Les Avadânas, contes et apologues indiens/84

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 38-40).


LXXXIV

L’HOMME QUI RÉDUIT UN CHAR EN CHARBON.

(De ceux qui manquent de courage et de persévérance.)


Jadis, le fils d’un maître de maison entrait dans la mer pour en extraire des pièces de bois qui avaient coulé à fond. Au bout d’un certain nombre d’années, il retira un char. Il revint chez lui, et transporta le char au marché pour le vendre. Mais comme il en demandait un prix trop élevé, il ne put trouver d’acheteur. Un temps considérable s’étant écoulé sans qu’il eût pu le vendre, il s’en dégoûta et en conçut un vif chagrin. Ayant vu un homme qui vendait du charbon et en trouvait un débit facile, il se dit en lui-même : « Ce que j’ai de mieux à faire, est de brûler ce char et de le convertir en charbon ; je serai sûr de trouver promptement des acheteurs. »

Il brûla donc son char et le réduisit en charbon, puis il se rendit au marché pour le vendre ; mais il n’en trouva pas le prix d’une demi-charretée de charbon.

Telle est la conduite stupide des hommes du siècle. Ils emploient mille moyens, et déploient un zèle ardent pour obtenir le fruit du Bouddha (l’état de Bouddha) ; mais, comme ils éprouvent de grandes difficultés, ils se relâchent et reculent. Il vaut mieux que l’homme forme le vœu modeste d’obtenir le fruit des Çrâvakas ; il s’affranchira promptement de la vie et de la mort, et arrivera à la dignité d’Arhat.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : le Livre des cent comparaisons, partie I.)