Les Avadânas, contes et apologues indiens/31

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 127-130).


XXXI

LE MARCHAND ET SON BÂTON.

(De ceux qui font d’heureuses rencontres.)


Il y avait jadis un chef de marchands qui s’était embarqué pour aller recueillir des pierres précieuses. À la même époque, cinq cents hommes le suivirent pour voyager avec lui. Le chef des marchands leur dit : « Au milieu des mers, il y a cinq sortes de dangers, savoir : l’impétuosité des flots, les tourbillons d’eau, les poissons monstrueux, les démons femelles et les fruits qui enivrent. Si vous vous sentez lu force de triompher de ces cinq dangers, vous pouvez venir avec moi. »

Tous les autres hommes l’ayant sollicité avec instance, il profita d’un vent favorable, mit à la voile et partit.

Quand ils furent arrivés à l’île des pierres précieuses (Ceylan), chacun se mit à en recueillir. L’un d’entre eux, n’ayant pu résister aux parfums séduisants des fruits, s’enivra tout d’un coup et resta immobile pendant sept jours. Tous les autres, se voyant assez de pierres précieuses, voulurent, au premier vent, prendre la mer et s’en retourner. On battit le tambour pour rassembler tout le monde, mais il manquait un homme. Après l’avoir cherché de tous côtés, on le trouva endormi au pied d’un arbre. Comme il n’était pas encore revenu de son ivresse, ils l’éveillèrent et soutinrent ses pas pour le remmener. Puis ils brisèrent une branche d’arbre, la lui donnèrent en guise de bâton, et revinrent ensemble dans leur royaume natal. À la nouvelle de leur arrivée, les parents de l’homme qui s’était enivré accoururent joyeusement au-devant de lui ; mais voyant qu’il n’avait rien rapporté, seuls, entre tous, ils s’abandonnèrent à la douleur. Ce même homme, accablé de tristesse, entra dans le marché en s’appuyant sur son bâton. Les gens du marché voulurent le lui acheter et allèrent jusqu’à vingt mille pièces d’or. Celui-ci le donna pour ce prix, et leur demanda quelle vertu avait ce bâton. « C’est une source de richesses, lui répondirent-ils. Si l’on pile ce bâton et qu’on le brûle, il suffit d’exposer à sa fumée des tuiles et des cailloux pour qu’ils se changent en pierres précieuses. »

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Tchong-king-siouen-tsa-pi-yu-king.)