XCVIII.

On ne circule, vers sept heures du soir, qu’avec d’extrêmes difficultés. Les rues sont sillonnées de patrouilles. Les régiments de la ligne campent sur les boulevards extérieurs : ils dînent, fument et bivouaquent, trinquent avec les citadins, sur le seuil des maisons. Au loin, on entend la résistance désespérée de Belleville et de la Villette ; à chaque pas, au ras des habitations, de longues taches blanches et carrées apparaissent : ce sont les soupiraux des caves qui ont été murés. De longues files de prisonniers, parmi lesquels des femmes en furie et des enfants, passent, les mains liées derrière le dos, entre les chaussées du boulevard, et sont dirigés sur Neuilly. La nuit vient. Pas un bec de gaz n’est allumé. Les rues se font désertes à mesure que le ciel se fait sombre. À neuf heures, la solitude. Au loin, le bruit d’une grosse de fusil qui tombe sur un trottoir. Çà et là une sentinelle, et les lumières se font rares derrière les fenêtres.