XXV

SAINT PIERRE, ENCHAÎNÉ, EST DÉLIVRÉ PAR UN ANGE.
PUNITION D’HÉRODE.



Grand’mère. Il y avait un fervent Disciple nommé Barnabé, qui prêcha et convertit beaucoup de monde dans plusieurs contrées ; ensuite il vint chercher saint Paul à Tarse, et tous deux allèrent passer un an à Antioche.

Or, en ce temps, un Prophète nommé Agabus, inspiré du Saint-Esprit, vint dans cette même ville ; il prédit qu’il y aurait une grande famine par toute la terre ; les Disciples de différents pays qui crurent en cette prophétie résolurent d’envoyer d’avance des aumônes, selon leur pouvoir, à leurs Frères de Judée qui étaient pauvres. Ils le firent en effet et envoyèrent leurs aumônes à Paul et à Barnabé.

Henriette. Est-ce que la famine est arrivée ?

Grand’mère. Oui certainement, à l’époque indiquée par Agabus, sous le règne de l’Empereur Claude, successeur de l’Empereur Tibère. C’était sous le règne de Tibère que fut crucifié Notre-Seigneur. Cette famine dura deux ans, pendant lesquels les aumônes des Chrétiens riches secoururent une foule de leurs Frères pauvres et les empêchèrent de mourir de faim.

Pendant que saint Barnabé et saint Paul étaient à Jérusalem, arriva le martyre de saint Jacques le Majeur, et l’emprisonnement de saint Pierre ; voici comment.

Il y avait eu en Judée plusieurs changements de gouverneurs. Pilate, sur une accusation d’infidélité, fut obligé d’aller se justifier à Rome ; mais au lieu de l’écouter, on l’envoya en exil. Caïphe le Grand-Prêtre fut aussi destitué et renvoyé.

Jacques. C’est bien fait ! ces lâches.

Louis. Combien de temps après la mort de Notre-Seigneur ?

Grand’mère. Deux ans à peine. Le châtiment ne s’est pas fait attendre. Ce fut la première punition que leur envoya le bon Dieu pour leur infâme jugement. Hérode-Agrippa fut jeté en prison par l’Empereur Tibère. Caligula, le successeur de Tibère, fit sortir de prison cet Hérode-Agrippa, lui donna une chaîne d’or aussi lourde que les chaînes de fer qu’il avait portées et le nomma Roi de Judée.

Hérode-Agrippa, en arrivant à Jérusalem, chercha à gagner la faveur des Juifs. Connaissant leur haine contre les Chrétiens, il commença une nouvelle persécution, et fit couper la tête à L’Apôtre saint Jacques, frère de Jean.

L’historien Eusèbe raconte que l’homme qui avait dénoncé saint Jacques fut si frappé de son courage et de sa constance, qu’il se fit Chrétien lui-même. Il fut condamné immédiatement à avoir la tête tranchée avec saint Jacques.

Quand on le conduisit au lieu du supplice, avec le saint Apôtre, il lui demanda pardon de l’avoir livré à ses bourreaux. L’Apôtre, s’étant arrêté un instant, se tourna vers lui et lui dit en l’embrassant : « La paix soit avec toi. »

Jacques. C’est très-beau à saint Jacques d’avoir pardonné et béni son ennemi !

Grand’mère. Saint Jacques ne voyait plus en cet homme qu’un frère repentant. Il fit comme son Divin Maître. Il bénit l’auteur de sa mort. C’est ainsi que doit agir un vrai Chrétien.

Hérode, voyant que ces condamnations plaisaient aux Juifs, fit encore arrêter saint Pierre. Il le fit mettre en prison et le fit garder par quatre bandes de soldats, de quatre hommes chacune, de peur qu’il ne fût délivré par ses frères. Il voulait le faire mourir en présence de tout le peuple après les fêtes de Pâques, qui devaient se célébrer dans peu de jours.

Saint Pierre était donc gardé en prison et on ne permettait à personne d’en approcher ; mais l’Église entière, c’est-à-dire, tous les Chrétiens, priaient pour lui.

La nuit qui précédait son supplice, Pierre dormait entre deux soldats, lié à eux par deux chaînes. Les autres soldats faisaient la garde à la porte. Et voilà qu’un Ange du Seigneur parut, et une vive lumière éclaira la prison. Et touchant
St Pierre en prison
légèrement saint Pierre, il le réveilla et lui dit : « Lève-toi promptement. » Les chaînes de Pierre tombèrent de ses mains. El l’Ange lui dit : « Mets ta ceinture et attache tes sandales. » Pierre fit comme il lui était commandé. L’Ange ajouta : « Prends ton vêtement et suis-moi. »

Pierre sortant, le suivit, et il ne savait pas que ce qui se faisait fût réel, car il croyait que tout cela n’était qu’un rêve.

Quand ils eurent passé au milieu de la première et de la seconde garde, ils vinrent à la porte de fer de la prison, qui conduisait à la ville ; elle s’ouvrit d’elle-même devant eux. Étant sortis, ils s’avancèrent jusqu’au bout de la rue. Et l’Ange le quitta.

Alors Pierre revint tout à fait à lui ; et il dit : « C’est à présent que je vois que le Seigneur a envoyé son Ange, et qu’il m’a délivré des mains d’Hérode et du peuple Juif. »

Réfléchissant où il irait, il vint à la maison de Marie, mère de saint Marc, Évangéliste, où un grand nombre de fidèles étaient assemblés et priaient.

Comme il frappait à la porte, une fille nommée Rhode ou Rose vint pour écouter et savoir qui frappait. Ayant reconnu la voix de saint Pierre, elle en eut une si grande joie, qu’au lieu de lui ouvrir, elle courut dire dans toute la maison que Pierre était à la porte.

Marie-Thérèse. Comment ! elle le laisse à la porte ?

Grand’mère. La joie et l’étonnement lui avaient fait perdre la tête, ou plutôt le bonheur d’annoncer de suite une si grande nouvelle lui avait fait oublier que saint Pierre attendait à la porte.

On lui répondit : « Tu as perdu l’esprit. »

Elle, au contraire, assurait que c’était bien lui. À quoi ils répondaient : « C’est son Ange. »

Cependant Pierre continuait à frapper. Lorsqu’ils eurent enfin ouvert, ils le virent, et furent stupéfaits. Mais lui, leur faisant signe de la main de se taire, raconta comment le Seigneur l’avait tiré de prison. Il ajouta : « Faites savoir ceci à Jacques et aux frères. » Et sortant, il s’en alla dans un autre lieu.

Louis. Il a bien fait ce pauvre saint Pierre. Des gens qui le laissaient frapper à la porte, sans lui ouvrir, ne méritaient pas de l’avoir chez eux.

Grand’mère. Ce n’est pas pour les punir, cher enfant, que saint Pierre s’est retiré ; c’était pour ne pas attirer sur eux les persécutions dans le cas où on aurait su qu’il était dans cette maison. Par une prudente charité, il ne voulut pas les exposer à ce danger.

Cependant lorsqu’il fît jour, les soldats chargés de la garde de saint Pierre furent dans un grand trouble et une grande frayeur quand ils virent que leur prisonnier avait disparu. On le chercha partout sans pouvoir le trouver. Hérode, ayant appris ce qui était arrivé, fit donner la question aux gardes…

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est : la question ?

Grand’mère. C’est faire souffrir des tortures affreuses aux gens auxquels on veut faire dire quelque chose.

Valentine. Quelles tortures fait-on souffrir ?

Grand’mère. Le fouet, le feu ; on brûle les pieds, les membres ; on pince les chairs avec des tenailles ; on arrache les ongles ; on déchire le corps avec des peignes de fer ; et bien d’autres supplices qu’inventait la méchanceté des hommes.

Je disais donc qu’Hérode fit donner la question aux pauvres soldats, qu’il soupçonnait d’avoir aidé à la fuite de saint Pierre ; n’ayant pu en obtenir aucun renseignement, il leur fit couper la tête.

Louis. Cet Hérode est horriblement méchant ; j’espère que le bon Dieu l’a puni.

Grand’mère. Oui, la punition l’atteignit à son tour. « Un jour qu’il célébrait des jeux publics et qu’il avait ordonné de grandes réjouissances pour fêter le rétablissement de l’Empereur Claude, il voulut recevoir les ambassadeurs des Tyriens et des Sidoniens, auxquels il voulait faire la guerre et qui lui envoyaient une ambassade pour avoir la paix. »

Hérode fit dire aux ambassadeurs qu’il les recevrait au théâtre, le second jour des fêtes ; il arriva, vêtu d’une robe royale, toute d’argent, que le soleil faisait briller d’un éclat éblouissant. Et s’étant assis sur son trône, il fit un grand discours savant. Le peuple l’admirait et s’écriait pour le flatter : « C’est la voix d’un Dieu et non d’un homme. »

Mais au même instant, le Seigneur le frappa d’une affreuse maladie. Tout son corps fut rempli de vers qui le dévoraient. Hérode poussait des cris lamentables ; on l’emporta ; les médecins employèrent tous les remèdes possibles sans pouvoir le guérir, ni même le soulager. Il mourut en peu de temps, dévoré tout vivant par les vers. Après sa mort, la Judée devint province romaine, et eut un gouverneur romain.