LIX

Nous avons une cour martiale ; elle est présidée par le citoyen Rossel, chef d’état-major à la guerre. Elle vient de condamner à mort le commandant Girod, qui a refusé de marcher à « l’ennemi ; » mais la commission exécutive a gracié le commandant Girod. Raisonnons un peu : si la commission exécutive passe le temps à défaire ce que la cour martiale a fait, je ne m’explique pas bien pourquoi la commission exécutive a institué la cour martiale. À la place de cette dernière, je me fâcherais : « Quoi ! dirais-je, on m’installe dans la salle des conseil de guerre, rue du Cherche-Midi, on me donne des gardes, et mon président aie droit de s’écrier : Gardes ! reconduisez l’accusé. Enfin, on fait de moi quelque chose qui ressemble à un véritable tribunal autant qu’une parodie peut ressembler à l’œuvre parodiée ; et lorsque moi, cour martiale, je veux profiter des droits qui m’ont été conférés, pour faire fusiller le commandant Girod, on s’oppose à justice et on assure la vie sauve à celui que j’ai condamné ? c’est absurde ! c’est odieux ! j’avais de la tendresse pour ce commandant, moi, et j’aurais voulu qu’il mourût de mes mains ! »

Allons, allons, calmez-vous, cour martiale. Vous prendrez votre revanche avant qu’il soit longtemps. Il n’y a pas moins, à l’heure où j’écris, de soixante-trois ecclésiastiques dans les prisons de Mazas, de la Conciergerie et de la Santé. Bien que ce ne soient pas précisément des militaires, on vous les donnera à juger, et vous pourrez en faire tout ce que vous voudrez, sans que la commission executive entremette son veto. Les réfractaires aussi vont vous donner de la besogne, et contre eux vous pourrez sévir à votre guise. Quant au commandant Girod, vous comprenez, c’était différent ; il est l’ami du citoyen Delescluze. Les membres de la Commune n’ont plus assez d’amis pour qu’ils laissent supprimer le peu qu’il leur en reste. Mais, consolez-vous, une douzaine de 1 vicaires vaut bien un commandant de la garde nationale.