Librairie de L. Hachette et Cie (p. 104-108).

XXVII

LES APÔTRES CHASSÉS D’ICONIUM.



Grand’mère. Paul et ceux qui étaient avec lui s’embarquèrent pour aller à Pergès, ville de l’Asie-Mineure, d’une province qui s’appelait la Pamphylie. Les chefs de la synagogue, sachant que saint Paul était arrivé, lui envoyèrent demander de leur prêcher la parole de Dieu. Saint Paul vint donc, et prêcha très-longuement devant les Juifs de ce pays ; il leur parla des prophéties, de la venue de Notre-Seigneur, de sa mort, de sa Résurrection prédites par les Prophètes. Le peuple L’écouta avec admiration, et tous lui demandèrent de continuer sa prédication le sabbat suivant.

Après l’assemblée, beaucoup de Juifs et d’autres suivirent Paul et Barnabé, qui, leur parlant encore, les exhortèrent à persévérer dans la vérité et dans la foi de la loi juive.

Les Rabbins, c’est-à-dire les Docteurs, voyant cette foule vivement émue des paroles de saint Paul, se mirent à le contredire, et cela aux applaudissements du peuple. Alors saint Paul leur répliqua avec hardiesse :

« D’après l’ordre de Dieu, il fallait que sa parole vous fût annoncée d’abord ; mais, puisque vous la rejetez, que vous ne voulez pas y croire, nous allons vous laisser dans votre ignorance, et nous enseignerons chez les Gentils. »

Les Gentils auxquels prêchèrent les Apôtres reçurent, au contraire, leurs paroles avec joie, et il y eut beaucoup de conversions dans toute la contrée. Les Juifs qui étaient restés incrédules, ayant vu ce grand nombre de conversions parmi les Gentils, en furent très-irrités ; ils imaginèrent d’exciter contre les Apôtres les femmes dévotes juives ; elles se réunirent, ameutèrent le peuple, et on chassa du pays les Apôtres et leurs disciples.

Henriette. Quelles mauvaises femmes !

Grand’mère. Les femmes dévotes sont très-dangereuses quand elles ne sont pas très-bonnes ; elles s’occupent avec passion de choses qui ne les regardent pas, et, sous prétexte de zèle religieux, elles font souvent beaucoup de mal.

Les Apôtres quittèrent Pergès en secouant la poussière de leurs pieds.

Valentine. Pourquoi secouaient-ils la poussière ?

Grand’mère. Pour témoigner qu’ils ne voulaient plus rien avoir de ces mauvais Juifs, pas même la poussière de leur ville.

Saint Paul et ses compagnons allèrent ensuite à Iconium.

Louis. Où est Iconium, Grand’mère ?

Grand’mère. C’était une ville de l’Asie-Mineure, en Phrygie, près de la Cilicie. Ils entrèrent ensemble dans la synagogue, et parlèrent si bien qu’un grand nombre de Juifs et de Gentils crurent en Notre-Seigneur.

Là aussi, comme à Pergès, les Juifs restés incrédules excitèrent une émeute contre les deux Apôtres. Pourtant ils ne réussirent pas à les faire partir. Paul et Barnabé continuèrent, malgré les émeutiers, à prêcher hardiment en public, faisant des miracles.

Le peuple d’Iconium se divisa et forma deux partis : les uns étaient pour les Juifs, les autres pour les Apôtres. Jésus-Christ avait dit jadis à ses Apôtres : « Je n’apporte pas la paix, mais la guerre. »

Jeanne. Pourquoi n’apportait-il pas la paix ? c’est bien plus agréable !

Grand’mère. Oui, certainement, chère petite ; mais pour que tous les hommes vécussent en paix, il faudrait qu’ils fussent tous du même avis, tous bons, aimant Dieu, le servant comme il veut être servi, s’aimant tous comme des frères.


Armand. Certainement, ce serait bien mieux. Moi, je veux bien aimer tout le monde.

Grand’mère. Oui, mon petit ; mais tout le monde ne ferait pas comme toi, et on se disputerait, parce que l’esprit du mal règne dans le monde, et parce qu’il y a eu depuis Adam, et il y aura jusqu’à la fin du monde, beaucoup plus de mauvais que de bons. Or, il y est impossible que les bons vivent en paix avec les mauvais ; ils ne sont jamais du même avis : le bon aime le bon Dieu et cherche à lui plaire ; le méchant l’oublie et l’offense du matin au soir ; le bon aime ses semblables, il cherche à les rendre heureux, à soulager leurs misères ; le méchant, toujours égoïste, opprime les faibles, les laisse souffrir sans y penser, ne les aime que pour lui-même, pour en tirer quelques services. Comment veux-tu qu’on s’accorde avec des sentiments si opposés ?

Maintenant, comme du temps des Apôtres, l’esprit du mal, c’est-à-dire le démon, cherche à détruire tout ce qui est bon et chrétien ; il cherche à détruire l’Église de Jésus-Christ ; il voudrait se débarrasser de tous les serviteurs de Dieu, qui défendent l’Église, à commencer par le Pape. Les bons, aidés de Dieu, leur résistent et leur résisteront toujours. Mais les méchants attaqueront toujours, et leur feront toujours le plus de mal qu’ils pourront. Voilà dans quel sens Notre-Seigneur et son Église, bien que très-bons, apportent sur la terre, non la paix, mais la guerre. C’est la guerre du bien contre le mal. Il y avait donc une division complète entre les mauvais Juifs d’Iconium, qui cherchaient à faire renvoyer les Apôtres, et les bons, qui chassaient les émeutiers et qui aimaient saint Paul.

Armand. Qu’est-ce que c’est : émeutiers ?

Grand’mère. Les émeutiers sont des gens qui font du désordre, qui se rassemblent pour crier, injurier, tuer même, s’ils sont les plus forts.

Les deux Apôtres apprirent que les mauvais Juifs, les Gentils et leurs chefs s’apprêtaient à se jeter sur eux et sur les nouveaux Chrétiens pour les lapider ; ils s’enfuirent donc à Lystra, puis à Derbe, villes de Lycaonie, toujours en Asie Mineure. Et ils restèrent là, prêchant, comme toujours, la foi et le Saint Évangile.

Élisabeth. Quelle vie terrible menaient ces pauvres Apôtres !

Grand’mère. Terrible, en effet, pour la nature humaine, qui n’aime ni les persécutions, ni les fatigues, ni les dangers, ni les insultes, ni la pauvreté, ni les humiliations, ni les souffrances. Mais ils souffraient tout cela avec ferveur pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et pour l’amour des pauvres âmes qu’ils sauvaient aux dépens de leur repos et de leur vie. C’est ce qu’ont fait et ce que font encore aujourd’hui nos Évêques et nos Prêtres Missionnaires ; ils éclairent et ils sauvent le monde, et bien souvent ils meurent comme les Apôtres, martyrs de Jésus-Christ.