Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 91-92).


CHANSON.


   
LES vents qui ſe ſont déchaiſnez
   Courans par tout à l’auanture,
   Ne ſont pas ſi fort mutinez
   Contre les loix de la Nature.
   Durant la plus belle ſaiſon
Que mon penſer l’eſt contre ma raiſon.

   Depuis que i’ay reueu les yeux,
   Et les doux apas de Syluie,
   Mille deſirs ſeditieux
   Troublent le repos de ma vie,
   Et s’opoſans à ma raiſon,
Preſſent mon cœur de rentrer en priſon.


   Mon cœur, tu me le diſois bien
   Qu’il falloit éuiter ſa veuë,
   Et que dans ſon doux entretien
   Les Graces dont elle est pourueuë
   Me feroient boire d’vn poiſon
Qui troubleroit mes ſens & ma raiſon.

   I’en ay reconnu le ſuccés,
   Ce preſage estoit veritable :
   Mais voyant mon mal dans l’excés,
   Ma bleſſure eſtant incurable :
   Ie veux deffendre à ma raiſon
De me parler iamais de gueriſon.