Les Avadânas, contes et apologues indiens/110

Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 111-115).


CX

LES CHOSES IMPOSSIBLES ET LES RELIQUES DU BOUDDHA[1].


Le Gange coule rapidement ; s’il pouvait produire des lotus blancs, si un oiseau jaune devenait blanc, si un oiseau noir devenait rouge, si l’arbre Djambou pouvait produire des dattes, si le Khadira pouvait, du milieu de ses branches, faire sortir des feuilles de manguier, ce seraient là des choses extraordinaires ; mais peut-être que ces métamorphoses seraient encore possibles. Quant aux reliques de l’Honorable du siècle, on ne pourrait jamais en obtenir. Si, avec des poils de tortue[2], on fabriquait un vêtement d’une beauté merveilleuse, et qu’on pût s’en revêtir en hiver, on pourrait alors chercher des reliques du Bouddha.

Si des mouches et des cousins pouvaient, avec leurs pattes, construire un pavillon ou un palais d’une solidité à toute épreuve, on pourrait alors chercher des reliques du Bouddha.

Si une sangsue voyait pousser dans sa bouche des dents blanches et tranchantes comme une lame acérée, on pourrait alors chercher des reliques du Bouddha.

Si l’on prenait des cornes de lièvres[3] et qu’on en fabriquât une échelle propre à monter au ciel, on pourrait alors chercher des reliques du Bouddha.

Si un rat, montant sur cette échelle, chassait les Asouras (démons), et masquait dans le ciel le soleil et la lune, on pourrait alors chercher des reliques du Bouddha.

Si une mouche buvait du vin, parcourait après s’être enivrée les villes et les villages, et y construisait des maisons, on pourrait alors chercher des reliques du Bouddha.

Si les lèvres d’un âne devenaient rouges et vermeilles comme le fruit du Vimba, et s’il savait danser et chanter, on pourrait chercher des reliques du Bouddha.

Si des corbeaux et des hibous habitaient ensemble dans un même lieu, et vivaient entre eux, en bonne harmonie, on pourrait chercher des reliques du Bouddha.

Si les feuilles du Palâça pouvaient servir à faire un parasol et à préserver d’une pluie d’orage, on pourrait chercher des reliques du Bouddha.

Si un grand vaisseau, chargé de toutes sortes de richesses, pouvait naviguer sur la terre ferme, on pourrait chercher des reliques du Bouddha.

Si un petit oiseau pouvait porter dans son bec le mont Gandhamâdana, et se promener en tous lieux, on pourrait chercher des reliques du Bouddha.

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Souvarn’a prabhâsa outtama râdja soûtra, livre I.)
  1. Les morceaux cx, cxi, cxii ne sont ni des contes ni des apologues. Nous les publions à cause des idées curieuses qu’ils offrent au point de vue bouddhique.
  2. Les Chinois figurent dans leur Encyclopédie une tortue fabuleuse, avec une queue de longs poils verts. (Dictionn. P’ing-tseu-loui-pien, livre CCXXII, fol. 27.)
  3. Il s’agit ici de lièvres fabuleux