Librairie Hachette (p. 196-198).
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a vie des Éthéraux est-elle étroitement rattachée à l’existence de Mars ? Il le semble. Ils ne se figurent point qu’ils puissent subsister en dehors de cette influence. Mars est leur centre d’énergie ; lorsqu’ils s’éloignent de la surface, au-delà d’une certaine distance, bientôt, engourdis ils n’ont plus la même énergie motrice, leur pensée s’éteint graduellement. Ils sont alors ramenés vers la Planète et, à mesure qu’ils se rapprochent, leur vitalité renaît. D’où l’on peut conclure qu’ils sont fonction d’un état radiant essentiellement martien qui décroît avec la distance.

La Terre leur fournirait-elle un milieu supportable ? Je n’entrevois pas comment on pourrait le vérifier, les Éthéraux étant incapables de franchir les espaces interplanétaires.

Comment est né le Règne éthéral ? Quelles modifications a-t-il subi au cours des âges ? Ces questions sont insolubles, puisque les Éthéraux n’ont pas d’annales et que leurs souvenirs ne dépassent pas une période si courte qu’ils n’ont pu en dégager la notion abstraite du Temps. Pour eux, il n’existe qu’une espèce de Présent, sans cesse en voie de transformation, sans repères lointains dans le Passé, donc pas de tradition, rien qui ressemble à notre histoire générale ni même individuelle. Et cependant une science innée qui dépasse de loin notre science ensemble concrète et abstraite, une conscience plus lucide, une intelligence plus rapide, plus nombreuse et plus sûre de beaucoup que notre conscience et notre intelligence. Chez eux, le passé, dans ce qu’il a d’essentiel, s’incorpore à leurs structures (si l’on peut parler ici de structure) et c’est la raison qui me fait conjecturer des transformations de leur Règne, raison qui ne pourra jamais être appuyée d’une règle analogue à celles que nous fournissent les traces d’organismes anciens conservés dans les entrailles de la Terre.

Les Éthéraux sont-ils aussi individualisés que les hommes ? Il le semble, mais nous avons vu qu’ils peuvent communiquer plus intimement entre eux, au point de confondre leurs mentalités, pourvu qu’il y ait consentement mutuel.

Ils ignorent l’amour ; il naît peu d’Éthéraux, ceux qui vivent étant approximativement immortels (voir plus haut).

La génération semble le résultat d’une émanation, suivie d’une condensation rayonnante, et due à des groupes plus ou moins nombreux. Les rares naissances sont compensées par la fusion, très rare aussi, de deux Éthéraux.

Les haines, les luttes individuelles ou plurales n’existent point chez eux. Les causes qui font naître des rivalités manquent. Ils n’ont aucun sujet de se disputer les aliments : l’énergie leur est fournie surabondamment, et je ne crois pas qu’il leur soit possible de nuire les uns aux autres : un Éthéral serait impuissant à en faire souffrir un autre, a fortiori à porter atteinte à son intégrité. Ils sont dans une situation analogue à celle où nous serions si nous ne pouvions ni nous tuer ni nous blesser les uns les autres. S’ils n’ont pas d’ennemis, ont-ils des amis ? Incontestablement. Ainsi, Aldébaran est particulièrement attaché à Véga, et Arcturus à Antarès. Tout le groupe Antarès, Aldébaran, Arcturus, Véga, Sirius est particulièrement uni, et, comme c’est avec ce groupe que nous communiquons depuis les origines encore que beaucoup d’individus se mêlent souvent à nos entretiens, c’est par lui que nous sommes le plus intimement renseignés sur la vie éthérale.

Nous avons vainement essayé de comprendre ce qui correspond chez eux à nos plaisirs et à nos douleurs. Tout d’abord, rien de comparable à notre clavier de souffrances et de jouissances physiques. Le monde des supplices n’a aucun sens pour eux. Leurs joies rayonnantes comme leurs tristesses ressortissent à des phénomènes que nous entrevoyons mais ne comprenons pas et ne comprendrons jamais, sinon symboliquement.