
Regardent, jaunes de dépit,
La gare, dont les feux, là-bas, brillent dans la nuit,
Et les attristent, —
Eux qu’éternellement poursuit,
(Bisque !… bisque !…)
Cette idée fixe :

Être un disque ! —