Les Caquets de l’Accouchée/Introduction

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INTRODUCTION.

L’ouvrage dont nous donnons une édition complète, revue sur les originaux, est une des satires les plus remarquables du dix-septième siècle. Publiés pour la première fois dans le cours de l’année 1622, par petits cahiers de quelques feuillets, les Caquets de l’Accouchée furent, dès l’année suivante, réunis dans un seul volume, dont il y eut plusieurs éditions, sous le titre de Recueil général des Caquets de l’Accouchée1.

Pendant le cours du dix-huitième siècle, ce livre n’a jamais cessé d’être fort apprécié des bibliophiles, qui payoient très cher les exemplaires bien conservés des éditions originales. De nos jours, les Caquets de l’Accouchée ont conservé la même valeur, et, cette fois, l’engoûment des amateurs peut se justifier : ce n’est pas seulement la rareté de l’ouvrage, c’est encore l’esprit qu’on y trouve, qui les pousse à se le procurer. Voyons d’abord ce qu’il faut entendre par Caquets de l’Accouchée.

§ I. — Caquets de l’Accouchée.

Au moyen âge, la naissance d’un enfant étoit entourée de soins et de cérémonies qui n’existent plus maintenant. Chez les grands et chez les riches, on se préparoit à cet événement solennel par des attentions touchantes qui se rattachoient aux croyances et aux superstitions de cette époque. La chambre de la gisante étoit tendue des étoffes et des tapisseries les plus belles ; une petite couchette, connue encore de nos jours sous le nom de lit de misère, étoit placée auprès du grand lit nuptial ; un bon feu brûloit incessamment dans la vaste cheminée ; des linges de toutes sortes, tirés des grands bahuts, séchoient à l’entour. Dans certaines provinces, on mettoit devant la cheminée une petite table couverte de linge très fin ; sur cette table, trois coupes, un pot de vin ou d’hippocras, trois pains de fleurs de farine et deux flambeaux qui restoient allumés durant la nuit. Ce repas frugal étoit destiné aux fées, qui, d’après les croyances, devoient venir répandre leurs dons sur le nouveau-né. On lit dans le roman de Guillaume au Courtné, qui remonte à la seconde moitié du XIIe siècle :

« Il y avoit alors en Provence, et dans plusieurs autres pays, une coutume qui consistoit à placer sur la table trois pains blancs, trois pots de vin, et trois hanaps ou verres à côté ; on posoit le nouveau-né au milieu, puis les matrones reconnoissoient le sexe de l’enfant, qui ensuite étoit baptisé.

« Le fils de Maillefer fut donc ainsi exposé, et les matrones, après l’avoir vu, s’éloignèrent. Tout dormoit dans la chambre quand cette aventure eut lieu. Le temps étoit beau, la lune brillante. Alors trois fées entrèrent, prirent l’enfant, le réchauffèrent, le couvrirent et le placèrent dans son berceau. Prenant ensuite le pain et le vin, elles soupèrent, et chacune d’elles fit au nouveau-né présent d’un beau souhait2. »

Dans un ouvrage de la fin du quinzième siècle intitulé les Honneurs de la Cour, on trouve des détails précieux sur le même sujet. Aliénor de Poitiers, vicomtesse de Furnes, auteur de cet ouvrage, parle des cérémonies et des usages observés à la cour et dans la noblesse au moment des couches, du baptême et des relevailles.

« J’ai vu, dit-elle, plusieurs grandes dames faire leurs couches à la cour ; elles avoient un grand lit et deux couchettes, dont l’une étoit à un coin de la chambre, et l’autre devant le feu. La chambre étoit tendue de tapisseries à verdure ou à personnages, mais les rideaux du lit et le ciel étoient de soie, les couvertures du grand lit et des couchettes fourrées de menu vair ; le drap étoit de crêpe bien empesé ; le dressoir, à trois degrés, tout chargé de vaisselle : on l’éclairé avec deux grands flambeaux de cire, on garnit d’un tapis de velours le plancher de la chambre ; les oreillers du grand lit et des couchettes doivent être de velours ou de drap de soie, aussi bien que le dais du dressoir ; à chaque bout de ce dressoir, il faut placer un drageoir tout plein, couvert d’une serviette fine. Les femmes de simples seigneurs bannerets ne devroient pas avoir de couchette devant le feu ; toutesfois, depuis dix ans, quelques dames du pays de Flandres l’y ont eue. L’on s’est moqué d’elles, et avec raison, car du temps de Madame Isabelle, nulle ne le faisoit ; mais aujourd’hui, chacun agit à sa guise. Aussi est-il à craindre que tout n’aille mal, car le luxe est trop grand, comme chacun dit.

« Dans la chambre d’une accouchée, le plus grand prince du monde s’y trouvât-il, nul ne peut servir vin ou épices, excepté une femme mariée. Si quelque princesse vient rendre visite à la malade, c’est à la première dame d’honneur de sa suite qu’il appartient de lui présenter le drageoir3. »

De chez les grands, une partie de ces usages ne tarda pas à se répandre chez les bourgeois des bonnes villes devenus riches et puissants. Christine de Pisan, cette femme poète, historien de Charles V, a parlé, dans son livre du Trésor de la Cité des Dames, du luxe étalé par les bourgeoises, et principalement par celles de Paris. « Ce n’est pas, dit-elle, aux marchands de Venise ou de Gennes, qui vont oultre-mer et dans tous les pays du monde, qui ont leurs facteurs, achettent en gros et font grands frais, que ces remontrances s’adressent : ceux-là envoyent leurs marchandises dans toutes les contrées, amassent de grandes richesses, et sont appelés nobles marchands ; mais la femme dont je veux parler achette en gros et vend au détail pour quatre sous de denrées, si besoin est, quoique très riche. Il n’y a pas longtemps qu’elle fut en couche. Avant de parvenir à sa chambre, on passoit par deux autres chambres très belles, où se trouvoient des grands lits richement encourtinés ; dans la seconde chambre, un grand dressoir étoit couvert, comme un autel, de vaisselle d’argent ; de là, on entroit dans la chambre de l’accouchée. Cette chambre étoit grande et belle, toute tendue de tapisserie faite à la devise de la dame, ornée très richement de fin or de Chippre ; le lit, grand et beau, encourtiné d’un riche parement ; les tappis tout alentour sur lesquels on marchoit étoient d’étoffe d’or ; les grands draps de parement qu’on appercevoit par dessous la couverture étoient d’une toile de Reims si fine, qu’on la prisoit plus de trois cents francs ; par dessus cette couverture, toute tissue d’or, étoit un grand drap de lin, aussi delié que soye, tout d’une pièce et sans couture, ce qui est une invention nouvelle et d’un grand prix, qu’on estimoit plus de deux cents francs. Ce drap étoit si grand et si large, qu’il couvroit de tous côtés le grand lict de parement, et passoit les bords de la couverture. Dans cette chambre de l’accouchée, il y avoit un grand dressoir tout paré, couvert de vaisselle dorée. Dans ce beau lit étoit la gisante accouchée, vêtue d’une grande robe de soye cramoisie, appuyée sur des oreillers de soye pareille, ornés de gros boutons en perles. Dieu sait les dépenses superflues en fêtes, bains, qui, suivant les usages de Paris, eurent lieu pendant ces couches ! Elles furent tellement extraordinaires, qu’elles méritent d’être citées dans un livre. Il en fut parlé dans la chambre de la reine, et, à cette occasion, quelques uns dirent que les gens de Paris avoient trop de sang ; qu’il seroit bon que le roi les chargeât de certains impôts, afin que leurs femmes n’allassent plus se comparer, par leur luxe, à la reine de France4. »

Au milieu du XVe siècle, il y avoit déjà longtemps que l’usage étoit établi parmi les bourgeoises de Paris et des autres bonnes villes de se rendre visite pendant que l’une d’entre elles étoit en couches. Cet usage avoit donné lieu à des abus qui n’ont pas échappé à la verve railleuse des écrivains satiriques de ce temps. Le premier en date est l’auteur des Quinze joyes de Mariage. Voici en quels termes il a signalé ces abus dans le troisième chapitre de son livre : « Or approche le temps de l’enfantement ; il faut que le mari cherche les commères, les nourrices et les matrones, suivant le bon plaisir de la dame. Or il a grand souci de rassembler toutes ces commères, qui boiront du vin autant comme il en contiendroit dans une botte. Or double sa peine, or se voue la dame en sa douleur à plus de vingt pelerinages, et le pauvre homme aussi la voue à tous les saints. Les commères arrivent de toutes pars. Or convient que le pauvre homme face tant qu’elles soient contentes. Les dames et les commères parlent, plaisantent, disent de bonnes choses et prennent de l’aise, quiconques en ait la peine et quelque temps qu’il fasse. S’il pleut, gelle ou grèle, et que le mari soit dehors, l’une d’elles pourra bien dire : Helas ! mon compère, qui est dehors, a maintenant beaucoup de mal à endurer. Mais une autre repond qu’il est bien heureux. S’il arrive que quelque chose deplaise à ces commères, une d’elles ira dire à l’accouchée : Vraiment, ma commère, je m’emerveille bien, ainsi que toutes mes commères qui sont ici, de ce que votre mari fait si peu de compte de vous et de votre enfant. Regardez ce qu’il feroit si vous en aviez cinq ou six ! On voit bien qu’il ne vous aime guères, et cependant vous lui avez fait en l’épousant plus d’honneurs qu’il n’en advint jamais à nul homme de son lignage. — Par mon serment, dit une autre, si mon mari agissoit ainsi, j’aimerois mieux qu’il n’eût œil en tête, etc., etc., et tant d’autres discours du même genre5. »

À la fin du chapitre, l’auteur représente le pauvre mari contraint de donner à dîner aux bonnes commères et de les festoyer. « Il y travaille bien, dit-il, et il y mettra moitié plus qu’il ne se l’étoit proposé, afin d’obeir aux désirs de sa femme. Bientôt arrivent les commères ; le bonhomme va au devant d’elles et leur fait bon visage. Il est sans chapperon, va, vient par la maison, et semble fou, bien qu’il ne le soit guères. Après avoir presenté les commères à sa femme, il les conduit dans la salle pour les faire manger. Elles dejeunent, elles dînent, elles mangent à se rassasier ; elles portent la santé maintenant au lit de la commère, maintenant à la cave du patron, et gaspillent plus de denrées et de vins qu’il n’en tiendroit dans une botte. Le pauvre homme, qui a tout le souci, se lève bien souvent pour voir combien il reste de vin, qui coule beaucoup trop vite. Les commères le taquinent : l’une lui dit un brocard, l’autre lui jette une pierre dans son jardin. Bref, tout se depense. Les commères, bien repues, bien joyeuses, s’en vont en se moquant, peu soucieuses de l’avenir du pauvre homme. »

Guillaume Coquillart, official de l’église de Reims, qui fut un des poètes satiriques les plus hardis de la seconde moitié du XVe siècle, trace un tableau comique et peu flatteur des caquets de l’accouchée. Son langage est très libre et ne se ressent pas du caractère sacré dont l’auteur étoit revêtu. Seulement, il emprunte au sacrifice de la messe et aux prières de l’église ses termes de comparaison. « Au chevet du lit, dit-il, il y a un benitier tout rempli d’eau bénite de cour. Une des commères commence les leçons, une autre chante les réponses. Dans cette messe il y a préface, mais de Confiteor jamais. » Puis il cite quelques uns des caquets en termes assez crus, que nous croyons inutile de reproduire ici6.

Un autre poète de la même époque, religieux bénédictin, parle aussi contre les caquets de l’accouchée, mais dans un langage plus mesuré. Jean du Castel, chroniqueur de France, abbé de Saint-Maure, fils de Christine de Pisan, dans son Miroir des Pécheurs, décrit en ces termes la chambre d’une accouchée : Il y a là caquetoire paré, tout plein de fins carreaux pour asseoir les femmes qui surviennent, et près du lit une chaise ou faudesteuil garni de fleurs. L’accouchée est dans son lit, plus parée qu’une épousée, coiffée à la coquarde, tant que diriez que c’est la tête d’une marote ou d’une idole. Au regard des brassières, elles sont de satin cramoisi, paille ou blanc, de velours ou de toile d’or et d’argent, que les femmes excellent à choisir. Elles ont colliers autour du cou, bracelets d’or, et sont plus couvertes de bijoux que des idoles ou des reines de cartes ; leur lit est garni de draps de Hollande ou de toile de coton de la plus grande finesse, et si bien apreté que pas un pli ne passe l’autre ; le bois est taillé à l’antique et orné de marqueteries et de devises7. »

Gratien du Pont, au commencement du seizième siècle, dans son poème satirique contre le sexe féminin, a tracé un tableau du même genre ; seulement, il y ajoute plusieurs détails qui appartiennent à l’époque où il écrivoit. En reproduisant les discours que les muguettes ou femmes à la mode avoient entre elles, il leur fait tenir ces propos : « Helas ! commère, avez-vous vu la pompe et la braguerie d’une telle, qui est en couche ? C’est une vraie moquerie : elle a deux lits, la popine accouchée ! et celui qu’elle occupe est admirablement dressé, un lit à l’antique peint d’or et d’azur, incrusté de nacre. Près d’elle est un muguet, beau parleur et poëte ; un prothonotaire qui entretient la dame de ses beaux discours. Il est assis sur une des chaises de drap d’or ou de soie qui parent la chambre au nombre de cinq ou six. La couchette, et même la chambre, sont tendues de même étoffe ; enfin cette chambre, toute parfumée, est aussi riche que celle d’une duchesse ou d’une reine. L’accouchée est vêtue d’un corsage d’un fin drap d’or, fourré de martre, qu’elle change chaque dimanche. Des musiciens, joueurs habiles de toutes sortes d’instruments, font entendre une si douce mélodie, qu’on désireroit les écouter sans cesse. De plus, on se divertit par des danses de tous les genres8. »

Un poète de la même époque, Roger de Collerye, dans un dialogue composé l’année 1512, parle aussi du luxe des accouchées, de leurs colliers, de leurs riches accoutrements, et les représente pompeuses et rogues comme les figures du portail d’une église9. Cette mode avoit aussi frappé le satirique par excellence, Henry Estienne ; il dit : « qu’on avoit donné à Paris le nom de caquetoires aux siéges sur les quels estans assises les dames (et principalement si c’estoit autour d’une gisante), chacune vouloit monstrer n’avoir point le bec gelé10. » De même Estienne Pasquier, dans ses Ordonnances d’amour, n’oublie pas de parler des caqueteuses qui bourdonnoient autour du lit des accouchées. En sage législateur qui permet ce qu’il ne peut empêcher, il leur donne licence pour toutes sortes de commérages11.

Courval Sonnet, poète satirique assez connu, dont les œuvres ont été publiées cette même année, 1622, où parurent les premiers Caquets de l’accouchée, fait allusion, dans une pièce dirigée contre le mariage, au luxe déployé par les femmes dans cette circonstance :

Les toilettes de nuict et les coiffes de couche,
Brassières de satin, quand Madame est en couche,
Sans oublier encor les coiffes de velours,
La robbe de damas avec tous ses atours12.

Enfin, Coulange, dans une de ses chansons, célèbre le vieux lit où ses aïeules faisoient leurs couches et en recevoient compliment13.

§ II. — Recueil général des Caquets de l’Accouchée.

On a pu juger, d’après les détails précédents, que la fable imaginée par l’auteur des Caquets de l’Accouchée est excellente et empruntée aux vieux usages de la bourgeoisie parisienne. Voyons comment elle est mise en œuvre. L’auteur suppose que, relevé naguère d’une grande maladie, il va consulter deux médecins différents d’âge et d’humeur, afin de savoir quel régime il doit suivre pour retrouver toute sa santé. Le plus jeune lui donne le conseil de s’en aller souvent à sa maison des champs, de s’y livrer au jardinage, de boire un peu de vin clairet, puis de remonter sur sa mule et de s’en revenir souper à Paris. Le plus vieux l’engage à se rendre souvent à la comédie, ou bien, s’il le préfère, à chercher une parente, une amie ou une voisine récemment accouchée, à lui demander la permission de se glisser dans la ruelle de son lit, afin d’y écouter tous les propos tenus par les commères réunies autour de l’accouchée. Ce dernier conseil est celui qui sourit le plus à notre auteur. Dès le lendemain il s’empresse de le mettre à exécution. Il s’en va donc rue Quincampoix, autrement dit rue des Mauvaises-Paroles, chez une de ses cousines, où il est bientôt installé sur une chaise tapissée, caché sous les rideaux de la ruelle. « Incontinent après, à une heure attendant deux, arrivèrent de toutes parts toutes sortes de belles dames, damoiselles, jeunes, vieilles, riches, mediocres, de toutes façons, qui, après avoir faict le salut ordinaire, prindrent place chacun selon son rang et dignité, puis commencèrent à caqueter comme il s’ensuit. » (P. 12.) La scène ainsi décrite, l’auteur y introduit ses personnages, qui viennent tour à tour y débiter le rôle qu’il leur prête.

Dans la première journée, l’auteur passe en revue différentes classes de la bourgeoisie parisienne : les officiers de justice, tels qu’avocats, procureurs, notaires au Châtelet ; les officiers municipaux, tels que le prévôt des marchands, les échevins et autres ; les partisans, les prêteurs sur gages, les financiers, sont mis tour à tour sur la sellette, et assez maltraités. L’auteur ne craint pas de dire le nom des usuriers, des enrichis célèbres de cette époque. Il lance plusieurs traits acérés aux partisans de la réforme, contre lesquels il écrira plus loin une page très éloquente. Il excelle à faire tenir aux acteurs qu’il met en scène un langage en harmonie avec leur caractère, et disposé de telle sorte qu’ils se chargent de faire leur propre satire. Dans ce genre, rien de plus ingénieux que le récit de la marchande qui le matin même avoit veudu la robe de noce à la fiancée d’un petit trésorier de province. (Voir plus loin, p. 17.)

La seconde journée est principalement consacrée aux affaires de la politique et de la religion. L’auteur parle en termes assez durs du connétable de Luynes et de ses deux frères. Il cite quelques vers injurieux qui couroient contre le premier (p. 66). Au sujet de la chute rapide du marquis d’Ancre et du connétable de Luynes, une dame de la cour tient ce propos : « Pour trois pelerins qui alloyent en Emaüs, on vit aussitost naistre quatre evangelistes dans le conseil. » (P. 67.) Les trois pèlerins d’Emaüs, ce sont les frères de Luynes, ainsi qu’on peut le comprendre d’après ce qui est dit plus haut ; mais les quatre évangélistes, qui sont-ils ? Henri, IIe du nom, prince de Condé, en est un bien certainement, puisque la dame de cour ajoute : « Maintenant on ne faict plus rien que par l’advis de M. le prince de Condé, etc. » (P. 67.) Mais quels sont les trois autres évangélistes ? C’est une question qui, pour être complétement résolue, nous entraîneroit un peu loin ; nous nous contenterons de la signaler.

Quant aux affaires de la religion, elles avoient assez d’importance en 1622 pour exercer la langue de nos commères. L’auteur débute par quelques détails sur les réjouissances qui eurent lieu dans Paris au sujet de la canonisation de sainte Thérèse ; puis, après avoir parlé des Cordeliers, des Carmélites, des pères de l’Oratoire et des Jésuites, il met en scène une vieille bourgeoise chaperonnée à l’antique, qui, interpellant une réformée, fait observer qu’elle a lu Calvin, Clément Marot et Bèze, et une infinité de grands philosophes. « Mercy de ma vie, reprend la religionnaire piquée au vif, oui, je les ai lus ; qu’en voulez-vous dire, vieille sans dents ? Continuant ce propos, elle déclare que les gens de sa secte ne cherchent que concorde, fraternelle amitié, et ne veulent que réformation. — C’est bien à faire à vous de nous reformer ! reprend la vieille ; il y a douze cens ans que la France a quitté son erreur pour s’enroller sous les drappeaux de la vraye eglise ; et aujourd’huy une femme voudra la reformer ! Il ne faut qu’un Calvin, qu’un Luther, et deux autres moines reniez et appostatz pour faire refleurir l’ancienne majesté de l’Eglise ! »

Ici l’auteur interrompt cette vive querelle pour lancer contre les réformés un trait d’autant plus vif qu’il est inattendu. « Un petit chien, dit-il, qu’une certaine damoiselle de la ruë S.-Paul portoit pour passe-temps, entendant parler de Calvin, leva sa teste, croyant qu’on l’appellast, car c’estoit son nom, ce qui fust assez remarqué de la compagnie ; mais sa maistresse le resserra sous sa cotte, de peur de faire deshonneur aux saintz. » Puis, reprenant son propos, il fait tenir à la vieille bourgeoise ce discours : « D’où sont venues toutes les guerres civilles qui ont miné et deserté toute ceste monarchie depuis quatre-vingt ou cent ans ? Vostre religion n’a-t-elle pas allumé le feu aux quatre coins de la France ? N’avons-nous pas vu, au moins mon père me l’a dit cent fois, depuis l’avenement du roy Henry II à la couronne jusqu’à maintenant, tout ce royaume bouleversé pour vostre subjet ? On vous a veu naistre tous armez comme les gens d’armes de la Toison-d’Or, que Jason deffit ; à peine eustes-vous sucé la doctrine impie de Calvin et de Luther, que vous minutastes dès lors la ruine de ceste couronne. N’avez-vous pas fait des extorsions estranges où vostre fureur et vostre rage a peu avoir le dessus ? Combien de provinces, de villes, de bourgades et de bonnes maisons ont été ruinées par vos partisans ! La Guienne, le Languedoc, les plaines de Jarnac, de Moncontour, de Dreux, et une infinité de fleuves, sont empourprés de sang, et jamais, toutesfois, la fortune ne vous a esté favorable en toutes les rencontres et batailles qui se sont données contre vous ; le Ciel n’a jamais secondé vos monopoles ; vos gens y ont tousjours laissé les bottes, et aujourd’huy il y en a entre vous de si acharnez qu’ils en recherchent les eperons. Il s’agissoit alors de la religion, c’estoit à vous à vous deffendre ; mais maintenant que le roy veut proteger tous ses sujets en paix, sous l’authorité de ses edits…, ceux de la religion luy ferment les portes, font des assemblées et monopoles contre son service, tranchent du souverain en leurs factions, disposent des provinces et deniers royaux, constituent gouverneurs où bon leur semble, partagent tout ce royaume à leur volonté, bref, se persuadent que la France ne doive plus respirer que par leur moyen. Vous voilà tantost à la fin de la carrière. Le Roy tient le haut bout. Plusieurs viendront collationner en Grève pour aller soupper en l’autre monde. » (P. 85.)

On nous pardonnera cette citation, bien qu’un peu longue, en faveur de l’éloquente indignation dont l’auteur a fait preuve ; on y retrouve cette haine invétérée des habitants de Paris contre la religion nouvelle. Il suffit de se reporter à l’histoire de nos guerres de religion du seizième au dix-septième siècle pour comprendre la portée de ce discours.

Dans la troisième journée, la conversation roule principalement sur la bourgeoisie parisienne, dont les différentes classes sont censurées avec une verve impitoyable des plus amusantes. Ce sont d’abord les gens de finance et de robe : trésoriers, greffiers, notaires et plusieurs autres ; les médecins et les apothicaires viennent après eux, et ne sont pas épargnés. L’auteur trouve le moyen de faire une petite digression sur les livres et opuscules nouveaux qui se débitoient et sur les bévues commises par les imprimeurs. Il cite entre autres deux Vies de sainte Thérèse, dans l’une desquelles on fait dire à l’auteur que cette sainte avoit eu deux pères. Les femmes et les filles de la bourgeoisie fournissent aussi leur bonne part aux caquets de l’assemblée ; on y raconte, en les amplifiant beaucoup, nous aimons à le croire, les tromperies que les unes faisoient à leurs maris, ou les autres à leurs parents.

Ces trois journées composent la première partie, et la plus originale, du recueil d’opuscules connu sous le nom de Caquets de l’Accouchée. Elles seules ont été publiées sous ce titre, et elles doivent sortir de la même plume. Les autres pièces, imprimées, chacune avec un titre différent, aussi pendant l’année 1622, sont, nous le croyons, de plusieurs mains14. Du reste, ceux qui les ont écrites ont suivi le même plan que l’auteur des trois Caquets, c’est-à-dire que, tout en devisant des nouvelles du jour, ils ont consacré chaque pièce à un sujet particulier. Ainsi, dans la quatrième assemblée, il est surtout question des mariages que les différentes classes de la bourgeoisie parisienne contractoient les unes avec les autres, et des mésalliances que faisoit trop souvent la noblesse pour s’enrichir. On y raconte plusieurs aventures tragiques ou scandaleuses, telles que l’histoire de la comtesse de Vertus, contrainte par son mari d’assister au meurtre de son amant (p. 139) ; celle du soufflet donné par un gentilhomme à un conseiller dans la galerie du Palais (p. 142). Entre les noms restés plus ou moins célèbres donnés par l’auteur à la fin de cette assemblée, je citerai celui de la duchesse de Chevreuse, qui, à cette époque, venoit d’épouser en secondes noces Claude de Lorraine. Une maîtresse des comptes s’exprime ainsi : « Je pense qu’elle n’a pas grand credit, encore qu’elle se veuille faire appeler Madame la Princesse. Je sçay bien qu’il y eut l’autre jour un grand bruict au Louvre pour cela, et qu’on lui fit de bonnes reprimandes. »

Au commencement de la cinquième assemblée, les affaires de la religion et de la politique reviennent de nouveau sur le tapis. Les exactions commises durant les siéges de Montauban, de Montpellier et de La Rochelle, par des fournisseurs infidèles, sont impitoyablement signalées. Nos commères parlent tout d’abord d’un certain Desplan, qui, de laquais du prince de Condé, s’éleva, par la faveur du connétable de Luynes, au grade de maréchal de France ; viennent après les maréchaux de Bassompierre et de Créqui et le connétable de Lesdiguières, qui tous trois sont assez rudement traités.

Avant de parler de ces illustres personnages, l’auteur introduit dans la chambre de l’accouchée deux femmes célèbres des règnes de Henri IV et de Louis XIII, la duchesse de Verneuil (Henriette de Balzac d’Entragues) et Mathurine, folle de la reine Marie de Médicis. En 1622, cette duchesse de Verneuil, qui, vingt années auparavant, put se croire un instant reine de France, n’avoit encore que quarante-trois ans. Ce n’étoit plus cette femme séduisante au point que, même après son mariage et malgré des trahisons de toute sorte, Henri IV resta plusieurs années son amant. Il ne rompit avec elle que vers l’année 1608. « Alors, dit Tallemant des Réaux, elle se mit à faire une vie de Sardanapale ou de Vitellius ; elle ne songeoit qu’à la mangeaille, qu’à des ragoûts, etc. Elle devint si grasse qu’elle en étoit monstrueuse ; mais elle avoit toujours bien de l’esprit15. » Bassompierre avoit eu long-temps pour maîtresse Marie d’Entragues, sœur de la duchesse de Verneuil. En 1609, il eut d’elle un fils, Louis de Bassompierre, mort évêque de Saintes. Marie d’Entragues avoit obtenu de son amant une promesse écrite de mariage, et lui en avoit fait une autre de ne jamais s’en servir. Elle prenoit quelquefois le nom de madame de Bassompière. Au Cours-la-Reine, son carrosse fut arrêté devant celui de Marie de Médicis, qui étoit accompagnée du maréchal : « Ah ! dit la reine, voici madame de Bassompierre. — Ce n’est que son nom de guerre, reprit assez haut le maréchal pour être entendu. — Vous êtes un sot, Bassompierre, lui dit Marie d’Entragues. — Il n’a pas tenu à vous, Madame. » Et les deux carrosses de s’éloigner. On comprend pourquoi la duchesse de Verneuil n’étoit pas d’humeur à entendre parler de Bassompierre ; aussi la voyons-nous s’éloigner au plus tôt.

Quant à Mathurine, c’étoit une femme d’assez bas étage, qui jouoit à la cour de Marie de Médicis le rôle de folle du logis, et qui, sous ce prétexte, avoit acquis le droit de dire à chacun toutes ses vérités. Du Perron, contre lequel cette femme dispute dans le premier chapitre du deuxième livre de la Confession de Sancy, lui reproche toutes sortes de vilenies, dont quelques unes pourroient bien être vraies. Il est certain qu’elle touchoit une pension de la reine, et que les petits enfants couroient après elle dans la rue, en criant : Aga ! Mathurine la folle ! Plusieurs pièces satiriques de ce temps furent publiées sous son nom. Sa présence, dans la chambre de l’accouchée à ce cinquième Caquet, donna l’idée à quelque esprit libre et facétieux d’écrire une petite pièce intitulée les Essais de Mathurine. On y trouve plusieurs traits piquants et spirituels, mais ils sont gâtés par un cynisme de langage que n’excuse même pas l’état de folie du personnage à qui on le prête. Nous y avons remarqué, du reste, un curieux détail sur la vogue obtenue par les Caquets de l’Accouchée : « Vous autres lisarts, n’avez-vous point leu certain petit fatras qui se nomme le Caquet de l’Accouchée ? Si avez, sans doute, si avez, car il s’en est vendu plus que d’epistres familières ou d’oraisons des saincts. » Malgré tout, cette pièce ne peut nullement entrer en comparaison avec les Caquets, qu’elle semble avoir pour but de censurer.

Nos bourgeoises terminent cette cinquième assemblée par des propos méchants dirigés contre leurs voisines. C’est un tableau de mœurs assez piquant et assez joliment esquissé. Le tout est couronné par un caquet sur le comte de Mansfeld16.

La sixième assemblée est consacrée à une apologie railleuse fort amusante du sexe féminin ; elle est écrite avec autant de verve que de malice. Nous avons remarqué que l’auteur, à propos du courage déployé par les femmes, s’exprime ainsi sur Jeanne d’Arc : « N’avons-nous pas cette généreuse guerrière en France, la Pucelle d’Orléans, qui s’est signalée en tant de combats, rencontres, en tant d’assauts et batailles, sans aller en Thrace chercher les antiques Amazones ? »

Nous n’avons rien à dire des deux dernières assemblées, dans lesquelles il n’est question que d’aventures privées et de commérages de quartier. On y parle à plusieurs reprises du bruit que faisoient dans Paris les premiers Caquets de l’Accouchée. Les petits cahiers sont lus et examinés soigneusement par nos commères, qui ne tardent pas à reconnoître le portrait et l’historique des unes et des autres, et à se les signaler entre elles impitoyablement. Dans la septième journée, l’auteur explique comment il a pris soin de se déguiser en apothicaire, de ne pas prendre sa place accoutumée dans la ruelle de sa cousine, et de se mettre au bout de la tapisserie. C’est le moment qui a été choisi par Abraham Bosse dans cette gravure où il nous a si bien représenté la chambre de l’accouchée. Une des commères, femme d’un huissier à verge, propose à ses compagnes de rédiger une lettre de désaveu, que l’on trouve jointe à la sixième journée. Enfin, dans l’Anti-Caquet, sous prétexte de répondre aux accusations différentes portées contre les diverses classes de la bourgeoisie parisienne, l’auteur ajoute de nouveaux détails à ceux qu’il a donnés, et cite plusieurs noms, tant parmi les médecins que parmi les gens de robe ou de finance. Cette petite pièce, écrite sur le même ton et dans le même style que les quatre premières, paroît être sortie de la même plume.

Nous avons signalé précédemment les principaux personnages et les événements historiques dont il est question dans les Caquets de l’Accouchée ; nous ajouterons qu’on y trouve aussi, sur l’histoire physique et morale de Paris, des détails nombreux, qu’il seroit trop long d’énumérer ici. Nous indiquerons seulement, dans le premier Caquet, ceux qui ont rapport au Pont-Neuf et au charlatan (p. 10), au feu de la Saint-Jean (p. 23), à l’hôpital Saint-Germain (p. 25), à la construction du Pont-au-Double (p. 41) ; dans le second, la fête de la canonisation de sainte Thérèse (p. 48), l’incendie du Pont-au-Change et la cherté du loyer des maisons (p. 58), les voleurs (p. 70), les revenants et mauvais esprits ; la statue de Cérès du couvent des Carmélites (p. 74), les Pères de l’Oratoire (p. 78) et les Jésuites (p. 82).

Nous devons encore signaler la dernière des trois pièces que nous avons jointes aux Caquets de l’Accouchée ; elle a pour titre : Sentence par corps obtenue par plusieurs femmes de Paris contre l’auteur des Caquets. C’est une facétie très spirituelle écrite dans le style du Palais, qui attribue la composition des Caquets au baron de Grattelart, un des farceurs de ce temps. Mondor, Tabarin et sa femme portent plainte devant Gautier Garguille ; celui-ci fait faire une enquête par Gros-Guillaume, Jean Farine et La Vigne, autres farceurs de la même époque, qui demandent et obtiennent jugement contre le coupable. Cette pièce, des plus rares, est une nouvelle preuve du succès de vogue obtenu par l’auteur de ces satires, aussi mordantes que hardies.

§ III. Auteur des Caquets de l’Accouchée. — Éditions originales et réimpressions. — Méthode suivie dans cette nouvelle édition.

Non seulement l’auteur des Caquets de l’Accouchée a gardé le plus strict anonyme, mais encore il a eu soin de ne rien dire qui pût faire deviner à quelle classe de la société parisienne il appartenoit. Cette phrase de l’avis au lecteur dans l’édition de 1623 : Quand tu sçaurois quel je suis, volontiers agrerois-tu davantage cet œuvre, voyant qu’estant ce que Dieu m’a faict naistre et colloqué en un rang qui me separe du vulgaire, etc., paroît se rapporter plutôt au caractère de l’auteur qu’à sa condition. D’ailleurs, nous ne pensons pas que l’anonyme réviseur de l’édition collective de 1623 soit l’auteur des pièces originales publiées l’année précédente. Nous n’en voulons pour garant que les mutilations maladroites qu’il a fait subir à ces pièces sans aucune nécessité. Il est facile de comprendre pourquoi l’auteur des Caquets a pris tant de précautions afin de rester inconnu. Les hardiesses de ses satires, l’audace avec laquelle il nommoit tous ses personnages, l’eussent sans nul doute exposé à toutes sortes de désagréments. Le titre des quatre premières pièces originales ne porte aucun nom de ville ni d’imprimeur ; dans celles où le nom de Paris est indiqué, imprimeur et libraire ont eu soin de se cacher sous un facétieux pseudonyme, tel que : De l’imprimerie de Lucas Joffu, comédien ordinaire de l’Isle du Palais.

On a pensé que Deslauriers, comédien de l’hôtel de Bourgogne, qui, sous le nom de Bruscambille17, a publié plusieurs ouvrages facétieux, pourroit bien avoir écrit les Caquets de l’Accouchée. Le judicieux auteur de l’Analectabiblion, qui émet cette opinion sous toutes réserves, trouve entre les Fantaisies de Bruscambille et les Caquets une certaine conformité de tour d’esprit et d’historiette18. Il est possible que des historiettes racontées dans les Caquets soient empruntées aux œuvres de Deslauriers. Malgré tout, entre le style et le genre d’esprit de l’auteur des Caquets et le comédien de l’hôtel de Bourgogne nous trouvons une différence trop grande pour accepter ce rapprochement. Nous croyons plutôt que c’est dans la magistrature parisienne qu’il faut chercher l’auteur anonyme. Quel que soit le rang qu’il ait eu, quelle que soit la profession qu’il ait exercée, on ne peut lui refuser une grande connoissance des affaires politiques et religieuses de son temps. Plusieurs des opinions qu’il émet sont dans un tel accord avec celles que professoit le cardinal de Richelieu qu’il est impossible de chercher l’auteur anonyme autre part que dans les serviteurs du célèbre ministre. Un heureux hasard fera peut-être un jour découvrir ce petit mystère, resté jusqu’à présent impénétrable.

Les Caquets de l’Accouchée, avons-nous dit plus haut, furent publiés dans le cours de l’année 1622, sous des titres différents. Voici ces titres, que nous copions sur les originaux :

1º Le Caquet de l’Accouchée. MDCXXII, in-8 de 24 pages, y compris le titre.

2º La seconde Après-Disnée du Caquet de l’Accouchée. MDCXXII, in-8 de 32 pages, y compris le titre.

3º La troisiesme Après-Disnée du Caquet de l’Accouchée. MDCXXII, in-8 de 32 pages, y compris le titre.

4º La dernière et certaine Journée du Caquet de l’Accouchée. MDCXXII, in-8 de 24 pages, y compris le titre.

5º Le Passe-Partout du Caquet des Caquets de la nouvelle Accouchée. MDCXXII, in-8 de 32 pages avec le titre.

6º La Responce aux trois Caquets de l’Accouchée. MDCXXII, in-8 de 16 pages, y compris le titre. En tête de la page 3 on lit : La Responce des Dames et Bourgeoises de la ville de Paris au Caquet de l’Accouchée. Une autre édition de la même pièce porte le titre suivant : La Responce des Dames et Bourgeoises de Paris au Caquet de l’Accouchée, par mademoiselle E. D. M. À Paris, chez l’imprimeur de la Ville, à l’enseigne des Trois-Pucelles.

7º Les dernières Parolles ou le dernier Adieu de l’Accouchée. — Ensemble ce qui c’est passé en la dernière visite et quatriesme Après-Disnée des Dames et Bourgeoises de Paris. À Paris, de l’imprimerie de Lucas Joffu, comédien ordinaire de l’Isle du Palais. MDCXXII, in-8 de 16 pages, y compris le titre.

8º Le Relèvement de l’Accouchée. À Paris, MDCXXII, in-8 de 16 pages, y compris le titre.

À ces huit pièces il faut en joindre trois autres qui ont été publiées cette même année 1622, et qui sont un complément nécessaire du recueil :

1º L’Anti-Caquet de l’Accouchée. MDCXXII, in-8 de 14 pages, y compris le titre.

2º Les Essais de Mathurine. S. L., S. D., in-8 de 16 pages, y compris le titre.

3º La Sentence par corps obtenue par plusieurs femmes de Paris contre l’autheur des Caquets de l’Accouchée. À Paris, etc., MDCXXII, 16 pages, y compris le titre.

L’année 1623, les huit premières pièces seulement servirent à la composition d’un recueil au sujet duquel nous allons donner quelques détails. Voici le titre de la première édition :

Recueil général des Caquets de l’Accouchée, ou Discours facétieux où se voit les mœurs, actions et façons de faire des grands et petits de ce siècle ; le tout discouru par Dames, Damoiselles, Bourgeoises et autres, et mis par ordre en VIII après-dinées qu’elles ont faict leurs assemblées, par un secrétaire qui a le tout ouy et escrit, avec un discours du Relevement de l’Accouchée.

Imprimé au temps de ne se plus fascher. (Paris,) 1623, petit in-8.

Cette édition du Recueil général est la plus recherchée ; elle a 200 pages, précédées de 4 feuillets qui contiennent un frontispice gravé, un titre, un avis au lecteur et des vers de l’auteur anonyme, que nous avons reproduits.

Il a été fait en 1624 deux éditions de ce recueil, petit in-8, qui sont aussi très recherchées. L’une contient 3 feuillets préliminaires, 198 pages et un frontispice gravé ; l’autre comprend 180 pages, sans compter les feuillets préliminaires et le frontispice gravé.

Il y a aussi une édition de 1625, avec un titre gravé portant le millésime de l’année précédente.

Citons encore, ajoute M. Brunet dans son Manuel du Libraire, t. 4, p. 45, les éditions de Poitiers, par Abr. Mounin, 1630, petit in-8. — De Troyes, Claude Bridon, ou Nicolas Oudot, 1630, petit in-8 de 94 feuillets non chiffrés et à feuillets préliminaires (sous le titre de Recueil général des quaquets [sic]). — De Troyes, Denis Clément (sans date), petit in-8 de 96 feuillets non chiffrés, signés A. M. — De Troyes, Nic. Oudot (sans date), petit in-8 de 2 et 72 feuillets non chiffrés.

Nous avons comparé plusieurs de ces éditions les unes avec les autres : elles reproduisent toutes le texte de l’édition de 1623 ; seulement, plus elles s’éloignent de cette date, plus elles contiennent de fautes. En 1847, une réimpression textuelle du Recueil général des Caquets de l’Accouchée, d’après l’édition de 1625, fut faite à Metz, petit in-8 carré, et tirée seulement à soixante-seize exemplaires. Cette réimpression est suivie d’une notice de l’éditeur, signée L. H. F.

Il faut signaler entre les pièces originales et les éditions collectives des différences notables que le réviseur a cru devoir introduire afin de donner au livre une plus grande uniformité. Ces changements sont faits avec assez de maladresse, comme on peut en juger d’après le début et la fin du sixième Caquet. (Voir page 195 et page 210.)

Nous n’avions qu’une marche à suivre pour cette nouvelle édition : réimprimer textuellement les pièces originales, en y joignant les principales variantes d’après l’édition collective de 1623 ; ajouter les trois pièces l’Anti-Caquet, les Essais de Mathurine et la Sentence par corps, qui, depuis l’année 1622, n’ont jamais été réimprimées ; ajouter au texte le plus d’éclaircissements possible sur les événements et les personnages dont il est question dans les Caquets de l’Accouchée. M. Édouard Fournier, connu par des travaux excellents sur l’histoire de la ville de Paris, s’est chargé de cette dernière partie, aussi longue que difficile. À force de recherches dans les documents des règnes de Henri IV et de Louis XIII, presque tous les points importants traités par l’auteur des Caquets ont été éclaircis, et presque tous les noms propres, souvent obscurs, ont été les objets de notices biographiques. Cependant plusieurs noms et plusieurs faits sont restés impénétrables : M. Fournier a préféré garder le silence que d’émettre des conjectures. Un index de tous les noms cités dans ce Recueil nous a paru nécessaire pour faciliter les recherches, car nous espérons que ce livre, qui n’a été considéré jusqu’à présent que comme une facétie divertissante, sera classé dorénavant parmi les ouvrages historiques, échos fidèles des préjugés et des opinions d’une époque.

Le Roux de Lincy.




1. Voir plus loin, § III, Bibliographie des Caquets de l’Accouchée.

2. Introduction au livre des Légendes, par Le Roux de Lincy, Paris, 1836, in-8, p. 178–79.

3. Les Honneurs de la Cour, publiés à la fin du tome II des Mémoires sur l’ancienne chevalerie, par La Curne de Sainte-Palaye, 1759, in-12, 3 vol.

4. Voir, à la fin de cette introduction, aux Appendices, nº 1.

5. Voir aux Appendices, nº 2. Nous y avons joint deux strophes des Ténèbres du mariage.

6. Voir aux Appendices, nº 3.

7. Voyez, sur Jean Castel, t. 2 (1re série), p. 461 de la Bibliothèque de l’école des chartes, un article curieux de M. J. Quicherat.

8. Voir aux Appendices, nº 4.

9. Voir aux Appendices, nº 5.

10. Deux dialogues du langage françois italianizé, etc., in-8, p. 162.

11. Voir aux Appendices, nº 6.

12. Les Œuvres satyriques du sieur de Courval-Sonnet, gentilhomme virois, etc., etc. Paris, 1622, in-8, p. 214.

13. Voir aux Appendices, nº 7.

14. Voir plus loin, § III, Bibliographie des Caquets.

15. Historiettes, etc., de Henri IV, tome 1, de l’édition in-18.

16. Voyez, page 191, la note sur ce passage.

17. V. Brunet, Manuel du Libraire, t. 1, au mot Bruscambille.

18. Analectabiblion, ou extraits critiques de divers livres rares, oubliés ou peu connus, tirés du cabinet du marquis D. R**. Paris, 1837, in-8, t. 2, p. 170.