Les Anacréontiques/L’Éloge de la Rose

Les AnacréontiquesAlphonse Lemerre, éditeurPoésies d’Auguste Lacaussade, tome 1 (p. 121-124).

LII

L’ÉLOGE DE LA ROSE


 
Avec la saison printanière,
Je veux dire en mes vers la fleur douce aux amours.
A ma voix, pour chanter la rose et les beaux jours,
Amie, unis ta voix légère.

* * *

La rose est l’haleine des Dieux,
Elle est la volupté des mortels, leurs délices !
De la pourpre de ses calices
Vénus orne sa tempe et l’or de ses cheveux.
Le groupe des Grâces riantes
Enlace ses bras nus de roses odorantes,
Au beau temps des amours fleuris.
Chère aux Muses comme à Cypris,

La rose est le soin des poètes,
La belle fleur de leurs chansons.
La rose est douce à tous, douce aux mains indiscrètes
Qui, pour la dérober à ses vertes retraites,
Bravent l’épine des buissons.
Elle embaume qui la caresse.
Dans sa feuille, épuisés d’ivresse,
L’abeille et les zéphirs aiment à s’enfermer.
Au doigt voluptueux qui l’échauffe et la presse,
Fleur des amours, la rose laisse
Une senteur qui fait aimer.

* * *

Au milieu des banquets la rose est désirée.
L’esprit du chant s’égaye à son éclat divin.
Bacchus, dans la coupe sacrée
Effeuillant la rose pourprée,
Boit ses parfums mêles aux aromes du vin.
Que peut-on faire sans la rose ?
Sans la rose, ô Vénus ! la vie est peu de chose.
L’aurore est dite aux doigts de rose ;
Des Nymphes le folâtre essaim
A la bouche de rose et de rose le sein ;
Au dire du docte et du sage,
La mère de l’Amour de rose a le visage.

* * *


Emblème de la volupté,
La rose, aux mortels secourable,
Rend aux malades la santé.
Chère aux morts, son parfum durable
Des ans mêmes brave le cours.
Douce est des roses la vieillesse,
Car la rose garde toujours
La fraîche odeur de sa jeunesse.

* * *

Quand de l’écume de la mer,
Réjouissant l’onde apaisée,
Aphrodite naquit, et de l’azur amer
Sortit brillante de rosée ;
Quand, aux bruits de la foudre, aux flammes de l’éclair,
Déesse aux combats animée,
Minerve jaillit tout armée
Du front tonnant de Jupiter ;
La terre, luttant de merveille,
A son tour enfanta la plante sans pareille,
La rose aux splendides couleurs !
Des Dieux la foule bienheureuse

Arrosa de nectar sa feuille radieuse.
Belle et remplissant l’air de nouvelles senteurs,
De son épine alors sortit majestueuse
La fleur chère à Bacchus, la première des fleurs !