Briard (Poulet-Malassis) (p. 49-68).

AH ! LE BON BILLET[1]




TROISIÈME FRAGMENT.




De retour chez elle, madame Durut a trouvé beaucoup de besogne faite ou à faire. D’abord, un pari (pour l’après-midi) qui ne devait occuper que deux ou trois couples en occupera sept. On sera mis au fait de cette importante affaire en temps et lieu. Et puis, tandis que la bonne Durut s’amusait à babiller chez la marquise, monsieur le commandeur de Palaigu, avec un de ses anciens amis, monsieur de Cuforé, ci-devant procureur d’une maison de chartreux en province, sont venus incognito pour déjeuner à l’Ermitage[2]. Ils se sont emparés de Criquet et de Belamour : celui-ci ne se trouve donc plus à la disposition de madame Durut. Mais un heureux hasard a fait arriver, presque en même temps que les Villettes, l’aimable Alfonse, le chevalier du premier numéro. Ce bon enfant venait avec la franche intention de rendre quelques petits devoirs à sa chère Agathe, ou peut-être à l’amie Célestine. Mais celle-ci a des occupations par-dessus les yeux ; l’autre a si bien passé la nuit, que les sens ne la dominent pas absolument pour l’instant. D’ailleurs, avant tout, elle est jalouse que le service se fasse coulamment dans l’hospice. Il faut donc que la marquise soit servie. Pour cela madame Durut, se sacrifiant, exige de la complaisance de son pupille (peu récalcitrant en pareil cas) qu’il veuille bien suppléer Belamour auprès de la belle dame. En conséquence, Alfonse se laisse transformer en servant-aspirant : on lui chausse un pantalon de fil gris et des escarpins à rosettes ; il endosse un gilet de basin et une veste à la marinière de casimir de la couleur du pantalon ; on lui roule les cheveux, et il est encore charmant dans ce modeste équipage. Madame Durut lui fait le bec : on convient qu’il aura l’air docile et timide d’un débutant auquel il importe de faire avec succès les premiers pas. Quand tout est prêt, on lui met à la main le déjeuner de la marquise avec ce petit mot cacheté d’une oublie : “ Les jeudis donnent ce matin : ils occupaient déjà Criquet et Belamour quand je suis rentrée. Lavigne est pourfendu. Zoé n’aurait pas fait votre affaire. Croyez-moi, belle dame, servez-vous de ce grand innocent, dont je serais d’ailleurs bien aise que vous puissiez me rendre assez bon compte pour qu’il méritât d’être attaché, comme il le désire, à cet établissement. Bon appétit, et bien du plaisir, respectable autant qu’aimable et belle marquise. — Agathe Durut. „


LA MARQUISE (au lit), ALFONSE
(avec le déjeuner et le billet).

La Marquise (étonnée). — Eh bien, vous vous trompez, mon ami ; ce n’est pas pour ici.

Alfonse (feignant de l’embarras). — Pardonnez-moi, madame la marquise, j’apporte, avec votre chocolat, un mot de la part de la maîtresse.

La marquise, en recevant ce billet, ne peut s’empêcher d’examiner le porteur, de la tête aux pieds, avec une excessive attention. Il fait semblant de n’y pas prendre garde ; il approche du lit une chiffonnière à dessus de marbre ; il y établit son plateau, et tandis que la marquise lit, il fait mousser le chocolat. Le billet parcouru, la marquise se garde bien de laisser rien remarquer qui puisse trahir son émotion intérieure. Cependant elle n’est pas tout à fait maîtresse de ses regards captivés, qui ne peuvent se détourner d’une figure où, plus on la regarde, plus on découvre quelque chose d’attrayant. Elle a mille choses sur le bord des lèvres, mais elle n’ose en laisser échapper une seule, de peur de dire trop ;… elle éprouve un embarras aussi réel que celui d’Alfonse est bien imité. Cette femme sent que, réaliser avec le serviteur imprévu ce qu’elle projetait de ne faire qu’avec un marmot, ce serait aggraver considérablement une trahison qu’après tout l’honnête Limecœur n’a pas méritée. À travers ce rude combat avec elle-même, elle prend son chocolat. Alfonse debout, les yeux fixés à son tour sur des traits divins auxquels il était bien éloigné de s’attendre (car Durut a l’excellente qualité d’aimer à ménager des surprises, elle sait combien elles ajoutent au bonheur), Alfonse s’enflamme à loisir. Une sédition subite qui s’élève dans le pantalon l’oblige enfin à y prendre quelque arrangement qui puisse sauver les apparences. Cette déclaration a été, dès le premier moment, saisie par la marquise, qui en a pris une teinte animée dont l’effet est de la rendre d’une beauté céleste.

La Marquise. — Je souffre de vous voir debout, mon ami, prenez un siége.

Alfonse. — Ah, madame !

La Marquise. — Asseyez-vous…

Alfonse. — Je ne puis ; mon devoir…

La Marquise. — Le premier devoir est d’obéir.

Alfonse. — Madame veut m’éprouver, mais je sais qu’un être de ma sorte…

La Marquise (avec dignité). — Si j’ai mes raisons pour excuser…

Alfonse. — Je n’ai plus rien à répliquer. (Hésitant.) Mais si je fais une sottise, madame voudra bien ne me donner aucun tort.

La Marquise. — Ce chocolat est brûlant… Vous êtes nouveau ici, mon ami ?

Alfonse. — Depuis quelques heures, madame, et j’étais bien éloigné… (Il feint de se troubler.)

La Marquise. — Que voulez-vous dire ?

Alfonse. — Rien, madame ; j’allais oublier que je dois répondre sans aucune amplification aux questions qu’on daigne me faire.

La Marquise. — Eh bien, je demande, j’ordonne que vous acheviez ce que vous avez interrompu… Vous étiez bien éloigné ?…

Alfonse (avec peine). — De prévoir que dès le premier moment… un état… auquel je ne me consacrais pas… sans quelque répugnance… (Il a l’air de s’être perdu dans son idée.)… m’offrirait… (Il se tait.)

La Marquise. — Vous offrirait ?…

Alfonse (avec plus d’embarras). — Des encouragements qui présagent…

La Marquise. — Qui présagent quoi ? Faut-il vous arracher les paroles de la bouche ? À moins d’écrire ce que vous dites, j’en pourrais perdre le fil…

Alfonse (fort agité). — Je l’ai perdu moi-même, madame… Du moins ayez pitié de moi ; daignez ne pas me dénoncer à madame Durut comme un téméraire, un insolent !

La Marquise. — Vous déraisonnez, mon ami. De quoi pourrais-je me plaindre ?

Alfonse (se levant). — Pardonnez-moi, madame, je sens que j’ai dit autant de bêtises que de mots ; mais n’allez pas croire au moins que j’aie pu penser… (La marquise se disposant à remettre elle-même sa tasse sur le plateau, il se hâte et veut la lui reprendre.)

La Marquise (s’opposant). — Laissez-moi faire ; je vous vois si troublé, je ne sais à propos de quoi, que vous seriez homme à tout casser.

Elle le dévore des yeux, et pose en même temps sa tasse avec précaution. Alfonse escamote sur le lit, avec une feinte maladresse, une lèche de pain grillé dans laquelle la marquise a mordu.

La Marquise (qui a vu). — Eh ! quel enfant ! que voulez-vous faire de cela ?

Alfonse (feignant d’être déconcerté.) — Moi, madame ?

La Marquise. — A-t-on oublié de vous faire déjeuner ? Ne voilà-t-il pas des morceaux entiers ?

Alfonse. — Celui-là seul me tentait, madame ; mais, pour Dieu ! ne me compromettez pas auprès de madame Durut.

La Marquise (avec bonté). — Il n’y a pas à tout cela de quoi fouetter un chat ; cependant, si vous vous fixez à servir, il faut vous abstenir de tout ce qui peut avoir l’air singulier ou ridicule… Par exemple (rougissant), on ne regarde pas une femme entre deux yeux comme vous faites ;… je dis toute espèce de femme.

Alfonse. — Je le sais bien, madame… Mais c’est qu’il y en a…

La Marquise (se méprenant). Qu’on doit respecter plus que d’autres, et je suis de ce nombre,… entendez-vous ?

Alfonse. — Non, madame…

La Marquise (stupéfaite). — Il est fort, celui-ci !

Alfonse (tendrement). — Je n’ai, je vous jure, aucun dessein de vous offenser…

La Marquise (émue). — Comment ! encore ! vous continuez à me regarder comme un fou !

Alfonse. — C’est que je le suis, madame.

La Marquise (à elle-même, ne pouvant s’empêcher de rire). — Eh bien ! on voulait faire faire à Durut une belle acquisition !

Alfonse. — Ma folie n’est pas d’une espèce dangereuse ; d’ailleurs, elle ne me prend que par moments. (Il fait un mouvement comme pour jeter les bras autour du corps de la marquise. Elle a marqué quelque effroi ; cependant elle ne sonne point.)

La Marquise. — Écartez cette chiffonnière… (Il obéit.) Mettez-une chaise là,… plus près… Bon,… placez-vous. (Il hésite.) Soyez assis, vous dis-je. (Alfonse assis, mais décontenancé, paraissant mal à son aise, regarde avec distraction du côté de la porte.) Qu’examinez-vous avec cet air distrait, égaré, quand vous devriez comprendre que j’ai quelque chose à vous dire ?

Alfonse. — Cette porte, madame…

La Marquise. — Eh bien ! quoi, cette porte ? Que ne l’avez-vous fermée en entrant ?… (Il y court, la ferme et met le verrou.) À quoi bon cela ?… quelle témérité !…

Alfonse. — Comment donc, madame ? C’est que si madame Durut survenait… avant qu’elle sût que vous m’avez ordonné d’être assis près de vous,… et pour n’avoir fait que vous obéir,… peut-être…

La Marquise. — À la bonne heure. Remettez-vous là…

Alfonse. — J’ai tant à cœur de n’être point exclu de cette maison, que je tremblais d’être surpris dans un état…

La Marquise. — Est-ce que votre accès de folie dure encore ?

Alfonse. — Si c’est ce que j’entends, madame, il durera tout le temps que j’aurai le bonheur de vous voir.

La Marquise (sans humeur). — Plaît-il ?

Alfonse. — Pardon, madame. (De ses deux mains il lui en prend une.)

La Marquise (à elle-même). — Mais c’est que, tout de bon, je crois qu’il est fou.

Alfonse. — Hélas ! je n’ai que cette excuse, madame ; quand…

La Marquise (à elle-même). — Voilà pourtant un drôle de corps ! (À Alfonse.) Qui vous a produit dans cette maison ?

Alfonse. — Une bonne dame qui m’a vu naître et qui m’a élevé[3].

La Marquise. — Et qu’avez-vous fait depuis que vous êtes au monde ?

Alfonse. — J’ai été fou de bonne heure, et puis je me suis engagé dans les dragons.

La Marquise. — Dans quel régiment ?

Alfonse. — De la Reine.

La Marquise. — Vous ne pouviez choisir un plus aimable colonel. Avez-vous connu dans ce régiment un certain monsieur de Limecœur, qui doit y avoir servi quelque temps ?

Alfonse. — J’ai eu cet honneur-là.

La Marquise. — C’est un de mes alliés.

Alfonse (avec feu). — Il est bien heureux, madame !… (Elle sourit. Il prend une main ; on a l’air de n’y pas faire attention.)

La Marquise. — Limecœur n’est pas riche…

Alfonse. — Mais c’est un excellent sujet, bien bon officier… Nous l’avons tous regretté.

La Marquise. — Vous connaît-il ?

Alfonse. — Peut-être, madame.

La Marquise. — Il vous remettrait donc, s’il vous voyait ?

Alfonse. — Peut-être que non ; nous sommes tant de dragons ! Ces messieurs ne connaissent pas tout le monde.

La Marquise. — Enfin, voilà que vous parlez comme un homme raisonnable.

Alfonse. — À la bonne heure, madame ; mais aussi ne suis-je pas dans mon état naturel.

La Marquise (avec un peu d’art). — Eh bien, je suis donc folle de laisser ainsi dans vos mains la mienne, que vous brûlez ? Laissez-moi !

Alfonse. — Je ne puis, madame.

La Marquise. — Vous ne pouvez me rendre ma main ?

Alfonse. — C’est ma folie. Quand, par accident, il m’arrive de m’accrocher à une jolie femme, mes nerfs se roidissent, mes muscles se contractent, il faut des choses infinies pour qu’elle puisse se délivrer de moi… Je suis bien heureux de ne m’être pris qu’à la main, autrement vous auriez été réduite à me faire jeter par les fenêtres.

La Marquise (à elle-même). — Il est fou à mettre aux petites-maisons ! (À Alfonse.) Êtes-vous encore dragon ?

Alfonse. — Oui, madame, mais je suis en semestre.

La Marquise. — Et vous cherchez à vous attacher ici ?

Alfonse. — Je profite de la confusion générale, et déserte… On m’a assuré qu’ici je serais aussi caché qu’aux antipodes.

La Marquise. — Joliment ! un de vos officiers, monsieur de Limecœur, y était hier.

Alfonse. — Madame oublie qu’il ne sert plus.

La Marquise. — Il est vrai. Qu’avez-vous fait l’hiver, car le temps du semestre est expiré ? (Bas, à elle-même.) Je ne sais plus ce que je dis.

Alfonse. — J’apprenais le commerce, madame.

La Marquise. — Cet état vaudrait beaucoup mieux que la domesticité.

Alfonse (lui baisant la main avec passion.) — Je n’en conviendrai pas, surtout en ce moment.

La Marquise (s’animant). — Savez-vous que si vous n’étiez pas fou, je me croirais obligée…

Alfonse (redoublant de baisers sur cette belle main). — Que vous reviendrait-il de me perdre ? (Il jette rapidement un baiser sur la bouche de la marquise, et tout de suite, par-dessus le lit, un autre baiser à l’endroit sous lequel est le plus sacré de ses charmes.)

La Marquise (assez doucement). — Eh bien, eh bien ! quelles manières sont-ce là ?

Alfonse (hors de lui). — Voilà ma folie, madame !

La Marquise. — Comment, votre folie ? d’insulter les femmes, d’oublier ce que vous êtes, ce qu’on est ?

Alfonse (avec délire). — C’est un démon que je porte en moi !… (Ne tenant plus la main de la marquise que d’une des siennes, il glisse brusquement l’autre sous la couverture et trouve sans aucun obstacle le divin bijou, par bonheur accessible entre deux cuisses modérément écartées…)

La Marquise (comme abasourdie). — Savez-vous bien ce que vous faites ? et ne craignez-vous pas…

Alfonse. — Je sais, madame, que si vous n’êtes pas infiniment bonne, je suis un garçon perdu.

Tout en parlant, il agace avec adresse, une précieuse adresse, ce boutonnet infiniment sensible… que madame Durut nommerait ; mais on sait que nous ne cassons jamais les vitres sans nécessité. À peine cet important succès est-il arraché, que (comme chacun a sa folie ou son démon qui lui fait faire, à tort et à travers, tout ce qu’il lui plaît) la marquise ne peut plus lui parler ni s’opposer à rien. Elle s’écarte involontairement et donne, comme si elle y consentait, toute la facilité qui peut ajouter à l’effronterie du coupable Alfonse. Celui-ci, gardant bien l’apparence d’une convenable timidité, s’est si fort rapproché, que sa bouche est enfin attirée sur celle de la belle marquise. Elles s’unissent pour un fixe baiser, qui devient plus ardent à mesure du désir plus irrité par une cessation momentanée du mouvement du doigt incendiaire. Finir ainsi n’aurait pas fait le compte de l’expert autant qu’amoureux jouvenceau. Cette ruse galante à tout l’effet possible : la marquise, après avoir frappé plusieurs coups très-vifs sur le lit, comme d’impatience ou de regret de sa faiblesse, porte avec pétulance une main à la ceinture du pantalon déjà déboutonné par un invisible soin du fripon d’Alfonse. Cet intéressant boute-joie, qu’on connaît, s’élance au-devant de la plus jolie main du monde, l’étonne et la brûle. De l’autre main, la marquise, hors d’elle-même, écarte avec une lascive fureur tout ce qui la couvrait… et…

La Marquise. — Foutre ! s’écrie-t-elle, mets-le donc[4], adorable fou, puisqu’on ne peut pas se soustraire à son étoile !

Cette permission, ou cet ordre, était à peu près inutile, car Alfonse avait déjà une jambe sur le lit. Il s’élance… Deux verres d’eau ne sont pas plutôt mêlés, confondus, unifiés, que ces lascives et brûlantes créatures. “ Fou… tre ! „ souffle la marquise, avec un baiser volcanique, jusqu’au fond de la poitrine de son fortuné vainqueur.

La Marquise (ressuscitant). — Ah ! des fous comme toi sont bien faits pour dégoûter à jamais des gens raisonnables !

Il est superflu, sans doute, d’observer ici qu’après le degré de liaison qui venait de se former entre la marquise et le bel Alfonse il peut se croire dispensé de soutenir le double rôle de domestique et de fou. De courts éclaircissements, qui nous sont tout à fait inutiles, eurent bientôt mis l’heureux couple mutuellement au fait de ce qu’il lui importait de savoir. Le résultat fut qu’Alfonse (préalablement prié d’ouvrir la porte, afin que madame Durut pût entrer quand on la voudrait) se déshabilla, se mit au lit et fit oublier deux fois encore à la marquise l’engagement pris avec l’allié Limecœur.

Après avoir exercé pendant deux heures les solides assauts de la passion et les futiles escarmouches du caprice, on sonna pour madame Durut. Celle-ci fut plus réjouie qu’étonnée de trouver les angéliques athlètes amoureusement enlacés entre deux draps. Voulant se donner le plaisir de les voir in naturalibus, elle prit la liberté de les découvrir. La marquise, pour la frime, faisait de petites façons ; Alfonse ne trouva pas, pour escamoter aux regards indiscrets de madame Durut les deux nudités, de meilleur expédient que de les confondre. Il init la marquise et dit gaiement à la curieuse matrone : “ À ton aise maintenant ; tu te lasseras plutôt de m’y voir que moi d’y rester ! „ En effet, madame Durut, fort occupée, ne pouvait leur donner que quelques instants. Il s’agissait pour elle de recevoir les ordres et non de garder ainsi les manteaux.

On la chargea de faire monter à trois heures un dîner fin et restaurant. Elle offrit et fit accepter à ces bons enfants la récréation de voir, incognito, une débridée qui devait être exécutée le soir par gens de talents distingués. Le dîner survint à la minute. Belamour et Criquet servirent à table. Comme leur active ou plutôt passive matinée leur avait valu quelques profits et qu’on les avait grisés, il ne fut pas difficile de tirer d’eux les détails de la séance. Mais ces aveux n’auraient du piquant que pour l’infiniment plus petit nombre de nos lecteurs. Qu’importe aux autres de savoir comment deux fieffés rétroactifs se sont donné deux morveux ; comment on a troqué, puis remonté tristement dans la voiture ? Sexe enchanteur, houris célestes, où vous n’avez pas de rôle tout languit, tout m’offre un sombre aspect. Les fleurs que n’a point caressées votre haleine magique sont ternes, inodores, et ne sont bonnes à cueillir que pour les mêler, comme des oppositions, aux bouquets éclatants et parfumés que nous nous permettons de moissonner dans l’inépuisablement fertile parterre des voluptés !


  1. Qui ne connaît pas l’excellent mot de Ninon faisant cocu le bien-aimé La Châtre !
  2. On saura dans le temps ce que c’est que l’Ermitage.
  3. En cas d’oubli, voyez page 5, premier numéro, la note concernant madame Durut.
  4. Je déteste (comme sans doute tous les lecteurs délicats) ces malheureux moments où des femmes dont on a la meilleure opinion, et qui ont été bien élevées, s’abaissent aux indécences, à la brutalité du plus ignoble vulgaire… Je prie les gens d’esprit et ceux qui auront l’expérience de ces sortes de conjonctures de m’adresser quelques tournures du bon ton, quelques jolies phrases qui, sans affaiblir les situations, puissent suppléer à des obscénités, véritables taches dans cet historique et très-moral ouvrage. Nous avons essayé de triomphez donc… d’achevez ma défaite… de faites-moi mourir,… etc. Tout cela ne nous a pas paru valoir cette énergique foutre ! mets-le donc !… Quel dommage qu’on ne puisse accommoder la bienséance qu’aux dépens de l’expression ou de la vérité !…
    (Note de l’Éditeur.)