Les Anacréontiques/La Vendange

Les AnacréontiquesAlphonse Lemerre, éditeurPoésies d’Auguste Lacaussade, tome 1 (p. 120-121).

LI

LA VENDANGE


 
Les jeunes vendangeurs, les belles vendangeuses
Sur leur tête aux boucles soyeuses
Portent à pleins paniers et versent aux pressoirs
Les lourdes grappes aux grains noirs.
Les hommes foulent seuls le fruit pourpré des treilles.
Le vin jaillit ; leurs chants retentissent en chœur,
Joyeux qu’ils sont de voir dans les cuves vermeilles
Bouillonner la rouge liqueur.
Le vieillard en boit-il, regardez comme il danse
Allègre avec des pieds tremblants !
De Bacchus qui ruisselle il fête l’abondance,
Et Zéphire se joue avec ses cheveux blancs.
Le jeune homme à l’ardente ivresse
Voit sous la vigne ombreuse où, prise de sommeil,
Sur son beau flanc repose à l’abri du soleil
La vierge que son œil caresse.
Furtif, il s’approche, il la presse
D’accorder à l’amour les dons chers à l’hymen.

Vainement la vierge confuse
Résiste ; il sait ravir, aidé du Dieu du vin,
Les dons que la pudeur refuse ;
Car avec la jeunesse aux désirs orageux
Bacchus mêle souvent la licence à ses jeux.